Gimme The Loot : Adam Leon se livre en Brainterview

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Le Cerveau a rencontré Adam Leon auteur et réalisateur de Gimme The Loot dans les salles le 2 janvier. 

Le 2 janvier, sort sur nos écrans un premier film qui a fait parler de lui à Cannes et à Deauville. Gimme The Loot, ou « Donne-moi le magot« , tire son titre d’une chanson du Notorious BIG sur son premier album Ready to Die et nous raconte l’histoire de deux graffeurs New Yorkais, Malcom et Sofia qui ont 48h pour trouver les 500$ qui les feraient entrer dans l’histoire du Street Art. Une véritable fable sociétale américaine versatile entre candeur et débrouillardise à travers un New-York des plus réalistes. Le Cerveau a rencontré Adam Leon, auteur et réalisateur de Gimme The Loot . Le réalisateur revient sur la musique du film, le tournage à New York ainsi que la réflexion sociale de son long métrage.

Pourquoi avoir choisi le titre d’une chanson de Notorious BIG comme titre du film ?  

Adam Leon :  Le titre a un aspect film de casse que j’aimais beaucoup. Un aspect que l’on retrouve dans le film. Et même si le film n’est pas vraiment hip-hop, le titre aux États-Unis, lui donne un côté jeune, hip-hop. J’aime beaucoup le titre, je l’avais en tête avant d’écrire le film.

À part le titre, diriez-vous que votre film est un film hip-hop ?

A.L : Le graffiti fait partie de la culture hip-hop. Les deux héros sont des graffeurs du Bronx, le lieu de naissance du Rap et du Breakdance, et c’est une partie intégrale de leur identité et j’espère que le film en a l’énergie et le rythme. Je pense que les gens seront surpris lorsqu’ils verront le film, par le fait qu’il n’y a que si peu de rap. Mais c’est une décision que nous avons prise très tôt pour donner le ton. Un film qui se passe dans cet environnement pour être plus sombre, mais nous avons décidé de nous amuser et de faire un film plus léger et la musique permet d’accomplir ça. Aussi pour créer une séparation entre l’histoire et le spectateur, c’est une relation qui m’intéresse beaucoup et la musique crée cette séparation et même si tout est authentique, ça reste de la fiction.

La culture hip-hop est essentielle pour n’importe quelle personne ayant grandi à New York ayant mon âge ou plus jeune.

La bande originale du film est très old school, comment avez-vous trouvé les chansons pour le film ? 

A.L : La musique est une de mes passions et j’ai créé une playlist d’environ 150 morceaux, avant d’écrire le film. Je cherchais des morceaux qui me donnaient un certain sentiment si bien que je me disais : ça c’est une chanson Gimme The Loot. C’est-à-dire une chanson qui a beaucoup d’énergie, qui est légère, qui a un côté Old School. On a utilisé beaucoup de morceaux de rock et gospel, des années 50 ou 60 et des morceaux un peu plus bruts.

New York tient un rôle important dans le film, vous passez dans différents quartiers de Manhattan au Bronx. Comment est-ce que les habitants de New York ont réagi au tournage ? 

A.L : J’aime tourner à New York. Les gens à New York sont occupés, ils ont leurs trucs à faire alors un petit film avec 5, 6 personnes autour d’une caméra n’est pas la chose la plus intéressante qu’ils vont voir dans l’heure. Donc la plupart du temps, ils nous laissaient tranquilles, mais quand on avait besoin d’aide, ils nous aidaient volontiers. Nous avons pu demander : Est-ce qu’on peut tourner ici ? Utiliser cette épicerie ? Est-ce qu’on peut tourner dans cette rue ? Dans la plupart des cas les gens étaient très accueillants. Il y a une dichotomie à New York, les New-Yorkais ne s’occupent que de leurs affaires, mais si vous faites quelque chose dans leurs films, ils apprécient et supportent ce que vous faites.

Pourquoi ne pas avoir choisi des lieux plus connus de New York pour le film ?

A.L : Je voulais montrer un New York inédit au cinéma. Il y a cette impression que New York est devenu très corporate, seulement des centres commerciaux et des magasins franchisés. Cette impression n’est pas fausse, mais il y a toujours le New York de mon enfance qui existe. Celui qui est plus unique, plus coloré. Donc je voulais montrer un autre New York loin des coins touristiques du Bronx à Manhattan.

Avant de réaliser Gimme The Loot, vous avez dirigé un court métrage. Comment s’est passé la transition du court au long métrage ? 

A.L : Tourner un long métrage est un challenge. Avec un court, on peut un faire une histoire qui ne raconte qu’un moment. Avec un long métrage, il ne faut pas ennuyer son spectateur et maintenir le rythme du film, donc dès le script, c’est un défi. Au niveau de la production également. Si on réalise un court métrage, on  tourne pendant deux trois jours donc si le casting et l’équipe technique sont fatigués à la fin du tournage ce n’est pas trop grave. Par contre avec un long métrage, c’est différent. Même sur un film avec un petit budget, il faut quand même veiller à pouvoir veiller sur tout le monde : qu’ils prennent des jours de congés, qu’ils mangent bien, qu’ils ne soient pas surmenés. Ces aspects de la production sont très importants.

Cependant, chaque tournage est différent. Nous avons de la chance sur Gimme The Loot, même si le tournage était plus long, c’était bien plus plaisant et parfois plus facile. Parce que sur le court nous avions d’autres variables à gérer. Le court n’a pas de lien avec le film, à part Ty (Malcolm dans le film) qui joue dans les deux.

