A l’heure du tout reboot, voici l’annonce d’un retour que l’on ne veut pas : celui de Buffy à la télévision. Le Cerveau et son neurone vous expliquent pourquoi on n’en a pas besoin.
On le sait, l’ère du reboot remake et revival est à son âge d’or – à l’image ou la télévision traverse un âge d’or – comme l’aiment le dire les execs, patrons de chaînes ou autres producteurs de séries à foison.
Un âge d’or qui permet de faire des économies tout en assurant le retour de bon nombre de spectateurs nostalgiques d’une époque et d’une œuvre révolue devant leur écran, comme au temps jadis. On a pu le voir avec le retour de X-Files, Mac Gyver, Heroes, et on en passe des (pas du tout) meilleures.
Back from the dead
Des retours de séries TV décédées durant bon nombres d’années, qui reposaient tranquillement jusqu’à ce que de petits malins viennent les réveiller dans le but de réitérer un succès disparu. Parfois ça marche, mais ça ne casse pas des briques – comme La fête à la maison 20 ans après qui apparemment plait sur Netflix au point d’enchaîner les saisons – parfois elles se réinventent complètement, comme Au Fil des Jours… Mais souvent, le remake, revival ou reboot, est un désastre.
The slayer is back
Dernier culte en passe de faire son grand retour à la télévision : Buffy ou Buffy contre les Vampires en France. Série culte parmi les séries cultes,oeuvre qui a consacré Joss Whedon, au rang de génie, Buffy va donc faire son grand retour prochainement sur le petit écran presque deux décennies après sa fin.
Un retour dans un reboot avec aux commandes une femme, Monica Owusu-Breen (Midnight Texas, Agents of S.H.I.E.L.D.), et avec le créateur de la série en producteur (histoire de rassurer tout le monde…).
Un reboot avec des nouveaux héros, une nouvelle tueuse of course, cette fois-ci noire. Histoire de bien mettre en avant le changement d’époque et pallier le manque de visibilité de certaines minorités ethniques dans des rôles principaux de séries.
Quand il y en a marre…
Si la showrunner de la série a tenté de rassurer les fans et spectateurs de la série originelle en leur assurant qu’elle respectait l’œuvre d’origine et ne raconterait pas la même histoire, chez le Cerveau de Brain Damaged, cet énième reboot annoncé, est un peu la goutte d’eau qui fait déborder le vase. Le bout du fond du rouleau du recyclage sans fin et sans vergogne. L’étincelle qui met le feu aux poudres. Bref l’annonce de trop ! (oh wait ! on apprend hier que Denver aussi a été rebooté … )
Surtout que Buffy ne reviendra pas toute seule cette année. Elle sera accompagnée prochainement de ses copines de Charmed, les extra-terrestres de Roswell et d’une Quatrième dimension et même de Alf !… Le cycle du reboot, remake, revival est loin d’être terminé. Si vous avez le sentiment d’avoir pris une DeLorean et d’être de retour dans les années 90… C’est normal. Et franchement, le Cerveau ne sait pas pour vous, mais lui, il en a un peu marre.
20 ans après
Si les fans n’ont jamais été contre l’idée d’un retour de l’héroïne bad-ass tueuse de vampires, votre serviteur y compris, dans une suite de ses aventures après le final de la saison 7 diffusé en 2002, un reboot pourrait – et est bien parti pour- être l’hérésie suprême. L’idée dont on n’avait pas idée pour une série qui a disparu des écrans mais qui reste pourtant le porte étendard du féminisme décomplexé à la télévision. Une série audacieuse en son temps, toujours aussi palpitante 20 ans après.
C’est pourquoi, moi, neurone du Cerveau – suis autorisée à parler en mon nom aujourd’hui pour faire part de mon expérience télévisuelle avec Buffy dans les temps jadis. A travers ce témoignage, je vais vous expliquer pourquoi, à mon sens, nous n’avons pas besoin d’un Reboot de Buffy, surtout aujourd’hui, et pourquoi il est temps que cette mode du recyclage s’arrête.
Pourquoi raconter la même histoire ?
Tout d’abord revenons à l’œuvre originelle. Ce que signifie ou a signifié Buffy contre les vampires pour une femme trentenaire comme moi qui a grandi avec son tube cathodique dans les années 90, loin du streaming, du binge-watching et de l’internet. Une femme qui a vécu son adolescence pendant 7 ans en parallèle avec les aventures surnaturelles de Buffy et ses amis.
