Après 7 ans d’existence sur les écrans et une période prévue encore sur 4 ans, il est temps de faire un point sur le Marvel Cinematic Universe.
Le raz-de-marée Avengers : L’Ère d’Ultron a pris d’assaut les salles obscures. Avec cette deuxième étape importante de l’Univers Marvel Studios, le Cerveau a jugé bon de se poser un peu dans la déferlante pour peser le pour et le contre, observer ce qu’au bout de 7 ans le plan de Marvel / Disney donne, autant en matière de films que de séries, et projeter sur ce qu’il peut nous réserver pour l’avenir.
Alors que la « phase II » se conclut, il est temps de faire une pause et de regarder si Marvel réussit réellement à construire un univers. Si le dit univers est cohérent, et si la franchise ne tente pas trop de tirer sur une corde en ajoutant des oeuvres plus pour le divertissement et l’aspect commercial, que dans une vrai volonté de construite un univers avec chaque opus. Bref, le Maison des Idées remplit-elle le contrat passé avec les spectateurs ?
Phase I, où la renaissance du (super) héros
Retour en 2008. Les héros des comics commencent à faire sérieusement parler d’eux avec des films de plutôt bonne facture, une écriture satisfaisante (notamment avec la trilogie Spider-Man de Sam Raimi, particulièrement son second volet) et qui ne semble plus aussi ridicule qu’autre fois. Il devient clair que le monde, ou du moins l’Amérique post 11 septembre, a besoin de nouveau héros. C’est alors que la Maison des Idées débarque avec son premier film phare : Iron Man.
- Robert Downey Jr. revient sur le devant de la scène et incarne un Tony Stark charismatique, comme personne n’aurait pu le faire, le tout ancré dans un contexte politique réaliste. Le film est une réussite autant critique que financière avec 585 millions de dollars au box office pour un budget de 140 millions. La première pièce de l’empire Marvel Studios est placée.
- Petite parenthèse verdâtre plutôt réussie avec l’Incroyable Hulk de Louis Leterrier, où le Colosse de Jade est ré-introduit à l’écran après le film d’Ang Lee de bien moindre qualité. Malgré le changement d’acteur entre cet épisode et Avengers (Edward Norton laisse sa place à Mark Ruffalo), l’Incroyable Hulk gagne sa place dans le MCU grâce à sa scène post-crédits où apparait Tony Stark.
- Le millionnaire préparait son retour pour Iron Man 2 où, à part quelques clins d’oeil aux fans (notamment avec l’apparition du bouclier de Cap) et l’introduction de War Machine comme personnage secondaire, il n’y a pas de grande avancée dans le scénario général. Il arrive cependant à transformer son budget de 150 millions de dollar en 623 millions, ce qui n’est pas à négliger.
- Viennent ensuite un Thor assez mou du genou et un Captain America : First Avenger plutôt second degré et agréable. Tous deux sont aussi de bonnes réussites, avec respectivement 449 millions et 370 millions de dollars au box office. Mais tout ça n’est bien évidemment rien comparé au gros morceau qu’est le premier film Avengers.
- Etape finale de la « phase I » de Marvel où, en plus d’avoir une équipe complète de super-héros (dont 3 nouveaux : Hulk rebooté et réussi ainsi que deux humains « normaux », Oeil de Faucon et La Veuve Noire) face à un vilain ultra-charismatique : Loki (Tom Hiddleston dont le talent n’est plus à douter tant il porte le film), le monde prend connaissance de leur existence ainsi que des menaces extra-terrestres. Là aussi, record pour Avengers avec une transformation d’un budget de 220 millions de dollars en 1,5 milliard de dollars.
Trop humaniste
4 ans après le début de cette « phase I », où en est le spectateur ? Une équipe de super-héros composée d’un omni-présent multi-millionaire, d’un super-soldat doué pour mener les troupes, d’un dieu nordique flanqué d’un frère jaloux, d’un scientifique apeuré par sa propre colère, d’un archer et d’une super-espionne dont on ne sait pas grand chose. On ajoute une menace cosmique à venir, l’introduction de 2 séries en production et sûrement d’autres personnages hauts en couleur à venir. Ça fait beaucoup dit comme ça, n’est ce pas ? Surtout quand on se penche du côté du matériau de base, à savoir les comics.
Marvel ayant décidé de fonder son propre studio de production cinématographique, il a été décidé de faire appel à des scénaristes habitués du grand écran. Et c’est sûrement là que réside la première faille du MCU. En faisant cela, Marvel a passé ses personnages au potentiel illimité à la moulinette consensuelle d’Hollywood. Le Cerveau prendra juste comme exemple les deux premiers arcs de la série Ultimates, créée en 2002 pour « dépoussiérer » les personnages emblématiques qui commençaient mine de rien à avoir une bonne cinquantaine d’années.