De ce que l’on retrouve dans le film, qu’est-ce qui a été improvisé et qu’est qui était dans le script ? 

A.L : Tout était dans le script. Les gens sont souvent surpris de l’entendre et on le prend comme un compliment. J’ai écrit tout le script et ensuite j’ai travaillé avec les acteurs. On a fait beaucoup de répétitions parce qu’il y avait tellement d’autres facteurs qui rentraient en jeux vu qu’on le tournait en pleine ville. Nous devions être bien préparés pour ne pas perdre de temps à chercher comment tourner la scène, comme ça dès que nous arrivions sur le lieu de tournage, on pouvait s’occuper des imprévus.

Dans votre film, les personnages parlent beaucoup. Avez-vous été influencé par un réalisateur comme John Cassavetes, dont les personnages parlent également beaucoup ? 

A.L : Ce que Cassavetes a fait qui m’a vraiment inspiré n’est pas juste cet élément, mais le concept même de la production. S’entourer d’un petit groupe de personne qui croit au projet et tourner en extérieur.  C’est quelque chose de vraiment motivant pour de jeunes réalisateurs indépendants.  Pour les dialogues, je crois c’est juste notre façon de parler (rires).

Est-ce que d’autres réalisateurs vous ont inspiré ? Woody Allen ? 

A.L : Woody Allen a été également une grande influence. Le film montre un autre New York que le New York de Woody, mais la façon dont il tourne m’a beaucoup inspiré. Je pense que Malcolm est une sorte de Hip Hop Woody Allen.

Comment vivez-vous le succès du film ? 

A.L : C’est génial et intimidant, on a tourné le film l’an dernier avec un petit budget. Aucun d’entre nous n’avait fait quoi que ce soit avant. Nous n’avions aucune idée de la réponse que nous allions avoir. Avoir le film à Cannes et le faire sortir en France où il a été très bien accueilli… C’est très touchant et irréel. Je pense que New York et la France ont une relation intéressante et une admiration mutuelle. J’admire l’amour qu’il y a pour le cinéma en France, c’est LE pays qui se passionne pour le cinéma. Alors d’avoir notre petit film tourné dans le Bronx, si bien reçu ici, c’est une belle reconnaissance. C’est cool.

Comment avez-vous trouvez les acteurs ?

A.L : Je connaissais Ty, j’ai écrit le rôle pour lui. J’ai écrit des rôles pour d’autres personnes que je connaissais. Quand on fait un film comme ça, il faut utiliser toutes les opportunités qu’on a sous la main. Tashiana, ça a été un long processus. On a vu des centaines de filles et nous l’avons trouvée, mais ça a été difficile, car le rôle l’est également, elle devait être dure, fragile, drôle. Elle devait pouvoir balancer tous ces éléments.

Le casting a été long, on a fait beaucoup de street casting, toute l’équipe du film, nous allions dans la rue, dans les parcs, dans le métro. J’allais voir des gens dans des diners, j’ai trouvé une fille qui est dans le film dans une épicerie. Je savais qu’on pouvait trouver des enfants charismatiques de New York et qui passeraient bien à la caméra.

Est-ce qu’il  a été difficile de trouver la bonne alchimie entre Malcolm et Sophia ? 

A.L : Oui, très. Nous avons auditionné d’autres actrices avec Ty, Tashiana et lui ont accroché rapidement. La crédibilité du film repose sur leur relation, c’est une relation unique, une histoire d’amour non romantique et de partenaire. C’est pour ça que le casting a pris autant de temps, mais ça valait le coup. Je pense que Tashiana est une actrice très douée.

Dans le film, tout le monde vole tout le monde, le vélo, les chaussures, le téléphone… est-ce qu’il y a une symbolique rappelant Jungle Fever

A.L : Non (rires) Je pense que c’est un peu leur propre monnaie d’échange. C’est comme le cycle des baskets. Sofia les prend à ce garçon, les vend a un mec et le mec les prêtes à Malcolm. Le film est habité par des ados un peu arrogants qui  feront ce qu’ils ont à faire pour arriver à leurs fins.

Est-ce qu’on peut parler d’une réflexion sociale ?

A.L : Pour moi c’est délicat. Parce que les personnages sont afro-américains et ils vont dans certaines parties de la ville et interagissent avec certains types de personnes. Donc il y a forcément un contexte social. Mais en tant que narrateur et en travaillant avec les acteurs, il était très important pour nous de nous concentrer sur les personnages et être sur qu’ils étaient le plus authentiques possible. Et que les situations dans lesquelles ils se retrouvent soient authentiques également. Il faut que les spectateurs soient capables de le ressentir sans qu’on leur disent. Nous n’avons pas voulu faire un film trop «social» et ça nous a permis de donner un visage humain aux personnages. On espère que les gens qui regarderont le film se feront une meilleure idée de qui sont les personnages : des ados qui vivent dans un environnement difficile et ce que ça implique.  Mais je n’ai non plus envie de trop m’étendre sur cet aspect dans le film.

Depuis que le film s’est fait connaitre, est-ce que quelqu’un a tagué la pomme de Mets  ? 

A.L : Apparemment (et je le savais pas lorsque j’écrivais le film) elle a été taguée en 1997/1998. Le film n’est pas sorti aux États-Unis encore donc on espère, on est curieux de voir si ça va donner une motivation nouvelle aux graffeurs de New York. Ça serait une bonne promotion pour le film.

Crédits Images ©Diaphana Distribution

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