Réalisé par Philippa Lowthorpe Miss Révolution est une comédie pleine d’humour marquée par une connotation sociale d’un plaidoyer pour l’égalité des genres. La Critique du Cerveau

Inspirée de faits réels, l’histoire de Miss Révolution, se déroule dans les années 1970 en Angleterre. Un groupe de femmes lancent Le Mouvement de Libération des Femmes pour mettre un terme à l’Establishment masculin. Sally Alexander (Keira Knightley), une mère divorcée, décide de rejoindre le mouvement féministe pour un avenir meilleur pour sa fille. Ensemble, elles pointent du doigt le concours affreusement misogyne : Miss Monde.

Introduction machiste

Le biopic s’ouvre sur un gros plan d’une branche de lunette et de cils qui clignotent. On ne voit pas le visage de la personne, mais on devine que c’est une femme. En parallèle des images d’archives prennent place à l’écran mettant en scène des miss, qui concourent pour décrocher le rôle de miss monde. Petit à petit, la caméra s’éloigne pour laisser place à cette vision : Sally Alexander est le seul visage féminin assis au milieu de ces hommes pour passer un entretien afin d’être admise à l’université de Cambridge.

Lorsque son tour vient, elle est à nouveau seule face à un jury composé seulement d’hommes. La caméra prend de la hauteur pour laisser le spectateur entrevoir leur jeu : noter les femmes sur leur physique, Sally aura droit à un 9/10. L’entretien commence, les hommes portent peu d’importance à son parcours. Ils sont préoccupés à savoir comment en tant que femme elle pourra gérer ses cours et sa fille. Sally doit redoubler d’efforts pour se justifier et imposer ses capacités à y arriver.

La scène donne le ton : le combat sera long pour obtenir cette égalité avec les hommes. Une introduction cruciale qui pousse déjà à la réflexion : les hommes ont-ils eu à se justifier de leur divorce, des enfants, de leur place au sein du foyer ? La réponse, tout le monde la connaît : non !

L’électrochoc

Miss Révolution montre cette image détestable de l’homme qui n’a aucune considération pour la femme. Elles sont là sans être là. Lors des cours, Sally n’a jamais la parole. Ils la laissent s’asseoir sur une chaise pour enfant, un acte qui ridiculise au plus haut point la place de la femme. Elle est infantilisée, laissant entendre qu’elle n’a pas leur savoir, qu’elle ne peut participer au débat. Elle est soumise à l’autorité masculine. Il en est trop pour Sally Alexander. Elle décide de s’allier avec La Mouvement de la Libération des Femmes.

Un début chaotique au sein de ces féministes qui ne font rien dans le droit chemin. Sally a du mal à comprendre leurs actes hors la loi, comme taguer le slogan « Apprend à cuisiner bordel » sur des affiches publicitaires prônant la bonne femme ménagère.

Les filles voient Sally Alexander comme une petite bourgeoise, coincée et peureuse. Jo Ann (Jessie Buckley), la leader du mouvement va donner à Sally à réfléchir sur le monde dans lequel vivra sa fille si rien ne change. La jeune femme décide d’agir avec un premier combat : donner une nouvelle image à Miss Monde, ce symbole de l’oppression masculine.

Changer les mentalités

Le film expose comment certaines femmes sous le joug du patriarcat, à l’image de la mère de Sally  jugent et ne comprennent pas cette frénésie d’une liberté féminine. La bataille qu’entreprend Sally est incompréhensible au regard de sa mère qui voit en Miss Monde une valorisation des femmes.

Miss Révolution montre que la question n’est pas juste générationnelle, mais liée à une certaine mentalité et vision de la société. En 1970, trop nombreuses sont les femmes qui pensent qu’il est normal d’être désirée en public, devenir quelqu’un par sa beauté ou rester à la maison et se taire. Encore aujourd’hui d’ailleurs, certaines personnalités font polémiques comme Catherine Deneuve.

Miss politique

Le film est rythmé par des aller-retour entre l’engagement du Mouvement de la Libération des Femmes et ce concours aberrant, voire écœurant. Le spectateur se retrouve face à cette vérité, Miss Monde dénigre la femme.

Elle est au sein de cette institution un objet dénué d’intelligence. On ne prend même pas la peine de les appeler par leur prénom, mais par leur pays d’origine. Les jeunes femmes agissent comme des poupées, obéissent sans penser. Elle sont même chaperonnée comme des petites filles et  conditionnées à croire que c’est une chance pour elles de pouvoir participer à cet évènement, leur seul échappatoire pour briller au sein de la société.