Férue de Séries-TV et des samedis fantastiques ou Trilogie du Samedi, grand barnum des séries à mon époque sur une chaîne non-payante, M6, il était impossible pour moi de ne pas adhérer d’emblée à cette série. Non seulement parce que le SF et le fantastique sont mes cames de prédilections, mais surtout parce que pour une fois, une nana – une vraie nana ! – se battait contre des monstres en tout genre, parfois deux fois sa taille et poids. Et ça, c’était franchement une première.
S’il n’est plus à démontrer que les femmes des années 90 dans les séries TV étaient là pour marquer l’émancipation de la femme sur le petit-écran, Buffy, c’est la reine bad-ass de la télévision. Celle qui – à mon sens et il est un peu dur de ne pas concorder à cela – dérouille tout le monde, homme, femme, vampires, monstres etc, avec force et courage, mais surtout, beaucoup d’humanité. Sexy, drôle, elle est une femme dans tous ses états.
Même aujourd’hui, j’ai du mal à voir une héroïne de télévision qui pourrait avoir le même impact sur les jeunes filles et femmes d’aujourd’hui, surtout après l’avènement de l’anti-héros, ou celui de la femme relayée au second plan. Buffy, c’est une icône féminine sur tous les plans. Et pas que ceux de la bastonnade.
Bastonnade, recherche existentielle et humanité
Buffy est arrivée sur les écrans en 1997, à l’heure où le fantastique, la SF et l’occulte étaient de mode, tant en émission télé (je me souviendrais jusqu’à la fin des temps des pommes volantes de Mystères sur TF1) qu’en séries… entre les X-Files, Stargate, Sentinel, Roswell, Dead Zone, Au-delà du réel i tutti cuanti, des supers soirées marquantes devant mon tube cathodique les samedis (hey ! à 14 ans dans les années 90, c’est ce qu’on avait de mieux à faire !).
Mais Buffy n’était pas qu’une série de vampires et créatures surnaturelles. Elle était une jeune femme, lycéenne, qui se découvrait au fil des épisodes à travers les évènements qu’elle traverse. Si un lien particulier devait se créer entre moi et une série à cette époque, c’est bien avec Buffy, comme un miroir de ma réalité, en plus bad-ass et plus surnaturel.
Une jeune femme qui découvre l’amour, l’amitié, qui cherche à s’affirmer en tant que jeune femme, avec ses forces et ses faiblesses, ses envies d’émancipation et la recherche de sa place dans le monde, au-delà de la destinée mystique qui lui colle à la peau.
Chaque monstre était une manifestation des peurs issues de l’époques, ou de véritables problèmes de société, des femmes battues, en passant par le viol, le consentement ou des évènements communs de la vie, comme la fin d’une relation amoureuse, ou la dépression (la saison 6 avec Buffy de retour sur terre, si ce n’est pas l’allégorie de la dépression, je veux bien être empalée par un pieu !). Buffy était une série de castagne divertissante, mais une série qui était aussi intelligente pour l’audace de certains sujets abordés, du bullying à l’homosexualité.
Mode et supers pouvoirs
Buffy c’est aussi la nana qui a donné envie à pas mal d’autres nanas devant leurs écrans d’assumer leur féminité tout en étant bad-ass et sans tomber dans les stéréotypes. Attention point mode en perspective : Buffy, dans les années 90 allait à l’encontre de pas mal d’autres personnages féminins à la télévision, un poil austères ou linéaires.
Telle une cheerleader ou figure populaire du lycée, elle était au top de la mode. Chaque pièce de sa garde-robe (oui je regarde la garde-robe des personnages de séries et je m’en inspire, je préfère ça au Reines du Shopping -désolée Cristina – ) était choisie avec goût telle une future reine de lycée (là maintenant tout de suite vous vous demandez pourquoi, dans une chronique contre le reboot de Buffy, on parle fringue et mode… On ne s’inquiète pas, il y a une logique, je vous le garantis). Elle a participé à m’aider à assumer ma féminité, et je suis sûre que je ne suis pas la seule dans ce cas.
Si ce point n’est pas l’argument majeur contre le reboot, car l’inspiration mode fonctionne tant il y a 20 ans qu’aujourd’hui, il est utile de parler de son look, aux antipodes d’une nana aux super-pouvoirs qui se bat souvent mieux qu’un homme. Une femme qui se battait jusque là – à cette époque – était souvent dépeinte comme un « garçon manqué » par la société et souvent stéréotypée dans les œuvres télévisuelles ou cinématographiques dans lesquelles elle apparaissait (cf Samantha Carter dans Stargate Sg-1 par exemple, ou les rôles de Michelle Rodriguez au cinéma). Buffy, de par son allure typiquement féminine, voire superficielle puisque fashionista, allait à l’encontre de ces images de « femmes fortes masculines », peu sexy.
