Seigneur des Anneaux Ciné Concert : Rencontre avec Ludwig Wicki

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Rencontre avec Ludwig Wicki, Chef d’Orchestre du ciné concert le Seigneur des Anneaux actuellement au Palais des Congrès jusqu’au 29 juin. Retour sur une musique de film unique, un parcours inédit et peut-être un ciné concert pour le Hobbit. 

Natif de Lucerne, Ludwig Wicki se découvre une passion pour les musiques de films très tôt et décide d’en faire le cœur de sa formation musicale. Membre de l’Orchestre de l’Opéra de Lucerne puis directeur musical du Palace Chapel de Lucerne, il décide ensuite d’étudier la direction de choeur et la direction d’orchestre au Conservatoire de Bern et à l’Académie Musicale de Pescara.  Ludwig Wicki trouve un plaisir particulier dans le mélange des styles et des époques. Passionné par les musiques de films, il  forme un orchestre professionnel exclusivement consacré à ce genre musical : Le  21st Century Orchestra, qu’il a rendu célèbre avec ses 36 représentations en ciné concert live du Seigneur des Anneaux partout dans le monde. A l’occasion de son passage à Paris pour jouer la partition des Deux tours en Live au Palais des congrès, Ludwig Wicki s’est confié à Brain Damaged sur sa passion pour les musiques de films et son travail sur le Seigneur des Anneaux

Brainterview Ludwig Wicki

_MG_5958Vous vous êtes représenté, avec votre orchestre symphonique à Londres, Lucerne, Munich, Cracovie, Luxembourg, Lyon, Tampere, New York, Sydney et St Louis et il y a quelque mois à Paris. Le show a-t-il toujours été reçu de la même manière ? Existe-t-il une ambiance particulière ?

Oui, le public est différent mais leur retour est toujours le même. La fin du spectacle hier était surprenante et grandiose. Le public avait l’air vraiment heureux. Et ce n’est pas toujours comme ça en fin de représentation. Parfois les gens sont plus sur la retenue, moins expressifs. Mais d’autres vous transmettent une énergie à la fin qui est incomparable. A Paris, Londres ou New York par exemple, le public est vraiment très spontané à la fin. Mais en général, les gens sont toujours bouleversés par le concert. Tous sont très impressionnés par ce qu’ils ont vu qui est très spécial et surtout inattendu. Surtout vis-à-vis de ce qui se passe sur scène : voir la musique  prendre vie. C’est vraiment une nouvelle forme d’expression musicale.

Le Seigneur des Anneaux est l’un des premiers films à permettre et bénéficier de ce genre de spectacle. Avant ça, c’était les films muets ou ceux de Charlie Chaplin. Le Seigneur des Anneaux ouvre de nouvelles portes aux musiques de films que l’on pourrait entendre en live comme ici. Et quelque soit la ville, le concert est toujours un grand succès et même si on le sait c’est toujours une surprise, à chaque fois qu’on rejoue sur scène, de voir une standing ovation pour applaudir la performance.

Vous devez jouer la musique en simultané avec le film, comment faites-vous pour diriger près de 200 personnes en positionnant à la seconde près les morceaux correspondant aux scènes projetées ? Avez-vous un chronomètre, un outil particulier qui vous permet d’être juste ? Car c’est un sacré challenge quand même !

J’utilise une technique qu’ils ont développée à Hollywood. Avec ma partition, j’ai un écran devant moi qui me permet de voir le film comme sur  grand écran. Sur ces images, j’ai des signes visuels qui apparaissent pour me permettre d’aligner les mesures de la partition, chaque mouvement ou les changements de tonalité musicale du film au moment où elles doivent s’entendre sur chaque scène. Ça l’air simple comme ça mais ce n’est pas si facile car il faut transposer ça à tout un orchestre et des chœurs. Donc je dois à la fois me concentrer sur l’écran pour que la musique soit synchro avec le film et aussi sur les musiciens pour leur donner le bon tempo. Et plus je joue, plus je connais la partition sur le bout des doigts un peu comme un pilote, j’ai appris à maîtriser mon appareil en fait. D’autres confrères chefs d’orchestre classiques pensent qu’on peut être esclave de l’écran mais c’est juste  un moyen qui me permet d’emprunter un chemin où je peux créer de la musique, tout comme eux.

Vous êtes clairement  fan  de la musique du Seigneur des Anneaux, parlez-nous un peu de la musique d’Howard Shore pour cette trilogie, de son impact pour vous dans le genre.

