Stranger Things saison 3 : Quand le mystère n’est plus si mystérieux (bilan)

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Mise en ligne il y a 10 jours, la saison 3 de Stranger Things promettait beaucoup à vue des cinq épisodes que le Cerveau a pu découvrir.

Véritable doudou de nostalgie pour les trentenaires d’aujourd’hui,  une génération qui a vécu une décennie de tous les possibles, ayant donné naissance à la pop-culture au sens propre, Stranger Things n’est plus, au bout de trois ans, une surprise sérielle. Ni une série léchée, même si elle reste de bonne facture.

Elle est devenue au fil des saisons une série de blockbuster, de divertissement au sens pur, au détriment de ce qui l’avait érigé au rang de phénomène de la télévision. Elle propose une recette inchangée, remixée et remasterisée d’année en année, sans réellement surprendre le spectateur au-delà de certains choix inédits concernant sa narration. Bilan d’une saison qui propose un mystère… pas aussi mystérieux que ça.

Une saison différente… enfin presque

Après un an et demi d’absence, Stranger Things est revenue cet été avec la promesse de nouveauté dans une saison plus sombre, de la part de ses créateurs. Une saison vendue comme plus adulte et plus intéressante sur le papier, mais qui, in fine, ne tient pas les promesses des équipes de la série.

Si Stranger Things embrasse l’âge de ses héros, et de fait, propose des sous-intrigues en partie inspirées des teen dramas, avec romance et autres découvertes du soi adolescent, cette troisième saison ne propose pas vraiment quoi que ce soit de nouveau, si ce n’est une réinvention de l’intrigue que nous avons connue deux saisons d’affilée.

Même chemin de fer depuis la saison 1, réinventé plus ou moins en 2, et désormais en 3, cette dernière saison de Stranger Things ne s’embarrasse pas de proposer un nouveau monstre, si ce n’est de réinventer celui de la saison 2 dans le monde de nos protagonistes avec une incarnation physique (voire plusieurs…avec les cas de « possessions »). Si l’on savait que le recyclage était légion dans Stranger Things, celui-ci n’est pas des plus heureux ou convaincant… Foi de Cerveau !

Sombre ? Gore plutôt !

La promesse des frères Duffer était de proposer une saison plus intelligente, car plus noire. Tout du moins cela était leur intention suivant leurs multiples déclarations dans la presse. Dans cette troisième itération de l’histoire Stranger Things, « sombre » ou « noire » serait pris au premier degré et plutôt comme synonyme de « gore ». Très gore. Au point de détourner le regard de ceux qui ont en général l’estomac bien accroché.

 

L’autre argument des showrunners pour un ton plus sombre ou sérieux serait avec le personnage de  Billy, la brute de service introduite en saison précédente, érigé au rang d’antagoniste de premier choix. Tout comme son interprète, les showrunners promettaient d’explorer le personnage plus profondément. Malheureusement, il reste une caricature d’un playboy des années 80… d’un Hasselhoff à ses heures glorieuses, mais en moins charismatique (si si, David Hasselhoff était charismatique dans les années 80, le Cerveau vous jure !). Et ce n’est pas le petit voyage de Eleven dans son passé furtif qui proposerait une quelconque psychologie du personnage. Non.

Tendresse, nostalgie et mystères… ça c’était avant !

Quand on a découvert Stranger Things en 2016, ce qui avait séduit la planète en deux semaines et érigé la série au rang de culte populaire, était sa qualité au-delà de sa nostalgie. La série proposait un véritable voyage et hommage à une époque glorieuse et marquante du 20ème siècle, aux influences télévisées et cinématographiques  qui ont donné goût aux créateurs de la série pour le métier qu’ils exercent, forgé leur talent, tout en proposant une marque de fabrique inédite à l’heure de sa sortie sur Netflix, après avoir été rejetée par les chaînes traditionnelles. La série était une véritable surprise de qualité, du début à sa fin.