Ces deux histoires scénarisées par le talentueux Mark Millar présentaient des super-héros plus humains que jamais : Captain America du fait de sa cryogénisation était un vieux patriote aux moeurs à la limite du fascisme (selon nos critères contemporains), Iron Man était égal au personnage de base puisqu’ alcoolique et irresponsable, Thor était un altermondialiste dont la filiation Asgardienne était difficile à prouver et Hulk considéré comme un ennemi d’Etat qu’il a fallu condamner à mort, après avoir ravagé Manhattan dans un accès de colère. Tant de potentiel gaché, qui aurait pu clairement donner autre chose que les stéréotypes qui ont été portés à l’écran.
Mais une fois de plus, il faut comprendre le contexte : le monde a besoin de héros. Et les héros ont des faiblesses, certes, mais de celles qu’on peut montrer. Donc bon, on fait avec. Cela dit, on peut déjà deviner qu’on va vite faire le tour de leur personnage et qu’il faudra se contenter d’un soubresaut d’ambition de temps en temps pour satisfaire les plus exigeants (comprendre ici le Cerveau, évidemment).
Phase II : le Monde de Loki
Au cinéma
- Avril 2013. La France découvre la troisième aventure solo d’Iron Man au cinéma. Voulant reprendre l’arc scénarisé par Warren Ellis de 2006, on y découvre un virus qui, de base, devait permettre par la suite à Stark de communiquer directement avec les machines. Mais sûrement jugé trop compliqué pour le public, Marvel place le virus comme une attaque terroriste orchestrée par un Mandarin qui n’a pas fini de diviser les fans. Cela dit, pour 200 millions de dollars de budget et 1.2 milliard de recette, il faut croire que Kevin Feige a eu raison.
- Vient ensuite le très oubliable et tampon Thor : Le Monde des Ténèbres affublé d’une histoire et d’un antagoniste dont personne ne se rappelle mais qui aura comme seuls intérêts de revoir Hiddleston à l’écran et d’introduire le troisième artefact de la mythologie du MCU après le Tesseract et le bâton de Loki : l’Ether. Là, le succès est mitigé surtout niveau critique, puisque pour 170 millions de dollars de budget, le film engrange un honorable 600 millions au box office mondial.
- C’est ensuite au tour de la Légende Vivante d’obtenir sa séquelle avec Captain America : le Soldat de l’Hiver. Proposant une dimension espionnage / contre-espionnage assez efficace et l’apparition du Soldat de l’Hiver (qui aurait pu être beaucoup mieux traité, une fois de plus en s’inspirant un peu plus du comics), il relève légèrement le niveau de cette série de séquelles qui ne sont là que pour assurer la conclusion de la Phase II : Avengers : L’Ere d’Ultron.
- Mais avant, un petit détour par l’espace avec la plus délirante et improbable des adaptations Marvel, Les Gardiens de la Galaxie. Space-opéra déjanté à l’ambiance rétro et à l’humour corrosif, le film est à ce jour la meilleure adaptation du comics dont il est tiré. Il vient en plus apporter sa pierre de continuité en introduisant les gemmes de l’Infini (enfin), artefacts que le vilain cosmique Thanos recherche. Critiques et public sont unanimes et le budget de 170 millions de dollars se transforme en 774 millions de dollars au box office mondial, de quoi espérer le meilleur pour la suite.
- Redescendons sur Terre cependant avec Avengers : L’Ere d’Ultron censé plus ou moins clore cette deuxième phase. Ici, les Avengers font face à une intelligence artificielle qui veut détruire l’humanité pour soit-disant la protéger. Aux 6 super-héros de base, Marvel fait les fonds de tiroir en rajoutant les side-kicks : War Machine et le Faucon ainsi que les nouveaux Vif-Argent, Vision et la Sorcière Rouge. On arrive désormais avec 11 personnages en tout, et dont les ajouts n’ont pas vraiment eu de développement, voire pas du tout. Surtout que contrairement à la fin de la « phase I », le gros changement qui est censé tout faire basculer dans une nouvelle problématique est déjà connu depuis longtemps du public, à savoir la quête des gemmes de l’Infini.
- Fin de la « phase II » ? Que nenni ! Marvel prévoit une surprise de taille pour cet été avec Ant-man, personnage au potentiel lui aussi illimité (malgré la dimension un peu ridicule de ses pouvoirs). Malgré un trailer plein de promesses et d’humour, le Cerveau reste dubitatif sur le choix de Marvel de terminer sa deuxième phase avec un nouveau héros et potentiellement difficilement rattachable au reste. Espérons que la Maison des Idées trouvera une magnifique galipette pour conclure cette phase aussi brillamment que la précédente.
Le Shield, Daredevil, l’Agent Carter en série
En parallèle des films, Marvel a sorti à ce jour 3 séries pour boucher les trous laissés par l’intrigue principale, à la manière de « one-shot » ou d’arcs narratifs s’interessant à un personnage ou un groupe dans le contexte de l’arc général, servant de développement particuliers pour certains personnages. Agents of S.H.I.E.L.D. nous fait suivre l’agent Coulson (introduit dans Iron Man) et son équipe d’agents secrets pour traquer les méta-humains apparaissant autour du globe. Mettant un peu de temps à se mettre en place, la série ne manque pas de qualités pour autant, même si l’ambition espérée n’est pas toujours là.
