Sense8 : Ode à l’humanité pour un chef d’œuvre télévisé (bilan)

4

5.0

Les Wachowski signent un chef d’oeuvre avec Sense8 sur Netflix, pour une poésie humaniste sans pareille en télévision. Le Cerveau vous explique pourquoi il faut absolument regarder Sense8 avec cette critique de saison 1 (spoilers mineurs)

L’annonce de l’arrivée de la fratrie mythique du 7ème art, celle à l’origine de la trilogie culte Matrix, à la télévision a créé son lot d’émules en 2014. Les fans des Wachowski et les cinéphiles étaient intrigués de voir les premiers pas des cinéastes sur le petit écran, en streaming sur Netflix. Pour le coup, les deux génies du cinéma peuvent désormais être fiers d’être aussi des génies du petit écran.

KJ2A9244.dngCar avec Sense8, et même s’ils ne sont pas tout seul, Andy et Lana Wachowski, avec J. Michael Straczynski (Thor, World War Z) et l’aide de Tom Tyckwer (Cloud Atlas, le Parfum) à la réalisation et la musique, ont fait un travail non seulement titanesque mais surtout remarquable, tant dans l’écriture, la réalisation, que dans l’ambiance et la musique, pour créer une grande série comme on en voit peu.

Soul 8 : Ode à l’humanité

Sense8 est une série qui parle à l’âme, sans aucun doute. Une série qui non seulement divertit, mais qui a pour vocation, comme l’ont toujours voulu ceux à son origine, de montrer que les hommes, peu importe leur race, leur sexualité, leur genre, ou leur lieu de vie, sont au final similaires. Ce qui les rend humains sont les émotions, rien de plus et rien de moins. Certains cyniques décriront ces idées comme simplistes et « bisounours ». Pourtant ces idées sont celles qui ont toujours animé les Wachowski dès le début de leur carrière : Qu’est ce qui fait de nous des humains ? Qu’est ce qui nous différencie des autres, de ceux qui pensent ou qui ne pensent pas ? D’un être artificiel (Matrix) ? D’un homme ? D’une femme ? D’un blanc ? D’un noir ? Qu’est-ce avoir une âme (Cloud Atlas) ?

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Avec Sense8, les Wachowski ont enfin le médium qui leur permet de jouer, équilibrer et façonner leurs personnages de manière à véhiculer ces notions spirituelles et humanistes qui leur tiennent à cœur. Et ça marche. Avec les mécaniques d’écritures propres à la série télévisée, les réalisateurs et scénaristes, en compagnie de leurs accolytes pour tempérer leurs effusions, se sont « lâchés » pour offrir leur Ode à l’humanité telle qu’ils la voient et souhaitent la dépeindre. C’est ce qui fait de Sense8 une réussite en télévision.

8 personnages, 8 histoires, 8 cultures, 1 seule philosophie

Sense8, c’est l’histoire de huit personnages sur des continents différents, connectés les uns aux autres. Des Sensitifs qui partagent leurs émotions et leurs vies pour n’en former qu’une. 8 histoires d’amour, de conflit, de tragédie, de douleur ou de bonheur, qui vont s’entremêler les unes aux autres, à des instants clés. Des destins uniques, connectés pour ne former qu’un seul et même destin. Chacun va vivre ce que vit l’autre, quand il a mal, quand il fait l’amour – comme une partouze – quand il se bat pour survivre, qu’il soit un criminel, une DJ, une businesswoman ou une scientifique…

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Une histoire d’hommes et de femmes, drôle, dramatique, touchante… mais surtout humaine. Parfois comédie, parfois thriller, parfois action, parfois romantique, Sense8 est une série qui jongle entre les genres, pour s’imposer comme un Tout, inclassable, mais parfait. L’inclassable, marque des Wachowski. Des histoires présentées avec un montage rarement vu en télévision, hybride, similaire à ce qu’on a pu voir dans Cloud Atlas. Un montage écho inédit, parfaitement maîtrisé pour ne pas déstabiliser le spectateur.