Si en saison 2 son succès a poussé les frères scénaristes à miser un peu plus sur le divertissement, l’équilibre avec la narration était relativement cohérent, même si certains spectateurs commençaient déjà à exprimer des griefs concernant certains choix narratifs, notamment vis-à-vis de l’intrigue d’Eleven. Aujourd’hui, après visionnage des 8 épisodes de Stranger Things 3, le constat est sans appel : La série se cantonne à la pure et simple fonction de divertissement, perdant ce qui avait fait d’elle un culte.

Chemin balisé sans âme

Avec ses clins d’oeil qui ne sont plus vraiment de l’ordre de l’hommage subtil, voire criard et presque parodique, que ce soit Terminator, Retour vers le futur, Alien etc..Stranger Things a sombré dans la nostalgie fan-service au détriment de l’émotion, de l’attachement avec les héros bien moins innocents désormais, ainsi que son intrigue.

Resservant la même narration chorale, le spectateur sait où il va et ce qui va se passer sans immersion dans cet univers comme il a pu le faire un an et demi plus tôt. Si l’on pouvait excuser le trop plein de fun la saison dernière, cette saison, ça ne passe pas. A force de resservir le même plat, à la même sauce, l’attachement pour les enfants de Stranger Things – qui ne sont plus des enfants – ne marche plus.  La nostalgie et l’« hommage » au cinéma des années 80 devient indigeste. Surtout quand même niveau réalisation, aucun effort n’est fait pour offrir une qualité digne de sa première saison.

Car oui, cette saison, les effets spéciaux prennent aussi le pas sur ce qui avait fait le succès de la série : sa réalisation épurée malgré certains effets spéciaux subtils, servie par des décors et costumes qui faisaient voyager le spectateur à une époque oubliée. Aujourd’hui, entre le gore, les effets de lumières anachroniques, et autres effets spéciaux beaucoup trop tape-à-l’œil, font de la série une pastiche d’une époque, du centre commercial, en passant par les russes stéréotypés, ou les objets électroniques obsolètes désormais…

Une conclusion pas si triste que ça

Oui, la relation Hopper/Eleven est touchante. Oui, le trépas du « papa ours » de la série peut être touchant. Mais quand on découvre la séquence post-générique, l’émotion retombe comme un soufflé raté, quand on comprend que « l’américain » est toujours en vie, et sera donc de retour l’an prochain. Un twist gratuit, histoire de conclure la saison sur une émotion peu subtile, avec un nouveau départ pour l’héroïne iconique de la série, Eleven, au loin avec les Byers.

Si la saison se conclue sur la fin du groupe, disloqué par le départ d’une partie de la bande, un arrière-goût d’inachevé reste en fin de saison 3 de Stranger Things. Non pas car il manque des pans de l’intrigue qui ne seraient résolus. Ce sentiment d’inachevé se ressent par le manque d’implication dans cette histoire qu’on nous ressert depuis trois ans. L’histoire d’une créature échappée d’un monde parallèle qui nous envahit, sur laquelle les héros enquêtent avant de la combattre et la renvoyer dans son monde. L’histoire d’une petite fille qui a des pouvoirs et qui cherche à se connaitre. Un rite initiatique en cycle qui n’a plus de saveur quand on en connait les étapes.

Chaque année, on sait que la bande va être éclatée avant de se réunir, comme dans toute série chorale de ce type. Chaque année, on sait qu’Eleven va être affaiblie avant de tout arranger, en même temps que Hopper et Joyce. Chaque année d’ailleurs, on sait qu’Eleven aura droit à son relooking aussi.

C’est à se demander si les frères Duffer sauraient réinventer Stranger Things sans leur chemin de fer actuel. Car clairement, la série est désormais devenue un divertissement inspiré des années 80, plus proche du pastiche que de la réinvention inédite du genre fantastique à la télévision. Si l’on sait déjà (non-officiellement) que Stranger Things reviendra pour une saison 4, on ne sait pas si les frères Duffer sauront faire autre chose que ce qu’ils nous font chaque saison.. Peut être que Stranger Things nous réservera une surprise loin de son concept pour la saison 4. On l’espère, car à force de resservir le même plat, on pourrait frôler l’indigestion…

Crédit ©Netflix

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