Dix pour cent : Une réflexion humaine et cinématographique 

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4.0

Dix pour cent nous a quitté il y a moins d’une semaine. Le Cerveau fait le bilan de cette saison 4 où les larmes et les doutes ont remplacé l’adrénaline des contrats et la bonne humeur d’ASK.

Diffusée sur France 2, Dix pour cent, a su trouver un public fidèle, regroupant 3,7 millions de fans chaque mercredi pour sa quatrième et ultime saisonn avec un clap final diffusé le 4 novembre dernier.

La série inspirée de la carrière de Dominique Besnehard, l’un des plus grands agents de comédiens de Paris, nous plonge au coeur des coulisses du cinéma. Une vérité apportée, laissant loin dernière l’image glamour du 7e art.

ASK ton univers impitoyable

Depuis 2015, nous suivons les pas des agents Andréa Martel (Camille Cottin), Mathias Barneville (Thibault de Montalembert), Gabriel Sarda (Grégory Montel), Arlette Azémar (Liliane Rovère), Hervé André-Jezak (Nicolas Maury), Noémie Leclerc (Laure Calamy) et Camille Valentini ( Fanny Sidney).

Le spectateur est confronté à leur vie au sein de l’agence ASK et celle des coulisses du cinéma. Une atmosphère qui n’est pas toujours festive ni composée de strass et de paillette. Au contraire, « Dix pour cent », dévoile un monde de requin : concurrence entre agence, coup en douce entre agents, caprice de stars. L’humain est parfois effacé en faveur d’une victoire personnelle.

La loi du plus fort

Pour cette quatrième saison , les protagonistes sont à nouveaux confrontés à de nouveaux choix, mais cette fois-ci la bataille sera plus compliquée avec l’arrivée d’ Élise Formain, agent artistique chez Starmedias. Un personnage dénué d’humanité. Rien ne l’arrête pour nuire à ASK : enregistrement audio pour voler des artistes, chantage pour que Gabriel quitte ASK…

Incarnée par Anne Marivin, elle renforce cette cruauté indéniable pour parvenir à ses fins. On peut la comparer à une lionne, qui sans remord attaque ses concurrents en leur volant leur proie, pour nourrir son agence des meilleurs acteurs et actrices. Elise Formain est sans aucun doute l’agent le plus détestable et en même temps, elle ne fait que reproduire ce que tous les agents font. Elle est le reflet de leur part de noirceur : qui d’Andréa, Mathias ou encore Gabriel n’ont pas agi pour la famille que forme ASK ?

 

On observe les personnages tomber, se relever, évoluer dans leur carrière. Au-delà de leur posture d’agent, ils dévoilent aussi un peu de leur vie privée parfois chaotique ou inexistante par des professionnels dévoués à leurs artistes quitte à mettre entre parenthèses les relations amoureuses ou fonder une famille comme Andréa. Derrière un tempérament bien trempé se cache une femme qui aime les gens et un peu trop ses comédiens quitte à mettre sa compagne et sa fille de côté.

Une évolution solennelle

À la fin de la saison 3, Mathias quitte l’agence, il est désormais producteur. Un nouveau statut qui ne rassure pas vraiment ses anciens collaborateurs. Ils se méfient de cet homme égoïste qui a toujours agi en sa propre faveur sans penser aux conséquences que cela pouvait avoir sur les autres. À chaque prise de décision, Andréa, Gabriel, Camille et même Noémie, cherchent où est le piège. Seules les dernières secondes de cette ultime saison, lui donnera à réfléchir sur son attitude.

Il ne s’excuse pas, n’a pas de remords. Il reconnaît tout simplement qu’il n’a pas toujours fait les choses de la bonne manière. C’est le passé, il ne peut pas revenir en arrière. Mathias reste fidèle à lui-même jusqu’au bout, tout comme les autres personnages. Si dans la plupart des séries on voit un véritable changement dans le comportement des protagonistes où les méchants deviennent peu à peu gentils, les égoïstes, compatissants.

Personnage constants

Dans « Dix pour cent », les scénaristes ne se sont pas attardés à donner une nouvelle envergure à leur trait de caractère. Ils évoluent professionnellement et émotionnellement, certes. On les voit grandir, prendre conscience sur leur démarche, voire même faire un bilan sur leur vie personnelle dans le dernier épisode de la saison 4.

Ils montrent une véritable sincérité envers les gens qu’ils aiment et eux-mêmes. Mais les gentils restent les gentils, les manipulateurs les manipulateurs… et c’est peut-être cette écriture qui les rend si authentiques et finalement humains.

Dénonciation d’un cinéma castrateur

La quatrième saison offre une trame narrative beaucoup plus profonde et va au-delà du rôle de l’agent :  à savoir rassurer ses comédiens, leur trouver et valider des contrats. Ce dernier volet pose la question des différentes générations au coeur du cinéma et de l’importance qu’ils ont à être représentés par le business, pour une meilleure identification avec le public.

La remise en question de certaines personnalités qui ne se sentent pas légitimes à défendre certains rôles, signalant ainsi les cases dans lesquelles ils sont mis. Beaucoup se sentent condamnés à faire le même personnage tout au long de leur carrière.  Dix pour cent souligne cette injustice des acteurs de télévision, moins bien considérés que les acteurs de cinéma – tout du moins en France car cela n’est plus le cas aux Etats(Unis – et pourtant plus populaires auprès du public.

Sexisme et Agisme

Le programme met en lumière la place de la femme dans cet industrie avec l’épisode Sigourney  : pourquoi en tant que femme, elle ne peut avoir un partenaire de 35 ans de moins qu’elle quand les acteurs eux ont ce privilège ? Un réel enjeu, défendu notamment par l’association l’AAFA ( Actrices et Acteurs de France Associés) qui défend les actrices après 50 ans.

On peut noter ici un parallèle entre les actrices et nos héroïnes. Si l’actrice doit encore se battre pour s’imposer et s’affirmer en tant que femme. Andréa, Camille, Noémie, Arlette et Élise, elles n’ont pas ce problème. Elles sont de véritables femmes d’affaires, autant considérées que les hommes et même plus dangereuses. Ce sont elles qui mènent la danse et font briller leur agence artistique.

Point final

Dix pour cent est une série de comédie en presque huis clos rythmé par l’humour avant tout. Un humour qui s’est malheureusement envolé dans cette quatrième saison. Les personnages ont perdu ce dynamisme faisant rire les spectateurs. Les visages sont beaucoup plus fermés.

Seul Hervé réussira de temps en temps à nous faire décrocher un petit sourire. Une ambiance morose accentuée par Gabriel et Andréa de plus en plus accablés quand les autres essaient de trouver un autre souffle. On se voit déçu de cette perte de fraîcheur qui permettait d’accepter chaque coup de massue envers ASK. Ce nouveau ton ramène à l’évidence, à la réalité : il faut abandonner. Tout le long des épisodes, la glas de la fin sonne, et ça se sent dans l’écriture moins loufoque et plus terre à terre.

Les histoires s’enchaînent avec une vision plus cinématographique. Certains plans, accompagnés de musiques font écho à des grands films, comme Les choses de la vie ou encore L’important c’est d’aimer. A noter aussi cette scène finale remarquable. La famille ASK au complet tire sa révérence. La lumière s’éteint, le spectacle est terminé…le public, les artistes rejoignent la sortie. Dix pour cent nous quitte, en rentrant indéniablement au panthéon des séries françaises qui resteront dans les annales.

Crédit photos : ©France télévision 

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