Canneséries – Nicolaj Coster-Waldau : « J’aime avant tout les bonnes histoires »

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Brainterview mélomane et sérielle avec Nikolaj Colster Waldau, président du Jury de Canneséries saison 4

On le connait tous pour son interprétation mémorable dans la série la plus plebiscitée de cette décennie. L’acteur danois, célèbre pour sa prestation iconique de Jaime Lannister dans Game of Thrones a pris le temps de  s’assoir avec le Cerveau, entre deux visionnages des nombreux épisodes présentés dans le cadre de la compétition Canneseries. Rencontre avec le Président du Jury de la quatrième saison du festival Canneséries, Nicolaj Coster-Waldau.

Une brainterview autour de la télévision, les séries et le festival cannois, bien sûr, et son rôle de Président du Jury, mais surtout, surprise, une discussion autour de la musique et son importance, rythmée par la mélodie de sa voix légendaire, reconnaissable partout dans le monde.

 

Que représente pour vous votre rôle de Président du Jury, ici à Canneséries ?

Être ici est naturellement un honneur. Je suis très excité car j’adore découvrir de nouvelles et bonnes histoires. Et grâce au développement du streaming international, nous avons désormais la chance d’avoir accès à des séries venues de pays dont nous ne voyions absolument rien auparavant. C’est fascinant dans la mesure où, initialement, beaucoup de monde craignait que l’avènement d’un Netflix finisse par condamner les sorties en salles et favoriser le développement d’une « formule » qui serait toujours la même et ennuyeuse. Et c’est finalement totalement l’opposé qui s’est produit. A bien des égards. C’est formidable de pouvoir enfin se dire qu’une série d’aujourd’hui peut enfin prétendre au marché global sans nécessairement être américaine… ou anglophone tout au moins. C’est exactement ce que je disais lors de mon petit speech lors de la cérémonie d’ouverture du festival : qui aurait pu prévoir que le plus gros phénomène sériel du moment nous viendrait de la Corée du Sud ? Rien que le formuler fait un drôle d’effet… Et c’est vraiment formidable. Nous vivons dans un monde polarisé… nourri de la peur de l’autre et de l’inconnu. Et tout à coup, à travers le simple visionnage d’un épisode de série TV venu d’endroit que l’on pouvait craindre, on réalise soudain que l’expérience humaine reste exactement la même. La culture et les circonstances peuvent varier mais, au final, on affronte tous les mêmes épreuves. Nous avons tellement plus en commun que tout ce qui nous divise…

Sur quels critères basez-vous votre réflexion afin de départager les lauréats ?

C’est vraiment très simple. Est-ce que je me sens impliqué dans l’histoire que l’on me raconte ? Ainsi qu’envers les personnages ? Ai-je ou non le sentiment d’avoir déjà vu ça un million de fois auparavant ? Exactement les mêmes questions que l’on se pose tous lorsque l’on regarde une série depuis son salon… La meilleure chose qui puisse arriver est de se dire : « Hum… Je ne l’ai pas vu arriver, celle-là ». C’est tout. C’est aussi simple que cela.

La musique d’une série, ou d’un film bien entendu, est-elle également importante à vos yeux ?

Très importante. Je me rappelle avoir vu un vieux clip russe qui proposait une démonstration concrète du pouvoir que peut avoir la musique sur votre expérience de spectateur. Il y avait une femme qui observait, en gros plan, un vaste paysage… Puis la musique s’est mise à jouer la carte du thriller, comme si quelque chose de terrible était sur le point d’arriver. Après quoi, elle s’est faite plus douce, comme si cette femme attendait l’amour de sa vie. Chaque variante musicale changeait totalement l’ambiance et, donc, la perspective de la scène. De fait, oui, la musique est primordiale. Mais pas seulement. C’est tout aussi vrai de l’ensemble du sound-design. C’est amusant parce que je travaille sur un podcast… chose qu’auparavant on appelait une « émission de radio ». (Rires). Je travaille avec un brillant directeur sonore et c’est tout aussi fascinant d’écrire pour ce medium que de se focaliser sur les besoins et les spécificités de l’audio. Un peu comme une caméra qui se déplacerait tout autour de vous dans un décor, mais en essayer de reproduire cette même sensation uniquement en ayant recours au son.