Miss Révolution va au-delà d’un combat féministe pour une égalité homme/femme. Le film contribue à lutter contre le racisme au coeur du concours Miss Monde, qui avant 1970 n’avait jamais permis à des femmes de couleur d’y participer. À travers Jennifer Hosten, Miss Grenade ( Gugu Mbatha-Raw) et Pearl Jansen Miss Afrique du Sud (Loreece Harrison), l’histoire révèle l’importance de ces femmes d’être enfin représentées. Si Jennifer Hosten pense avoir cette chance de gagner, Pearl Jansen, en plein apartheid dans son pays, la rappelle à l’ordre : il est impossible pour ces deux candidates de remporter le concours.

Epanouissement malgré tout

Les deux participantes sont filmées d’une manière à montrer leur fierté et leur épanouissement d’être là. Un rêve de toute une vie, l’espoir pour des milliers de petites filles noires ou métisses. Si l’on peut penser à un réel progrès de la société, Miss Revolution  révèle une fois encore le dénigrement envers ses femmes. Doivent-elles se contenter parce que noire, d’être vue comme un objet ? Leur combat n’est-il pas auprès de Sally et de Jo Ann ?  Faire valoir qu’elles sont des femmes avant tout, non un désir ou une couleur de peau.

Clichés dénonciateurs

Si les clichés au coeur des films ne sont pas forcément les bienvenus, ici ils sont une force. Ils  exposent les propres clichés que la société nous impose : Maj Johansson Miss Suède (Clara Rosager) désignée comme la miss préférée du public par sa blondeur et sa peau blanche ou cette présentatrice bête, mais qui fait l’affaire par son joli minois.

A noter, une scène malaisante : l’animateur de Miss monde demande aux miss en maillot de bain de se mettre de dos. Elles exécutent et se retournent quelques minutes, laissant les hommes prendre du plaisir à regarder les courbes de leur fessier. Si au  XXIe le concours n’impose plus ce moment gênant, il impose toujours ce passage en maillot de bain. À l’instar de quelques minutes, les miss ne sont qu’un corps qui fait fantasmer.

De la sensualité au ridicule

Philippa Lowthorpe, plutôt habituée à la réalisation des séries (The Crown, Call The Midwife, The Third Day), a donné à ce biopic une construction très classique voire académique dans sa mise en scène, notamment dans le choix des couleurs. Les féministes aux couleurs austères, sombres, contrastent avec l’univers très flamboyant et haut en couleur des miss.

La réalisatrice partage deux regards à travers la caméra. Elle utilise une caméra dite « male gaze », un concept théorisé par la critique de cinéma Laura Mulvey en 1975. Un jeu de caméra qui suit le regard ici masculin sur un corps féminin du haut en bas, ou sur une partie de son corps, sur ses fesses comme ça l’est souvent dans Miss Révolution. Un focalisation qui marque l’idée que le spectateur désire tout comme certains personnages. La femme est présentée comme un objet de fantasme, elle y est dépersonnalisée.

Elle y insère aussi une caméra dite « Female gaze » avec des plans où les femmes sont les sujets du film et non plus des objets. Revenons sur cette scène ou les miss se retournent en maillot de bain, ce n’est plus à travers le point de vue des hommes que le spectateur voit les miss, mais celui des femmes. La sensualité des courbes s’envole, les miss deviennent des victimes ridiculisées en public.

Casting cinq étoiles, histoire survolée

Porté par un casting incroyable, Keira Knightley, Jessie Buckley ou encore Gugu Mbatha-Raw, ont à la fois ce ton grave face à un monde patriarcal qu’il faut faire basculer et en même temps, ces dernières  sont solaires, par cet humour subtil qu’elles réussissent à garder, ainsi que leur force de combattre une institution alors qu’on cherche à les silencer.

S’il existe un défaut majeur à Miss Revolution c’est la multitude de personnages et d’histoires en parallèle. En 1h46 il est difficile d’aller dans la profondeur des choses, on aurait aimé en savoir plus sur chacune de ses femmes. Toutefois, la fin, cadencée par une musique aux sonorités victorieuses, donne le plaisir à entrevoir les vrais visages de ces combattantes et pionnières du Mouvement de la Libération des Femmes.

Miss Révolution est bien plus qu’un film sur le féminisme. Tout le long il implique le spectateur à réfléchir sur la place de la femme aujourd’hui. Un combat loin d’être terminé, qui ne fait que commencer, à l’ère MeToo et d’un combat qui reprend de l’ampleur avec une résonnance particulière sur les réseaux sociaux.

MISS REVOLUTION : BANDE ANNONCE

Crédit photos : ©StudioCanal