Mais le plus intéressant avec ce personnage particulièrement stéréotypé dans un lycée américain, est qu’elle va aller aux antipodes de ce qu’on attend d’elle ou des jeunes filles classiques que l’on peut voir dans ces « high-schools » si codifiés à la télévision américaine.
Le geek c’est chic
Pour la première fois dans une série, la « hit girl » du lycée, celle qui ne pourrait être qu’un cliché de fille populaire par ses choix vestimentaires et sa féminité, aux apparences superficielles, se lie d’amitié avec des personnages des plus improbables : une geekette associable, son meilleur ami loser et un bibliothécaire. Comprendre : le clan des losers/geeks/nerds du lycée.
Oui Buffy, a permis de normaliser des personnages que l’on moquait jusqu’ici à la télévision, surtout dans les années 80/90. Le geek était chic dans Buffy, ce bien avant même qu’il ne devienne à la mode en 2012, ou dans la série The Big Bang Theory. Avec Buffy contre les vampires, Joss Whedon a réformé les séries lycéennes à la Beverly Hills ou Hartley Cœurs à vif– ou tout le monde est beau et ne pense qu’à se choper les uns les autres (séries qui ne m’ont jamais emballé d’ailleurs peut-être pour ces raisons), en érigeant des « parias » dans l’imaginaire américain, au rang de héros.
De héros qui nous ressemblent, comme pour inspirer toute une génération d’adolescents devant leurs écrans. Des héros décomplexés, simples, mais hors-normes quand il s’agit d’aider à détruire toute menace extérieure. Des héros qui décomplexeront beaucoup d’autres jeunes devant leur écran. Moi la première (je vous ai déjà dit que je suis une geek ? non ? Ben maintenant vous le savez).
Black Buffy
Ce qui m’a fait tiquer dans l’annonce de ce reboot – qui ne sera pas vraiment un reboot selon la showrunner, malgré l’annonce… allez comprendre – c’est la question de couleur de peau de l’héroïne.
Si je suis une fervente militante et défenseuse de la représentation de toutes les ethnicités à l’écran, je ne comprends pas l’intérêt de refaire Buffy avec une Buffy noire. Pourquoi ? C’est très simple et je vais l’exprimer simplement : l’histoire de Buffy, de cette jeune femme, était tellement universelle que je m’en tapais le coquillard royalement de sa couleur de peau.
Si j’ose dire ça, moi spectatrice de la série lors de sa première diffusion, c’est bien parce que quand on me regarde, je n’ai absolument rien à voir avec Buffy ou celle qui l’incarnait, Sarah Michelle Gellar. Je ne suis pas petite, je ne suis pas blonde aux cheveux raides, ni blanche de peau. J’ai le teint hâlé et cheveux bouclés, je suis brune et loin de rentrer dans la catégorie des « caucasiens ». Je suis d’ailleurs bien plus grande qu’elle d’au moins 10 cm (fierté pourrie)… Et pourtant cela ne m’a pas empêché de m’identifier à elle sur beaucoup de plans (et pas que le vestimentaire) !
Humaine et universelle
Sa force m’a inspiré à être forte et affronter les aléas de la vie avec courage et férocité quand nécessaire. Sa peine et sa déception, en amour ou après la mort de sa mère, ne m’ont pas empêché de ressentir autant d’émotions qu’elle. Quand je voyais cette femme, je me retrouvais parfois en elle, malgré le gouffre qui nous sépare, elle américaine, moi française à l’autre bout du monde. Elle était pour moi l’héroïne que je voulais voir, être et que j’attendais en télévision. Une héroïne humaine, unique et universelle. Une femme avec une humanité et un courage sans égal, au-delà de ses pouvoirs.
Pourquoi ?
Vouloir reprendre une œuvre pour la réinterpréter 20 ans plus tard sur la simple question de l’origine ethnique de l’héroïne, dans un reboot éponyme, part de l’idée que l’œuvre de Joss Whedon d’il y a 20 ans ne pouvait être universelle à cause de sa représentation et manque de diversité de casting. Pourquoi penser qu’on doit réécrire les histoires avec des héros aux origines ethniques différentes ? Une Buffy noire serait elle aux yeux de certains plus universelle ?
Les minorités (et je parle en tant que minorité) ont besoin qu’on arrête de penser en couleur de peau pour catégoriser un personnage. Si l’on souhaite que la diversité – ou parité – soit une norme, à mon sens, ce n’est pas en transposant des héros que nous connaissons dans une autre couleur de peau que cela va changer ou aider à normaliser la visibilité des minorités ethniques à la télévision.
