“C’est un milieu très violent“ : Madame Claude raconté par Djanis Bouzyani

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Le comédien Djanis Bouzyani n’était pas prévu sur le tournage du film Madame Claude,  disponible sur Netflix. Pour le cerveau, il revient sur son arrivée et la portée du film sur l’une des figures féminines qui a marqué l’histoire de France.

Scénario terminé, casting et pré-production bouclés, Sylvie Verheyde se lance à la dernière minute dans la création d’un dernier personnage pour son sixième film Madame Claude, porté par Karole Rocher, disponible sur Netflix.

Quelques mois plus tôt elle tourne avec Djanis Bouzyani dans le film Tu mérites un amour d’Asfa Hafsia Herzi, qui mènera le jeune homme aux révélations des César 2020. « Je pense que Tu mérites un amour ça lui a donné envie et un jour elle m’a appelé pour me dire est-ce que ça te dirait de passer prendre un thé à la boîte de production ? « 

Sylvie Verheyde prend le temps de lui raconter l’histoire de Fernande Grudet, dite Madame Claude. Papesse du proxénétisme, elle terrifie ce milieu autrefois réservé aux hommes. À la fois captivante et fascinante, elle inspire un premier biopic réalisé par Just Jaeckin qui choisit Françoise Fabian pour l’incarner : « Ce que j’aime chez Sylvie, c’est qu’elle ne l’a pas raconté de manière romancée, comme un des Madame Claude que j’ai vu en DVD avec Françoise Fabian. Il y a un côté beaucoup plus cru et beaucoup plus réel. Elle parle des racines de Claude, d’où est-ce qu’elle venait et d’où elle a trouvé cette force en elle pour faire ce qu’elle a fait. Elle ne la traite pas comme une héroïne et j’ai trouvé ça hyper intéressant, car oui il y n’a rien d’héroïque de faire ce qu’elle a fait, mais il faut beaucoup de courage ».

L’autorité d’une femme

La réalisatrice souligne l’audace de Madame Claude, qui mère à 17 ans refuse de rester dans sa petite province sans avenir. Elle rêve d’argent et de respect. Elle quitte sa campagne pour Paris. Sur place elle désenchante. De sa petite vie tranquille, elle se retrouve sur le trottoir face à la déchéance du proxénétisme. La jeune femme ne baisse pas les bras, et deviendra un culte.

Elle analyse ce monde masculin et apprend peu à peu à les comprendre. En 1950 elle devient l’une des proxénètes les plus puissante de France. Une domination féminine qui est renforcée par le rôle de Djanis Bouzyani :  « Madame Claude avait quelques garçons, ils étaient très peu, je crois qu’ils étaient deux, mais c’est important de le montrer.  Dans ce milieu on a l’habitude que ce soit que des hommes qui dominent des femmes, là on voit qu’elle a aussi des garçons. Si mon personnage à l’air joyeux et en accord avec lui-même, il montre que c’est une femme qui dirige un homme et pas toujours l’inverse comme on a l’habitude de voir.« 

Entre sévices et sublimation de la femme

Ses personnages, la réalisatrice les sublimes. Elles montrent des femmes intelligentes, avec une caméra qui les films comme des futures stars. Certaines deviendront même chanteuse ou actrice. Derrière leur beauté, se cache la monstruosité de la prostitution apportée dans des scènes de sexes violentes. Drogue, alcool s’invitent à ces ébats tandis que la peur s’empare des jeunes filles. Si l’élégance domine, Sylvie Verheyde dénonce la réalité de ce monde.

« C’est comme aujourd’hui la téléréalité, c’est apporté comme quelque chose de très beaux. Sur les réseaux tu les vois voyager tout le temps. Ils font de belles choses et c’est un danger. C’est pareil quand on traite la prostitution dans les films avec beaucoup d’élégance. Dans Madame Claude il n’y a pas que ça, Sylvie montre que c’est un milieu très violent. Si ce n’était que des scènes que l’on a au bord de la piscine à discuter de nos clients et en rire, bien sûr, là ce serait un film un peu piège pour les jeunes gens qui pourraient se dire  » ‘Ah finalement c’est cool’« .

Des moments joviaux qui sont rares, mais offrent un moment de répit aux téléspectateurs : « Je pense que même les pires monstres, il y a des moments où ils deviennent un être humain. On a tous besoin a un moment donné d’une certaine légèreté, une certaine tendresse. Hitler, il aimait la peinture, l’art, il était sensible à ça, alors que c’était un monstre. » Justement, cette scène à laquelle Djanis Bouzyani fait référence est essentielle de par son personnage. Un rôle solaire et sans filtre qui nous fait du bien. Il apporte une touche de couleur et une certaine accalmie pour les filles. Un passage important exposant la souffrance de Madame Claude. Ses filles s’amusent tout en lui apportant un amour profond. Pourtant, son sourire envolé, elle paraît si seule, vide, voire morte de l’intérieur.

Une solitude renforcée par la musique que l’on ne peut dissocier du personnage. Elle est là pour raconter l’histoire de Madame Claude, véhiculer ses plus profondes pensées, transmettre ce qu’elle ressent et forger cette image d’une femme brisée par l’amour et la vie.

Un message contemporain

Un film aux faits réels, que la réalisatrice a tenu à accentuer avec une fin ou elle nous fait naviguer entre fiction et images d’archives. Longtemps protégée par l’Etat, elle collabore avec l’institution de manière paradoxale à ses convictions en se soumettant aux ordres d’hommes aux pleins pourvoirs pour ne pas tomber.

Madame Claude sera finalement démasquée et condamnée à trois ans de prison (30 mois avec sursis) avec une amende d’un million d’euros. Le film se termine par cette note nostalgique, bercé par « L’amour c’est comme les bateaux » de Sylvie Vartan. Seule et cette fois-ci pour de bon, arrachée de ses filles, elle marche sur cette plage immense de Nice.

À travers Madame Claude de Sylvie Verheyde, le film est une ode aux femmes. Il révèle combien elles sont plus rusée et plus courageuses que l’homme. Des femmes d’une France des années 1970 que l’on voit évoluer, notamment Garance Marillier, qui insuffle le changement pour faire tomber cette société patriarcale. Elle est le reflet de la femme contemporaine qui lutte encore aujourd’hui pour obtenir l’égalité Homme/femme.

Ce voyage analytique portée par Djanis Bouzyanis se terminera par ses quelques mots résumant l’un des messages suscités par Madame Claude :  » On voit que le pouvoir est maître encore aujourd’hui, bien qu’il y ait une certaine évolution face à sa présence. » 

Crédit photos : ©Netflix

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