Séries TV : Où sont passées les femmes fortes des années 90 ? – Partie 2

35

A l’occasion de la journée de la femme  aujourd’hui, le Cerveau vous propose de réfléchir avec lui sur l’image des femmes dans les séries TV américaines des années 90 à nos jours : au menu Doctor Who, Game Of Thrones, House of Cards, Revenge, et même How I Met Your Mother Un dossier en deux parties, dont la première est à retrouver ici.

Samantha Carter vs le Harem de Doctor Who

samantha carter stargate SG-1La Science-Fiction dans les années 90 a eu le vent en poupe : Entre X-Files, Stargate SG-1, Buffy…les séries consacrées aux univers fantastiques étaient tendance à cette époque. Samantha Carter dans Stargate SG-1 était l’exemple d’un stéréotype complètement brisé du genre : blonde, brillant officier scientifique et spécialiste en astrophysique.

Une femme intelligente, qui sait se défendre, qui ne se définit pas uniquement à travers ses hommes, ou ses sentiments pour son supérieur hiérarchique, pour un personnage qui aura influencé beaucoup de jeunes femmes à son époque. Que reste-il de ces influences en SF ?

2005 : Back to the Side-kick

Quelle série SF en vogue cette dernière décennie propose un personnage féminin principal ? On vous le donne en mille : Doctor Who. Une reprise en 2005 de la série culte de la BBC, qui s’est sacrément bien liftée depuis les années 60. Pourtant l’image des femmes dans Doctor Who n’est pas si glorieuse et même souvent reprochée à ses showrunners au-delà de remettre le side-kick féminin au goût du jour, et ce, insidieusement.

Qu’elle soit Rose, Martha, River, ou encore la petite dernière, Clara, ces femmes avec, en apparence, beaucoup de caractère, se définissent quasi exclusivement à travers le Docteur. Ipso Facto : femme définie à travers son alter ego masculin. A l’exception de Donna et Amy, toutes tombent amoureuses à différents degrés du Docteur, tout en sachant que l’union ne se fera jamais. On applaudira quand même Martha qui, malgré ses sentiments, décide de quitter le Docteur et reprendre sa vie de médecin.

Amy pond dans doctor who

La dernière arrivée ne flatte toujours pas la nature féminine : une jolie potiche que l’on tente de faire passer pour une super-héroine depuis l’explication de son existence. Clara, l’Impossible Girl, est sensée être une sorte d’Ange Gardien des Docteurs. La figure angélique, on l’a. La fonction gardien, elle est un peu tirée par les cheveux et quasiment inexistante depuis son arrivée dans la série, puisque ses interventions sont presque absentes. Elle se contente de découvrir des mondes avec le Docteur et n’est pro-active qu’en cas de désespoir. La nounou devenu maîtresse d’école est, décidément, un beau stéréotype de femme conventionnelle en 2013.

Potiche Land

river song ou sont passé les femmes fortes des années 90

Amy Pond n’est pas en reste malgré ses apparences de femme forte et charismatique. On ne sait pas exactement quelle est sa formation ou son statut dans la société, alors que son mari, lui, a un métier, souvent attribué à la gente féminine certes, mais un métier quand même. Quant aux petits jobs : parfois mannequin, kissogram et peut-être journaliste en saison 7, métier qu’elle a très vite laissé tomber. Une réalité occultée par son statut marital qui fait rêver et croire que les rôles sont inversés sans réellement l’être.

Et River ? Le seul personnage réellement « bad-ass » de la série ? Pas mieux. Alors que le personnage s’est très vite fait une place comme une femme forte, elle s’efface en faveur du Docteur, elle qui a été engendrée pour sa destruction. On peut même citer un seul épisode pour résumer l’évolution de ce personnage : Let’s Kill Hitler en saison 7. Le personnage, facétieux et psychopathe, se présente comme une femme indépendante pour finir par sauver et dédier sa vie à celui qu’elle épousera, quitte à se faire enfermer en prison pour un crime qu’elle n’a pas commis. Le mariage est un engagement pas un gage de dévouement, si ? Un dévouement inconditionnel au point que le personnage errera derrière son homme même après son sacrifice sa mort (The Name of the Doctor, saison 7). Steven Moffat, ou le sexisme habilement déguisé des temps modernes.

Deviantes et hors la loi : la femme psychotique

La mutation la plus apparente dans les séries de cette dernière décennie, est marquée par l’arrivée d’héroïnes aux pulsions de plus en plus sombres. Dans bon nombre de ces séries, la femme doit être, et, est imparfaite. Elle ment comme elle respire, elle est droguée, versatile et immorale, elle couche avec tout ce qui bouge, poignarde dans le dos. Bref, elle incarne ses traits les plus sombres de plus en plus à l’écran. Ce qui n’est pas un mal, mais face à quels autres types de personnalités ?