Culte
Buffy est une œuvre culte pour de bonnes raisons, certaines énumérées plus haut, ainsi que beaucoup d’autres. Elle est devenue culte et traverse les décennies car elle était le pur produit de son époque, d’un instant télévisuel où l’on manquait cruellement d’un série telle que Buffy contre les vampires.
Elle a, à sa manière, réformé le paysage télévisuel américain avec son héroïne forte et son casting attachant, mais aussi son écriture, ses choix narratifs et ses prises de position vis-à-vis de certains sujets de sociétés et représentations tabous, comme l’homosexualité féminine.
Si elle est certes un peu datée (j’ai tenté le visionnage des premières saisons récemment… oui la série fait un peu vieillotte mais on s’en fiche), elle continue à avoir une résonance encore aujourd’hui chez les adolescents et jeunes adultes. Elle est même référencée par certains personnages dans d’autres séries actuelles, comme dans Au fil des jours (Netflix) et reste une légende de la pop-culture au point qu’on lui consacre des émissions encore 20 ans après.
Une nouvelle vague de fans
Avec Netflix aux USA, toute une jeune catégorie de spectateurs, accros au binge-watching sont devenus fans de la série, alors qu’ils n’étaient pas nés à l’époque de sa diffusion. Preuve que l’histoire de Buffy est toujours aussi actuelle et universelle, et loin d’être une vieillerie que l’on doit rénover. Pour preuve, j’ai fait découvrir Buffy à la petite sœur de 15 ans d’une amie, elle est à fond. Pourtant deux décennies nous sépare elle et moi.
Car oui, si ce n’est quelques exceptions, le reboot, remake ou revival, n’est qu’une redite qui n’arrivera jamais à égaler l’œuvre originelle, qui peut d’ailleurs toujours séduire même 20 ans plus tard.
Symbole éternel
Une œuvre qui peut toujours captiver aujourd’hui. Pourquoi ? C’est assez simple : une série qui devient un phénomène en son temps, un véritable culte, l’est parce qu’elle apporte quelque chose de différent, de novateur, de captivant, jamais vu et surtout inattendu, mais en concordance avec son époque !
Comme Game of Thrones aujourd’hui. Ou plus récemment The Handmaid’s Tale, qui est devenue un phénomène très vite après sa diffusion l’an dernier. Au-delà de sa narration maîtrisée et sa production hors norme, c’est bien parce qu’elle est arrivée à point nommé – notamment quand on met la série en perspective avec l’actualité américaine – qu’elle est devenue populaire, voire culte. Parce qu’elle ne correspondait à aucune norme en télévision, au-delà de proposer une série de genre inattendue comme nulle autre.
Produit d’une époque
Avec Buffy c’est pareil. Elle a été une série révolutionnaire dans les années 90, pour plusieurs raisons comme son audace, sa nouveauté, son héroïne, ses sujets abordés mais surtout sa qualité. Une qualité inédite à son époque.
Des raisons encore étudiées aujourd’hui par des universitaires, qui ne peuvent être reproduites à une autre époque, comme la nôtre, car la résonance et son impact ne seront pas pareils. Franchement ? Vous voyez le scooby gang à l’heure du smartphone collé dans une bibliothèque avec des livres ? Crédible ?
Pas besoin de ça
Personnellement, comme beaucoup d’autres, je n’ai pas besoin d’un reboot d’une héroïne que je connais par cœur, qui m’a inspiré plus jeune. Je n’ai pas besoin de revoir une redite d’un symbole des années 90 ancré dans la pop-culture comme une révolution. Je n’ai pas besoin qu’on la réinvente, ni qu’on me la montre autrement.
Surtout que la fin de la série originelle s’est terminée (en apothéose. Best finale ever !) avec une ouverture vers une possibilité d’intrigue et d’héroïnes potentielles à explorer sans limites. S’il fallait faire revenir la franchise, c’est bien en puisant dans cette fin qu’on pourrait proposer quelque chose d’inédit et intéressant. Avec ce qu’on appelle un spin-off.
Le mal de la nostalgie
Pourquoi choisir de reprendre un personnage connu quand on a la possibilité d’étendre l’univers de la série avec un spin-off, comme il a été fait avec Angel ? Si vous cherchez une logique… Il n’y en a aucune si ce n’est celle de la nostalgie.
Une nostalgie qui ne tiendra qu’un moment, comme on a pu le voir avec d’autre retours de séries décédées, de X-Files à Prison Break, en passant par 24 Heures Chrono ou Heroes Reborn. A défaut de raviver un culte, un reboot de Buffy pourrait le ternir. Et ce serait bien dommage.
Crédit photo : Warner
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