Marianne : Drame horrifique honorable au potentiel indéniable

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3.5

Critique bilan de la première saison de Marianne, nouvelle production française sur Netflix, mise en ligne le 14 septembre dernier.

Ses premiers épisodes auront été laborieux. Très laborieux. Pourtant Samuel Bodin, qui s’essaye pour la première fois au genre de l’horreur, fait rare à la télévision, et surtout en France, prouve avec Marianne qu’on sait proposer de l’effroi Made in France.

Après l’excellente The Hauting of Hill House, on ne peut que saluer l’effort du créateur et réalisateur de la série, qui avait déjà montré son talent avec l‘excellente Lazy Company (que le Cerveau vous recommande chaudement). Avec Marianne – et malgré quelques défauts – ce dernier prouve une fois de plus que l’exception française existe et qu’elle peut même surprendre le spectateur, même le plus aguerri

Marianne la sorcière démoniaque

A mi-chemin entre la Dame en Noir et le folklore classique des sorcières au cinéma, Marianne raconte l’histoire d’une romancière d’horreur qui décide de faire une pause d’écriture dans sa saga à succès. Elle va découvrir que le démon de son livre existe aussi dans le monde réel. Cette sorcière désincarnée nommée Marianne la ramène dans la ville de son enfance, et la pousse à reprendre son projet en la terrorisant. De retour à Elden en Bretagne, Emma va devoir faire face à son passé familial, des tragédies ainsi que ses amis, tout en cherchant à percer le mystère de cette incarnation horrifique de sorcière .

Influences et références au genre

Samuel Bodin marque son univers dès le premier épisode: inspirée par le maître du genre de l’épouvante littéraire, au cinéma et à la télévision, le célèbre Stephen King, Marianne ne dépaysera pas les amoureux de l’horreur et de frayeurs. Entre scènes gores et noires, le spectateur fan de genre marche en terrain conquis avec cette série.

Avec un village digne du Maine, mais en Bretagne, des plans proches du cinéma de Carpenter ou De Palma, avec des plans en survol de la ville, Marianne propose dans ses premiers épisodes un univers assurément influencé par des productions d’horreur américaines cultes des années 80.

Esthétique léché pour débuts laborieux

Des images sublimes pour une histoire qui mets du temps à prendre forme. Les deux premiers épisodes sont un peu à tâtons, perdus entre scènes de jump-scares un peu faciles, imageries un peu parodiques de l’horreur et une mise en scène classique qui n’invente pas grand-chose. L’exposition prend beaucoup de place dans les premiers épisodes de Marianne, avec des personnages qui ne sont pas d’emblée attachants, ce qui pourrait éloigner certains de leurs écrans après visionnage de ce début un peu laborieux.

Il faudra attendre l’épisode 3 pour que la série se détache de ses balbutiements impersonnels, de ses influences cinématographiques et littéraires (notamment Edgar Allan Poe) pour embrasser son concept et devenir un poil plus originale et stressante que ce qu’elle nous avait montré. Le jeu des acteurs met du temps aussi à se trouver, surtout pour celle qui incarne le personnage principal, l’héroïne écrivaine, Emma, interprétée par Victoire du Bois.

Amitié et pardon

Marianne, au-delà d‘être un récit horrifique est une histoire de deuil, d’amitié et de pardon. Si l’écrivaine suit clairement un parcours identitaire et un renouement, une réconciliation avec le soi et les siens, avec acceptation du passé et retour aux sources, Marianne propose à travers ses ressors horrifiques une histoire touchante avec un fond, d’amitiés adolescentes, entre amours et désamours, culpabilité et recherche du pardon.

Si l’héroïne, Emma, souvent antipathique et adulescente, peine à convaincre au début, elle devient au fil de ses péripéties horrifiques un personnage humain, dont on comprend la psychologie torturée. Il faudra cependant attendre l’épisodes 6, avec un retour dans le passé pour vraiment ressentir de l’empathie pour cette dernière (le changement d’actrice aidant certainement) et clairement s’immerger dans l’intrigue une bonne fois pour toute.

Originalités et clichés sataniques

Le vrai talent de Samuel Bodin, avec son concept méta de récits qui prennent vie des mains d’une écrivaine liée à une puissance paranormale, réside dans sa capacité à s’approprier les codes du genre de l’horreur pour les réinventer à sa sauce.

Evidemment, certains n’en démordront pas en insistant sur les références marquées ou marquantes, peut-être même parfois peu subtiles, aux films cultes du genre (du petit garçon à l’imper comme dans Ça, à Vendredi 13 en passant par Shining etc) le réalisateur, créateur et co-scénariste signe une histoire qui a quand même l’intention de proposer un genre peu vu en télévision française, qui fonctionne dans sa saison 1.

Intentions louables et premier essai concluant

Marianne joue des codes pour en faire une série plus française que jamais, non-déplaisante, qui réussit à générer de l’effroi à plusieurs reprises, ainsi qu’accrocher son spectateur à partir du moment où l’écriture se déleste des clichés propres à l’épouvante, pour mieux se concentrer sur l’univers occulte de Marianne. Sur ce qu’elle propose d’original pour devenir moins impersonnelle qu’elle semble l’être dans ses premiers balbutiements épisodiques.

Elle n’est pas à la hauteur de la parfaite Hill House d’un point de vue complexité narrative, mais elle ne démérite pas et propose même parfois beaucoup de poésie. Marianne n’a pas de quoi rougir pour une série française qui pourrait bien séduire plus de spectateurs qu’on ne le pense.

Honorable

Avec Marianne, Netflix propose enfin une série française qui vaut le détour, qui pourrait friser avec la perfection si son écriture avait été maîtrisée dès le début. Elle reste un produit bluffant, avec des intentions et un talent honorable sur une plate-forme internationale, prouvant que le talent français ne se résume pas au drame politique kitsch, romantique ou SF perchée, à la MarseillePlan Cœur ou Osmosis.

Crédit photos : ©Netflix

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