Doctor Who saison 12 : Comment ruiner une mythologie en un final !

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Doctor Who saison 12 vient de tirer sa révérence après une saison à l’image de sa précédente : en demi-teinte. Retour sur un final qui change la donne pour le Docteur de Jodie Whitaker, mais aussi pour la mythologie d’une série vieille de 50 ans.

Ça y est Doctor Who saison 12 tire sa révérence. Si la plus vieille lady du Temps quitte les écrans de la BBC en ce 1er Mars, elle reviendra en fin d’année pour un épisode de Noël, grande tradition de la série.

Un au-revoir dans un final de saison pour Doctor Who  qui change la donne, comme l’avait annoncé l’actuel showrunner de la série : Chris Chibnall. Si la donne change, force est de constater qu’elle ne change pas dans le bon sens, même si les idées ne sont pas à déplorer. Elle change dans un fatras de questions qui à coup-sur resteront sans réponses.

Quantum Leap

Dans ce final, suivant l’épisode précédent dans lequel la Docteure et ses compagnons affrontent une nouvelle déclinaison des Cybermen (on ne sait pas d’où il viennent d’ailleurs, si quelqu’un le sait, prière de nous l’expliquer… ), menés par un hybride des plus caricaturaux en guise de leader. Elle se retrouve à nouveau sur Gallifrey via une brèche inter-dimensionnelle, alors que la bande est éclatée.

Un brèche vers sa planète d’origine une nouvelle fois en ruine, qui va la confronter à nouveau au Maître, l’antagoniste le plus récurrent de l’intrigue globale (série originelle et reboot), dans sa version introduite en début de saison, sponsorisée par la diversité.

Master confusion

Si après Missy et son sacrifice en fin de saison 10 – d’une grande beauté et intelligence, marqué d’une belle rédemption pour le vieux « frennemi » de notre héroïne – on pensait que le Maître se ferait plus rare, si ce n’est disparaîtrait complètement au profit de nouveaux antagonistes (inspirés de la vieille série ou inventés de toutes pièces). Cette saison 12 a bien montré que ce n’est pas le cas.

Un énième retour à Gallifrey qui va offrir un semblant de réponses concernant certaines intrigues énigmatiques, exposées par exemple dans l’épisode Le Contrat des Judoons, 5ème de la saison. Comme notamment la raison de l’existence d’une version du Docteur de couleur – grande première dans l’histoire de Doctor Who – que nous ne connaissons pas.

Memory Lapse

Des réponses offertes par la nouvelle itération du Maître dans ce final avec un voyage malgré elle pour le Docteur dans les souvenirs de la Matrice Gallifréenne, alors qu’il tient cette dernière prisonnière. On découvre alors de nouvelles origines pour ce personnage hors du temps. Elle serait, d’après ce final, bien plus qu’une Seigneur Lady du Temps, et même, celle à l’origine de toute la société, culture et physiologie des Timelords.

Une révélation sensée changer tout ce que l’on connait de Doctor Who, appuyée sur le fait que les Timelords ont choisi d’effacer ces souvenirs du Docteur, rendant cette information impossible à savoir malgré toutes ces années et régénérations.

Si l’idée peut être discutable ou défendable, ce qui peine dans ce final, c’est la redistribution des cartes de la pire manière qui soit. Le Cerveau n’a rien contre l’idée que le Docteur soit à l’origine de Gallifrey et des régénérations. Qu’on explore à nouveau son origine n’a même d’ailleurs rien de nouveau et qu’on la réinvente de cette manière aurait pu être ingénieux et novateur, pour une série qui depuis plus de 50 ans passe son temps à se réinventer. Surtout que cette idée est inspirée plus ou moins de la série originelle.

Many faces

En effet, dans Doctor Who originelle, à l’heure de l’incarnation du Docteur par Tom Baker, un épisode, The Brain of Morbius, suggérait déjà que le Docteur ne se limitait peut-être pas aux réincarnations que nous connaissions.

Lors de son combat avec Morbius dans cet épisode – autre grand antagoniste du Docteur, lui-même Gallifréen – avait laissé entendre dans une vision que 8 autres visages du Docteur avaient précédés ceux de William Hartnell, premier visage du personnage dans la série.