Alors c’est ma femme qui a adoré les films et qui m’a plus ou moins forcé à aller les voir avec elle.  Au début, je n’étais pas trop fan des films mais à force de  jouer leur musique, j’adore cette trilogie maintenant. La musique m’a fait aimer les films à vrai dire. Beaucoup de réalisateurs n’aiment pas entendre ça, mais par exemple Charlie Chaplin savait ça, c’est pour ça qu’il composait lui-même la musique de ses films. La musique classe les films de Charlie Chaplin dans la catégorie du pur génie. C’est pareil pour LOTR, c’est la plus grande bande originale en termes de variété mélodique. C’est un peu comme du Wagner en fait. La musique d’Howard Shore, et spécifiquement pour les Deux Tours, est tellement travaillée et poussée qu’il est très dur de ne pas l’apprécier et de ne pas être impressionné par l’effort créatif de Shore. Elle propose tellement de mouvements variés qu’on ne peux qu’être admiratif. C’est une des plus belles musiques de films jamais composées.

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Quelle est pour vous le morceau le plus symbolique de ce second opus de la trilogie ?         

Dans le second film , il y a deux trois moments magnifiques que j’adore. Le premier serait celui avec shadowfax, quand le cheval vient chercher Gandalf sur les plaines. On a un cheval qui lui ressemble trait pour trait ce qui rend ce passage encore plus spécial pour moi. Quand Le roi Théoden, enfile son armure et se prépare à la bataille (au Gouffre de Helm/ndlr) aussi. C’est vraiment surprenant d’entendre les compositions mélodiques d’Howard prendre vie de cette manière dans ces passages. Where’s the horse and the rider est comme une sorte de prière, comme un chœur grégorien. Il y a d’autres passages très spéciaux dans ce film, certains très tendres, comme le thème des elfes. Les deux premiers sont plus sombres, c’est pour ça que je les adore aussi.

Quels sont pour vous les plus grands noms de genre ? Les compositeurs de musique de film qui ont marqué l’histoire du cinéma ?

Il y en a deux. Quand j’avais 14 ans j’avais deux bandes originales que j’adorais : le premier était celle de Martin Böttcher, un compositeur allemand pas très connu qui a pourtant fait la musique des films Winnetou avec Pierre Brice. Les films Winnetou sont très populaires en Allemagne. L’autre est bien évidemment Ennio Morricone. Ce sont ces deux compositeurs qui m’ont donné envie de jouer des musiques de films.

Gladiator+Soundtrack+Hans+Zimmer++Lisa+Gerrard+2000

Votre bande originale préférée ?

Je n’en ai pas qu’une seule. Bien évidemment, Le Seigneur des Anneaux qui est la bande originale la plus intense que je connaisse et qui  m’aura marqué pour la vie. Une autre que j’adore est celle de Gladiator par Hans Zimmer. J’admire aussi le travail de Michael Giacchino pour Star Trek. Michael sait composer des musiques très variées et colorées, comme celle de Ratatouille aussi.  Il y a tellement de bandes originales magnifiques ! Ce qui est bizarre, c’est que les musiciens de formation très classique dénigrent les musiques de films, pour eux c’est cheap, c’est un sous genre alors que pas du tout. J’ai une formation très classique, je me suis spécialisé dans la musique baroque et renaissance. Et je ne comprends pas pourquoi on ne donne pas plus de place aux musiques de films qui sont tout aussi abouties qu’un Wagner, Bach ou Haydn.

C’est donc pour démocratiser les musiques de films que vous avez créé le 21st Symphony Orchestra ?

Exactement, je voulais apporter les musiques de films dans de grandes salles de concert. Essayer d’y ramener un public plus jeune. Et c’est ce qui se passe avec le 21st Century Orchestra. J’ai l’impression que ça a de plus en plus de succès. A Lucerne, nous jouons de plus en plus souvent à guichet fermé avec un public qui n’a rien à voir avec celui qu’on voit en général à un concert classique, plus jeune, plus varié. Ça permet d’initier les plus jeunes à la musique classique. C’est un pont entre deux mondes.

_MG_6014Quels autres films aimeriez-vous jouer en live comme le Seigneur des  Anneaux ?

Oh j’adorais jouer Gladiator ou le Da Vinci Code, ce serait un rêve pour moi. Ou Aladdin de Disney. Mais pour faire ça il faut être sur de pouvoir trouver les bons solistes qui peuvent reproduire les même voix que dans la bande originale et les fonds. C’est tout un travail.

Prêt à réitérer l’expérience pour The Hobbit ?

Oui je suis prêt. J’ai regardé 3 ou 4 fois le film. Beaucoup de gens disent que la musique du film n’ a pas la même intensité que celle  du Seigneur des Anneaux, qu’elle n’est pas aussi bonne. Mais je pense le contraire. C’est juste différent par rapport à ce qu’il a fait plus tôt, Howard Shore nous fait découvrir les racines de la musique du Seigneur des Anneaux. J’adore cette bande originale et j’ai vraiment très très envie de la jouer.

Crédit photos : © Laurent Sultan/©DR

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