Vous arrive-t-il d’écouter, aussi bien pour votre plaisir personnel que pour mieux vous préparer à une scène, des morceaux issus des bandes originales de films ou de séries dans lesquels vous avez joué ?

Il m’arrive, effectivement, d’utiliser la musique pour préparer une scène. Comme vous dites, pour m’aider à entrer dans une ambiance particulière… un certain état d’esprit. Nous portons tous en nous le souvenir de certaines chansons capables de vous atteindre immédiatement. En fonction du souvenir d’une expérience spécifique. Comme le grand classique : la chanson qui passait durant votre première danse avec la fille de vos rêves quand vous étiez adolescent… Cette chanson reste en vous pour toujours et à jamais. Donc, oui, je me sers de la musique. De bien des façons.

Avez-vous déjà assisté à l’une des représentations de la tournée de Ramin Djawadi consacrée aux partitions de Game of Thrones ?

Non. Malheureusement, non. En revanche, l’année dernière, j’ai participé au festival du film de Taormine (Italie) l’année dernière et, non seulement le festival en lui-même est extraordinaire mais, de plus, ils ont ce magnifique théâtre grec pouvant accueillir jusqu’à 3000 personnes. Ennio Morricone venait de décéder et ils lui ont rendu hommage grâce à un magnifique concert symphonique. L’un des mes films préférés de tous les temps étant Il était une fois en Amérique… Entendre cette musique en live, dans ce lieu magnifique… C’était absolument incroyable. D’autant que c’était le premier concert auquel j’assistais après cette longue période de confinement. Absolument fantastique.

Etiez-vous particulièrement intéressé par les univers de Fantasy ou de science-fiction avant de devenir Jaime Lannister ?

Disons que je n’étais pas un non-fan. Comme je vous le disais plus tôt, j’aime avant tout les bonnes histoires. J’aime regarder un grand film de SF… J’aime cette idée de jouer avec la question du « et si ? ». Mais, en définitive, la seule chose qui compte vraiment reste la qualité d’exécution. Comment tout cela est-il raconté ? A quel point je parviens à m’identifier aux personnages ? La bonne science-fiction nous aide à nous poser les bonnes questions sur notre présent. Et, je pense que c’est exactement ce que faisait Game of Thrones en proposant cet « espèce d’univers parallèle ». Ce n’est clairement pas notre Histoire. Nous ne sommes peut-être même pas sur la même planète. Mais nous nous y reconnaissons. Donc, si je suis fan de quelque chose, c’est avant tout des bonnes histoires.

Peaky Blinders se conclura prochainement au cinéma. Downton Abbey en arrive déjà à son deuxième film. Auriez-vous aimé voir Game of Thrones arriver sur grand écran, à un moment ou à un autre ?

Il y a eu pas mal de discussions à ce propos. Nous en étions même arrivés à un moment où il était prévu de finir la série avec deux ou trois films au cinéma. Mais je pense que, pour HBO, ça n’avait aucun sens. Lorsque vous demandez aux gens de payer chaque mois un abonnement pour avoir accès à un programme, il n’est pas judicieux de leur dire : « Ok, super, vous avez suivi la série mais, maintenant, vous allez devoir payer des tickets supplémentaires pour voir la fin en salles ». Sachant que beaucoup d’abonnés ont souscrit à HBO uniquement pour pouvoir regarder Game of Thrones… En revanche, il y a eu une année où ils ont programmé des épisodes au cinéma. Et je suis d’ailleurs voir quelques épisodes pour voir l’effet que cela pouvait faire. Sans surprise : c’était de qualité équivalente avec un film traditionnel. Donc, je suis mitigé. Autant les épisodes sont spectaculaires sur grand écran mais Game of Thrones reste avant tout une série télévisée.  Et cela aurait trop difficile de condenser une histoire… Rendez-vous compte : les gens se plaignent déjà régulièrement de la rapidité avec laquelle s’est achevée dernière saison ! Alors, imaginez un peu ce que cela donnerait en (re)coupant tout ça dans une version de 2h30 ou 3h… (Rires).

Crédit photos : ©Canneseries 2021

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