Le Docteur de Jon Hurt d’ailleurs lors du cinquantième anniversaire soutient l’idée que notre héros peut oublier certaines versions de lui-même, puisqu’il n’avait pas idée de cette régénération qui avait mené à l’une des destructions de Gallifrey.

Incohérences

Ce qui est à déplorer dans cette nouvelle mythologie, qui n’est pas des plus inintéressantes quand on s’attarde dessus, au-delà des incohérences qui se laissent voir, c’est l’écriture et la manière avec laquelle Chris Chibnall et son équipe de scénaristes l’ont amené dans la série.

Alors qu’à l’ère Davies et Moffat, ces intrigues mythologiques étaient disséminées dans les saisons en filigrane, pour un véritable fil-rouge au cours des aventures du Docteur, que ce soit dans des épisodes dédiés ou subtilement dans certaines intrigues d’anthologie, avec Chibnall, il est autrement.

Ces éléments complexes ont été introduits par une ou deux références mystérieuses en dialogue, notamment pour le concept du « Timeless Child », en début de saison 12 après une saison 11 globalement dédiée à des aventures singulières teintées de morale et de valeurs humanistes.

Retour inexpliqués et fan-service

Des éléments proposés à nouveau dans ce qui semblait être une intrigue d’anthologie dans l’épisode 5 de cette saison. Un épisode charnière avec l’apparition furtive de Jack Harkness et la découverte d’une Docteure que nous ne connaissions pas, avant de revenir une nouvelle fois à l’anthologie, jusqu’au double épisode final.

Et c’est là que le bât blesse. Une intrigue aussi tentaculaire faisant écho à une éventualité oubliée ou méconnue pour beaucoup de spectateurs ne peut pas être proposée dans un temps aussi court. Car oui, le problème de ce final, qui devait être si ce n’est un grand moment de télévision, un grand moment dans l’histoire mythique du Docteur, ne fonctionne pas. Pire, il agace le spectateur pour son incohérence et son manque d’équilibre.

Ecriture déséquilibrée

L’équilibre est bien l’un des éléments qui manquent à cet épisode pour offrir un véritable frisson et exalter les spectateurs qui suivent le Docteur depuis plusieurs saisons. En effet, si l’épisode propose nombre d’éléments mythologiques importants, l’émotion et la surprise ne sont pas au rendez-vous.

Pourquoi ? Tout se résume à l’écriture dans l’exécution des nouveaux concepts du showrunnner vis-à-vis de sa vision pour Doctor Who. Car ce final, à défaut de poser tous les éléments souhaités pour relancer une nouvelle mythologie et offrir de nouvelles perspectives à la série, embrouille plus qu’autre chose.

Émotion en grève

Si l’on sait qu’avec Doctor Who on va réfléchir, notamment concernant les origines et aspirations humanistes du personnage qui porte le nom de la série . Ce qui a fait le succès de la série au-delà de ses valeurs philosophiques et des aventures teintées d’Histoire ou de SF, est l’émotion qu’elle propose à travers ses intrigues et personnages. Or, dans cette dernière saison, peu importe l’épisode, et encore plus dans sa conclusion, l’émotion est aux abonnées absentes.

Une émotion qui pourtant aurait pu être offerte à multiples occasions, loin des ressorts simplistes créés pour offrir de la surprise aux spectateurs – du fan-service avec Captain Jack ou non – et plus proche de ce qui a fait la renommée de la série.

S’il y a quelques saisons l’émotion était de plus en plus absentes des intrigues de Doctor Who,depuis Chris Chibnall, elle est presque en grève, si elle n’est pas générée à travers des épisodes à conscience humaniste ou morale. A travers des invitations à la préservation écologique ou à la célébration de la diversité, calculées dans le but d’émouvoir à moindre mesure et éduquer les plus petits. En ce qui concerne l’émotion via la mythologie, elle reste aux abonnées absentes. Peut-être à cause de la confusion scénaristique ou de l’écriture bancale de cette mythologie.