Dans Homeland, Carrie Mathison (Claire Danes) est une espionne brillante accro aux pilules et bipolaire. Dans United States of Tara, Tara, atteinte d’un trouble dissociatif de l’identité, tente avec plus ou moins de succès de réconcilier sa maladie avec sa vie de mère et d’épouse, exposant son mari et ses deux ados aux frasques de ses six autres personnalités. La folle par excellence, comme celles dépeintes par Freud, accentuant les stéréotypes de la femme instable comme rarement vu à la télévision.

Nancy Botwin,  héroïne (ou anti-héroine) de  Weeds, se lance quant à elle dans la vente de cannabis histoire d’arrondir les fins de mois suite au décès de son mari. Malgré une apparence de femme forte dans la peau d’une dealeuse,  bien loin de Walter White, même si leurs intérêts semblent commun, Nancy n’est pas une femme vertueuse. C’est une mère qui est tout sauf un modèle de sainteté, surement à l’origine des déboires et problèmes de son plus jeune fils. Freud est encore passé par là, tiens donc.

La scénariste Nahnatchka Khan a expliqué ce changement dans une interview au New York Times sur son son héroïne dans  Don’t trust the bitch  « Maintenant, on peut créer un personnage de femme imparfaite, même dans les séries grand public, sans qu’elle doive faire sa rédemption en fin d’épisode.” Oui, mais des femmes imparfaites au détriments des femmes fortes qui se font rares à l’écran ? L’imperfection est-elle devenue la norme et peut-elle être justifiée face à peu de personnages psychotiques ou imparfaits chez les hommes ?

Et dans les sitcoms ?

3489106983_9e86c44a67Parlons un peu de Rachel Green dans Friends, et pas seulement de son on/off avec Ross. Rachel est un des premiers personnages qui brise l’ordre établi dans le genre. Elle part de rien, fuit son mariage pour commencer un job en bas de l’échelle sociale et finir la série courtisée par l’une des enseignes les plus prestigieuses de l’univers de la Mode. Une belle image d’une femme qui sait ce qu’elle veut. Une femme qui n’a pas peur d’avoir un enfant hors mariage, et surtout, sans être en couple avec le père. On rajoute une couche à cela avec la vie en colocation de ces nouveaux parents dans le même appartement. Il est beau le nouveau millénaire.

Prenons maintenant Robin et Lily dans How I Met Your Mother. Deux personnages fictionnels qui ont grandi techniquement dans les années 90. Elles ont du caractère, s’affirment quand il le faut, jouent avec les codes de leurs genres pour parfois agir comme un mec… Comme leurs potes. Lily est l’exemple d’une femme presque épanouie :  mariée, mère de famille. Une femme stable. Tout du moins, jusqu’à ce qu’on lui offre un job à la hauteur de ses rêves comme elle l’avoue dans l’épisode 13 de la saison 8. Au final, Lily est bien un personnage conventionnel et rangé, voire frustré par sa condition en fin de série.

Robin-how-i-met-your-mother

Quant à Robin, c’est une autre histoire. Si son personnage est un garçon manqué, celle qui était indépendante et anti-mariage en début de série, la « bad ass » par excellence, incarnation parfaite des jeunes femmes de la génération 90, entre codes masculins et féminins, se précipite pour se marier. Et pas avec l’amoureux transi, mais avec un sociopathe womanizer sans même broncher, ni voir si ça va marcher sur le long terme. Au-delà des stéréotypes liés à son personnage (elle est comme ça à cause de son père…Freud encore toi ?), son évolution est bien trop soudaine pour une femme indépendante, autoritaire, voire suffisante. Et en toute honnêteté, quelle femme, forte ou non, accepterait de se mettre en couple avec un homme aussi libertin ne serait-ce que, pour une raison de confiance ? Quant au mariage…

Une rare sitcom mettant un personnage féminin fort en avant est Parks and Recreation. Une femme la plus indépendante qu’il puisse y avoir dans nos sitcoms aujourd’hui : la directrice adjointe de Mairie, Leslie Knope, qui a de grandes ambitions professionnelles et politiques,  n’en a rien à faire des hommes, et surtout poursuit ses aspirations et ce qu’elle souhaite. Son mariage avec Ben n’a pas freiné ses ambitions. Elle est drôle et pétillante et surtout bien loin de ses congénères en télévision. Le début du changement ? Qu’on se rassure des femmes fortes émergent encore en 2013 . Praise the Mighty God of Television !

