Le Vampirisme au cinéma

3

 

L’histoire sombre et ensanglantée de l’adaptation cinématographique du vampirisme commence avec le Nosferatu de Murnau (1922). Si aujourd’hui l’œuvre en noir et blanc pourrait rebuter les moins puristes, elle signe néanmoins l’enclenchement d’une longue série de film. Un genre en constante évolution, passant d’une bête repoussante à un jeune homme scintillant et végétarien. Alors, plutôt old school, ou vampire new age ?

Le grand père du Vampire : Nosferatu.

Tout débute avec un film d’horreur, adaptation du légendaire Dracula de Bram Stoker. L’ambiance est lourde, et le suceur de sang n’a rien d’un bel adolescent, ni même d’un élégant Dandy. Ici, le Nosferatu est chauve, le visage enlaidi par un maquillage épais, les dents pointues. On y retrouve davantage les traits d’une bête que ceux d’un bel éphèbe. On est clairement dans de l’épouvante pure. Le vampire n’est qu’un être terrifiant, repoussant, voué à faire le mal. Se nourrissant à tout va des habitants du petit village de Wisborg, son amour fou pour la belle épouse de Thomas Hutter ne l’empêche pas de commettre des atrocités. Le vampirisme connaît sur le grand écran des balbutiements à donner la chair de poule. Il n’est pas utilisé afin de vendre une quelconque image sensuelle ou élégante, mais pour provoquer la peur.

La génération suivante gagne en charme…

Si le vampire reste longtemps une figure mystérieuse et obscure, les traits disgracieux sont bien vite remplacés par d’élégants visages aux coiffures impeccables. Dès 1931, une nouvelle adaptation présente Dracula comme un bel homme, gentilhomme de surcroit. C’est Béla Lugosi, brun ténébreux à l’épais sourcil envoûtant, qui joue alors le comte. Habillé d’un costume trois pièces assez distingué, le vampirisme prend ses marques. Il devient évident que les sombres êtres de la nuit sont à présent faits pour être suaves et séduisants. Mais pas pour autant gentils. Car sous les lèvres douces et le sourire enjôleur se cachent toujours les terribles canines, gourmandes et sans pitié. La répulsion est remplacée par de la fascination. Et n’y voyez là aucun mauvais jeu de mots ! Béla Lugosi marque les esprits, et devient aux yeux de tous l’image même du vampire, inspirant ses prédécesseurs.

L’humanisation du vampire

Cependant, d’un coup, en 1968, Roman Polanski bouleverse tout. Les vampires deviennent plus humains que cruels. Entre un homosexuel, un sourd ou un juif, on retrouve ici un schéma social très proche du notre. Ils ne sont plus de solitaires créatures emmitouflées dans une cape de soie noire. C’est en groupe qu’ils s’organisent et vivent. Le bal des vampires est ainsi donc l’esquisse d’un retournement de situation qui ne s’arrêtera pas là : les vampires gagnent. Ils passent du statut de pur méchant à abattre à celui de héros, de personnage à part entière voire de personnage principal. Au-delà de l’érotisme de la figure, maintenant ancrée dans les esprits, se rajoute la compassion, et même l’humour. Cette nouveauté s’accentuera au fil du temps, le vampire devenant peu à peu un être qui, malgré sa perte d’humanité physique, reste capable de sentiments.
Une nouvelle adaptation de Dracula, en 1992, illustre bien l’évolution du genre. Gary Oldman, sous la direction de Francis Ford Coppola, nous joue un être seul et sinistre, pouvant prendre la forme d’une bête affamée. Et pourtant, c’est l’amour qui le fait sortir de sa Transylvanie natale. La belle Mina, fiancée de Jonathan Harker, envoûte sans le vouloir le sombre comte, ressemblant trait pour trait à sa défunte épouse. Jetant aux ordures ses ongles crochus et sa coupe de cheveux douteuse, il débarque en parfait dandy : costume et haut de forme. Si Van Hellsing, scientifique mal rasé et un peu obsédé par les chauves souris suceuses de sang, vient présenter le comte comme un monstre, il reste dur de ne pas verser une larme devant la tendresse dont il fait preuve près de sa douce. Mais les humains restent encore les personnages principaux, bien que ce cher Dracula gagne en importance.

Premier rôle ?

Il faut attendre deux petites années, pour voir naître une nouvelle adaption. Pas de Dracula cette fois, car ce n’est pas Stoker que l’on met en scène, mais Anne Rice. Sa chronique des vampires symbolise une sorte d’age d’or du vampirisme à travers des héros sombres et sensuels. Le vampire prend la forme qu’on lui connaît le plus : un chasseur complexe et érotique. En 1994, sort donc la version cinématographique du premier tome : Entretien avec un vampire. Trois acteurs, beaux bien entendu, se glissent dans la peau des principaux personnages. Tom Cruise devient Lestat, sexy en diable, Brad Pitt joue un Louis perdu face à l’horreur de sa nouvelle condition, et la jeune Kristen Dunst se glisse dans la peau de Claudia, adorable mais glaciale poupée blonde aux dents pointues. Ils forment ainsi une espèce de parodie morbide de famille. L’homme passe au second plan, ne devenant que le porte parole de Louis, sous la figure d’un jeune journaliste écoutant sa tragique histoire. Le vampire comme ennemi ? C’est définitivement terminé. Il est clairement le héros, et nous plonge dans son univers de ténèbres.

Nouvelle génération

Si cette image obscure, un brin rock’n’roll, continue pour un bon bout de temps, notamment avec le critiquable Reine des Damnées, adaptation bancale du roman d’Anne Rice, elle ne fait manifestement plus vendre. C’est du moins la pensée d’Hollywood. Après quelques films pseudo comiques, ayant fait de jolis flops, on voit arriver sur nos grands écrans un scintillant nouveau concept. Après le succès des romans de Stephenie Meyer, il est évident que Fascination, Tentation et compagnie devaient bien finir par débarquer. Si Louis, emplit de scrupules, avait eu à ses débuts quelques tendances végétariennes, ici le phénomène est un peu plus imposant. Le vampire perd peu à peu l’aura de danger qui le caractérisait. Edward Cullen, comme le reste de sa famille, symbolisent un changement de genre. Le film de vampire dépeint à présent l’image du petit ami parfait. Il est vrai qu’à 16 ans on imagine mal présenter à ses parents un être blanchâtre et nocturne pendu au cou d’une pauvre victime pour la vider de son sang. Ainsi, il est plus aisé d’imaginer présenter un jeune homme propre sur lui, pouvant sortir le jour sans risquer de brûler. Et bien sûr, ne suçant pas de sang humain. Pure abomination ou évolution ? C’est à vous de juger.

 

 

crédit photo : Sony Columbia, Warner Home Video, SND, New Line Cinéma , MGM, Universal Pictures, 

 

Partager