Ton et forme

Et pourtant la mythologie est ce qui a offert certains des plus grands moments d’émotions dans Doctor Who : que ce soit avec la régénération de Ten, le sacrifice de Amy et Rory face aux Anges, ou la mort et résurrection de Clara (pour ne citer que ceux-là).

Le changement de ton et de forme dans la saison 11 pouvait être excusable puisque le Showrunner de la série, Chris Chibnall, absent de Doctor Who depuis la saison 8. Ces changements auraient pu être défendables avant de voir cette dernière saison de Doctor Who, arguant que ce dernier prenait ses marques dans la direction de la série.

Mais force est de constater que le showrunner est bien meilleur scénariste d’intrigues séculaires que mythologiques. Des intrigues animées par une créativité et des aventures intéressantes et éducatives qui font partie de l’essence de la série, puisque Doctor Who à l’origine a toujours eu une vocation éducative.

Mais quand il s’agit de reprendre le flambeau d’une intrigue mythologique très complexe, qui a déjà été remaniée et réinventée à sa manière (et son plaisir) par Steven Moffat, le Showrunner prouve clairement avec cette seconde saison sous sa direction, qu’il n’est pas assez armé pour ce faire, malgré de bonnes idées.

Jodie et ses compagnons

L’autre défaut de cette nouvelle itération du Docteur sous l’imagination de Chris Chibnall réside aussi dans la structure du groupe d’aventuriers temporels et intergalactiques.

Introduire un Docteure femme était une grande idée, peu de choses pouvant être reprochées à Jodie et son interprétation du personnage, prouvant ainsi que ce héros humaniste est loin d’être genré. L’erreur réside dans l’écriture et le choix de ses compagnons. Si tout le long du reboot lancé par Russell T Davies les compagnons du Docteur, de Rose en passant par Martha, Donna, Amy et Rory ou Clara et Bill, chacun arrivait à créer un véritable lien avec les spectateurs, invitant ces derniers à embarquer avec eux dans le Tardis. Avec Yas, Graham et Ryan, il en est tout autre.

Figuration lisse

Le Cerveau avouera qu’il a du mal, comme pas mal de spectateurs, à s’identifier à ce trio de compagnons, peut-être un peu trop nombreux, ou sensiblement manquant de personnalités ,nuancées au-delà de ce qui nous a brièvement été raconté de leur passé.

Pire, il avouera même qu’il est presque insensible à leur sort, voire qu’ils prennent même un peu trop de place face au Docteur. Aucun ne génère suffisamment d’émotion ou d’intérêt pour que le spectateur embarque comme il l’avait fait avec les précédents, ou s’engage dans leurs ressorts dramatiques quand ils en ont. Parfois figurants, parfois beaucoup trop pro-actifs, ces derniers, peut être car trois, ne sont pas assez identifiables et émouvants pour garder un lien avec ceux devant leur écran.

Besoin de changements

Un lien primordial dans Doctor Who, puisque ces compagnons, que ce soit dans l’original ou le reboot sont censés symboliser les spectateurs qui embarquent dans les aventures du véritable héros de l’intrigue. Ici, à défaut de figurer et aider le docteur dans ses élans de réflexion (aka lui poser les questions pour expliquer les évènements surnaturels qui se produisent dans leur environnement) ils n’ont pas d’intérêt dans la chronologie du Docteur, et son même parfois dispensables, préférant voir Jodie seule qu’accompagnée.

Si l’on sait que Chibnall sera encore à la tête de la prochaine saison de Docteur, il devient important de se délester et renouveler les compagnons du Docteur, car ces derniers n’ont plus rien à offrir aux spectateurs. Le dernier twist – sorti de nulle part d’ailleurs – avec les Judoons pourrait être d’ailleurs la porte de sortie de ces derniers, laissant place à un compagnon unique, permettant ainsi de ne pas dévier des enjeux du Docteur pour mieux se concentrer sur de multiples personnages annexes.

Pour le savoir il faudra attendre l’épisode de Noël 2020, en attendant, Doctor Who saison 12 est à voir ou revoir en streaming sur la chaine France tv.

Crédit photos : ©bbc

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