She’s Back ! Et plus forte que Jamais

Qu’on se rassure, cette évolution de la femme n’a pas mis à mal le concept de la femme forte, même si elle a été reléguée au second plan pendant presque 10 ans. Pour preuve Game Of thrones, Revenge ou Once Upon A Time

tvguide-daenerysGame Of Thrones est une des rares séries de notre temps où les femmes sont largement représentées et à l’honneur. Avec ses femmes fortes, charismatiques et rebelles, indépendantes, manipulatrices et puissantes, Game Of Thrones aurait presque des allures de série féministe.

Il n’y a qu’à voir combien de femmes portent l’intrigue à l’écran : la désormais iconique Khaleesi, la petite Arya, une jeune fille très garçon manquée qui se rebelle contre les us qui font d’elle une « Lady ». Cersei, la Reine malveillante délicieusement gracieuse et machiavélique, face à Lady Catelyn Stark, chacune Mère de Clan, chacune stratège politique à leur manière. Une série où la Femme, la vraie, a sa place, mène le jeu avec force ou faiblesse, en tant que mère ou sœur, épouse ou fille, malgré les tragédies subies.

Daenerys Targaryan, la mère des Dragons est sans conteste le figure de proue des femmes fortes de cette génération de personnages féminins : déterminée, intelligente et pleine de compassion. Une femme qui sait qui elle est, qui manipule les hommes qui la seconde et n’hésite pas à les remettre à leur place. Pour la citer « All Men must die….But we are not men/ Tous les hommes doivent mourir… mais nous ne sommes pas des hommes ». Un personnage qui fascine, admiré autant par les femmes que les hommes qui suivent ce nouveau culte de la Télévision.

Game of Thrones, c’est la Femme sous un nouveau jour dans un âge et un univers dominé par les hommes, les mariages arrangés et la virilité. Des femmes  qui renouent avec leurs sœurs des séries des années 90 puisqu’elles ont du pouvoir, l’usent et tiennent tête aux hommes, pour une véritable parité à l’écran. Merci HBO.

Daenerys Taragaryan « Dracarys »


Vengeance, Manipulation et Conte de fée des temps modernes

Revenge, où le récit de vengeance d’Emily Thorne. Revenge, c’est un peu « Le Comte de Monte Cristo »  mais version féminine. L’héroïne s’installe dans les Hamptons pour se venger des personnes qui ont détruit sa famille. Emily Thorne est une femme de sang froid qui ne perd jamais le nord. Elle est prête à tout pour assouvir sa vengeance même à sacrifier son propre bonheur, quitte à mettre en jeu ses relations amoureuses. Jamais touchée par les autres, voire parfois insensible et focalisée sur son but. Non sans rappeler son alter égo de Kill Bill au cinéma, Emily maîtrise bon nombre de techniques de combats. Elle est forte, elle ne se laisse pas toucher par ses relations, ni abattre par l’adversité. Si ça ce n’est pas Bad-Ass ?

JENNIFER MORRISON, LANA PARRILLA

Dans Once Upon a Time, Emma, l’héroïne de la série s’est imposée comme une femme forte, elle se bat et elle est leader du groupe. Nouveauté : Emma, l’héroïne est une femme battante qui est aussi mère d’un enfant. Un statut qui brise les stéréotypes du genre qu’on aura attendu pendant plus de 20 ans. Malgré un triangle amoureux perturbant entre la femme, le Capitaine Crochet et Neal, Emma ne se laisse pas aliéner par la situation et continue à garder ses objectifs : combattre le Mal et protéger sa famille. Go Emma ! Face à elle, un autre type de femme forte : Regina, qui s’impose comme une rivale, mais une rivale à la hauteur d’Emma loin du crêpage de chignon auxquels certains pourraient s’attendre. Une rivalité matriarcale pour deux femmes de crans qui s’imposent à l’écran.

HOUSE OF CARDS

Dernière arrivée, Claire Underwood dans House of Cards. La femme froide et calculatrice, presque détestable mais extrêmement fascinante. Une femme aux antipodes de sa situation et femmes de sa classe sociale, généralement définies par le statut de leur époux. Une sorte de Lady Macbeth moderne, prête à tout pour garder son pouvoir et aider son mari à accéder aux plus hautes sphères politiques du pays.

Un personnage complexe, capable de trahir les autres pour arriver à ses fins mais extrêmement loyale à son époux. Dangereuse, elle est loin de l’image positive de la femme des années 90, tout en étant une femme de poids. Un regard différent sur le caractère de puissance pour une nouvelle donne des femmes mariées et carriéristes.  Merci Netflix.

Crédits photos ©Droits réservés 

Partager