Deuxième série mise en chantier, Agent Carter suit le personnage éponyme dans les années 50 et les débuts du S.H.E.I.L.D. Là aussi, beaucoup de qualités notamment en matière d’écriture et de personnages mais, du fait de sa situation temporelle (à l’époque de Captain America : First Avenger), son impact est malheureusement moindre. Certes, ça permet d’expliquer l’Hydra, mais comme elle est démantelée quasiment au même moment dans le présent dans Avengers : l’Ere d’Ultron, la boucle est vite bouclée.
Dernière et non des moindres, réalisée en collaboration avec Netflix, Daredevil est une véritable bouffée d’air frais dans un milieu qui commence à sentir le renfermé. Sombre, violente, sans retenue aucune, les aventures du justicier aveugle la nuit et avocat le jour rend un vibrant hommage à l’Homme sans Peur et aux différents traitements qu’il a reçus au fil des ans (de Miller à Bendis). Complètement ancré dans le réel, jamais exagéré, le sentiment post-Gardiens de la Galaxie est de retour. Là non plus, pas de grande influence sur le MCU en vue (même si quelques références sont faites par-ci par-là à Avengers premier du nom), mais le traitement de la série montre que Marvel peut se salir les mains, et ça, c’est une bonne nouvelle.
Le temps Marvel c’est de l’argent
Malgré une augmentation quantitative avec l’ajout des séries, il est clair que le procédé s’essouffle un peu. Certes chaque épisode cinéma apporte sa pierre à l’édifice pour l’élaboration de l’univers, mais le temps allant, les contributions respectives tendent à devenir de plus en plus pauvres. Par exemple, Thor : le Monde des Ténèbres n’apporte rien de plus à la globalité du MCU que l’Ether (et encore, qu’il ait été choisi au passage pour légitimer le film à la dernière minute n’étonnerait pas le Cerveau). Iron Man 3, idem. Certains diront que ça conforte Stark dans son idée de renforcer la sécurité mondiale, ce qui a mené à Ultron, ce qui va mener à Civil War. Mais cela valait-il l’argent dépensé et le temps de visionnage nécessaire ? N’aurait-il pas mieux fallu suivre tout simplement l’exemple des Gardiens de la Galaxie qui a réussi à allier divertissement pur et grosse avancée dans l’histoire globale ?
Avec cette « phase II » qui s’achève, le Cerveau a plus l’impression (notamment avec Avengers : l’Ere d’Ultron) de faire de plus en plus face à des divertissements qu’on étire au maximum, avant de placer de temps en temps un petit truc qui va faire avancer l’univers partagé. L’idée est bonne, mais une fois de plus, se colletiner un film en entier pour 2-3 minutes indispensables pour comprendre le suivant, c’est parfois très cher payé. Sans compter les séries aux épisodes à la qualité aléatoire mais aux informations cruciales pour la compréhension.
Même The Walking Dead, qui fonctionne sur la même structure, est moins cruel avec son format d’une heure. En toute honnêteté, de toute façon, le Cerveau ne voit pas comment Marvel aurait pu faire autrement. Il y a un moment où il faut regarder les choses en face : le cinéma est une industrie et une industrie doit rapporter de l’argent. La tentation de multiplier les métrages en surfant sur la fan attitude était donc grande et le Cerveau a peur que Marvel y ait méchamment cédé. Le divertissement pour le divertissement, agrémenté de placements de produits. Mais la plus grande déception dans tout cela, c’est le sentiment d’inachevé à la sortie de cette « phase II ». Qu’a-t-elle bouclé ? Les Avengers prennent connaissance des gemmes de l’Infini ? Après 5 films ? Oui, ça fait un peu long.
Phase III : en route vers l’overdose ?
À vouloir copier son modèle d’univers cinématographique sur celui des comics avec une trame principale et des spin-off pour approfondir les tenants et aboutissants, Marvel a parié comme jamais aucun studio ne l’avait fait jusque là. Au niveau de la cohérence, ça tient parfaitement en place et encore heureux vu à qui on a affaire. Cependant, le manque d’ambition et d’originalité dont le MCU fait preuve au fil des années laisse à craindre le pire pour la suite. Même si de temps en temps, des petites pépites comme la série Daredevil ou les Gardiens de la Galaxie sortent du lot et viennent temporairement rassurer les plus inquiets.
Malheureusement, le temps semble à l’uniformisation. Mais comme tout le monde, le Cerveau laisse couler au final, et attend le prochain film pour voir si les choses changeront à temps. Oui, il continue à croire en le MCU. Il veut qu’il le surprenne. Et avec encore 4 séries Netflix et 2 spin-off qui arrivent ainsi qu’une Guerre Civile qui pointe le bout de son nez, pour peu que les premières égalent l’Homme sans peur et que le film garde l’essence de l’arc de Millar, la « phase III » de Marvel pourrait prendre un tournant intéressant. Après tout, il n’y a pas d’âge pour croire que le monde peut encore être sauvé non ?
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