Sense8 sans frontières

sense8 critique saison 1 netflix - image 4Des personnages que l’on va suivre nous, spectateurs, durant une moitié de saison, faisant connaissance avec ces derniers comme eux font connaissances les uns avec les autres. L’origine de cette connexion mystérieuse ? Son but ? Des questions qui ne seront que partiellement abordées ou traitées. Dans cette première saison on se concentre sur les personnages, sans frontières, ni limites. On les présente, on laisse le spectateur s’identifier à eux, apprendre à les aimer, que ce soit à Nairobi ou Séoul, Chicago, Londres ou Reykjavik. On expose leurs vies sans barrière : sexe, transgenre, accouchements violents, pour une saison qui offre une montée en puissance d’action, jusqu’au point culminant dans ses deux derniers épisodes. Episodes qui scellent l’union de ce groupe d’humains plus évolués que les autres.

Mystère

Sense8 étant une série fantastique, le mystère était un élément obligatoire dans sa construction. La gestion du mystère dans son intrigue principale est justement ce qui marque sa qualité : en effet, à l’instar de plusieurs séries, le mystère de Sense8 est incarné par un seul antagoniste, particulier, dont on ne sait rien, qu’on découvre dès le premier épisode et qui ne sera présenté que dans la dernière section d’épisodes de la saison. Un peu comme un certain Homme à la Cigarette dans X-Files, Mr Raines dans Le Caméléon ou Adam dans Forever… Un personnage qui renoue avec une tradition un peu oubliée en télévision. Mr Whispers et son organisation intrigue, fascine, pour être l’élément fédérateur du spectateur devant son écran, dans l’attente de comprendre les motivations de ce personnage au-delà des 8 héros.

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Une gestion du mystère intelligente qui fait la force de cette série. Un équilibre dans l’écriture par les trois créateurs de Sense8, qui laisse assez de place à l’intrigue principale, au milieu de ces intrigues personnelles, qui s’entremêlent d’ailleurs pour créer une ramification d’interactions entre chaque intrigue unique, déclinables à l’infini. Une écriture imbriquée, pour un outil de travail sans fond pour les scénaristes, sûrs d’offrir des histoires aussi puissantes en saison 2. Là est LA force de Sense8.

Chef d’œuvre

sense8 critique saison 1 netflix - image 5Les Wachowski ont toujours aimé exprimer leurs idéologies philosophiques, spirituelles et humanistes dans leurs œuvres, de Matrix à Cloud Atlas. Des notions séduisantes de paix, de partage, de solidarité, sacrifice et connexion entre les hommes, parfois complexes, impossible à traiter correctement sur grand écran dans un temps limité de deux heures en général. C’est pour cela que leurs films ont toujours reçu un accueil mitigé que ce soit auprès de la critique ou des spectateurs. Encore plus depuis leurs deux derniers métrages, Cloud Atlas, beaucoup trop spirituel, et Jupiter Ascending, beaucoup trop superficiel.

La transition vers l’univers télévisuel était donc nécessaire si ce n’est inévitable, à l’ère où le clivage entre ces deux arts, le Cinéma et la Télévision, n’existe plus. Sense8 prouve que le format série est sans aucun doute celui qui leur convient le mieux pour traiter des notions et thèmes qui leurs sont chers. On parle de série en termes de format, même si l’impression au visionnage en est loin et les connexions avec le cinéma plus subtiles qu’on aurait imaginé, et présentes. Sense8 est une oeuvre qui se regarde différemment des autres, un hybride typique de ses créateurs, à visionner comme un tout pour une série destinée à être binge-watchée plutôt qu’une consommation épisodique. Une série qui se consomme à l’image de son distributeur qui cherche à bousculer les usages et la distribution de ce type de produit.

Avec Sense8, les Wachowski viennent peut-être de signer un chef d’œuvre qui restera dans les annales. Un chef d’œuvre qui cartonne en téléchargement, en attendant que Netflix communique sur les statistiques de visionnage de leurs abonnés. Ce qui est certain c’est que Sense8 sera une nouvelle signature des créations originales pour Netflix, aux côtés de Daredevil, Orange is the New black, Better Caul Saul ou House of Cards.

Crédit photos : © Netflix

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