Découvrez l’avis du Cerveau pour Vesper Chronicles, une poésie funeste qui ne manque pas d’émotion ni d’éveiller le spectateur sur l’écologie et la société industrielle.

Traiter d’un monde post-apocalyptique n’est jamais chose aisée. Surtout lorsque le sujet a d’ores et déjà été abordé. C’est pourtant le challenge que ce sont données les réalisateurs du film Vesper Chronicles, à mi-chemin entre féerie fantastique, dystopie et récit féministe.

Un récit immersif dans un monde imaginé par ses créateurs, qui prennent le temps de réfléchir sur plusieurs sujets, de l’inégalité sociale, la manipulation génétique, aux profiteurs de guerre en passant par l’espoir que l’on peut retrouver là on ne s’y attend pas.

Dans le futur, les écosystèmes se sont effondrés. Parmi les survivants, quelques privilégiés se sont retranchés dans des citadelles coupées du monde, tandis que les autres tentent de subsister dans une nature devenue hostile à l’homme. Vivant dans les bois avec son père, la jeune Vesper rêve de s’offrir un autre avenir, grâce à ses talents de bio-hackeuse, hautement précieux dans ce monde où plus rien ne pousse. Le jour où un vaisseau en provenance des citadelles s’écrase avec à son bord une mystérieuse passagère, elle se dit que le destin frappe enfin à sa porte…

Après le chaos…

Des futurs post apocalyptiques, il en existe beaucoup au cinéma, de Hunger Games, à Labyrinthe, nombreuses sont les franchises qui mettent en scène un ou une adolescente prophétique, qui vient bousculer l’ordre établi et relance l’espoir.

A l’heure où il est devenu légion d’imaginer un destin tragique à notre terre, avec une sur-industrialisation qui commence à tuer à petit feu la planète depuis des décennies, Vesper Chronicles s’attaque au sujet écolo de manière inédite et intelligente, dans une intrigue qui ne manque pas de surprendre à son visionnage.

Fable Funeste

A l’heure du changement climatique et des scientifiques qui ne cesse d’alerter sur la dangerosité de l’impact humain sur notre planète, Vesper Chronicles est une fable funeste qui ne peut laisser insensible. Une dystopie froide qui ne manque pas de poésie, teintée d’influences cinématographiques, de Cronenberg à Jeunet, avec ses créatures artificielles et son ambiance brumeuse tournée en décor réels.

Une histoire qui aurait pu être triste, voire anxiogène, pourtant portée par une très forte note d’espoir. Une note assurément féminine, porteuse d’une idée de révolution face non seulement à la dépendance ou domination masculine, mais aussi par l’idée de la femme à l’origine de la vie – ou survie ici – même dans les lieux les plus hostiles.

L’héroïne, qui offre son nom au titre du film, est une jeune fille vouée à un futur incertain, avec un père léthargique et une mère disparue. Mais une jeune fille qui ne manque ni de détermination, ni de courage, de malice et d’intelligence, dans un milieu qui ne lui offre qu’une seule destinée : celle de servir à reproduire ou de mourir de faim.

The future is female

Comme une plante qui pousse sur une terre brulée, Vesper est la clé de ce qui reste de l’humanité, séparée entre une élite rigide et sur-organisée, des fondamentalistes religieux que personne ne peut comprendre, et des survivants prêts aux pires sauvageries et violences pour rester en vie dans le terrain hostile qu’il leur reste.

Si aux premiers abords le spectateur peut être dérouté parce qu’il voit durant les premières minutes du film, Vesper Chronicles va réussir à nous investir dans le parcours de cette adolescente androgyne, sa soif d’espoir, son amour pour son père, mais aussi la science, sa naïveté, pugnacité et son insouciance.  Une insouciance qui lui permet d’ailleurs de créer de la féerie au milieu du chaos, et de rêver d’un avenir meilleur.

Anti-deterministe

Comme une critique de notre monde capitaliste et société déterministe, cette fable visuelle sort des sentiers battus pour sa réalisation et son inventivité, que ce soit dans la gestion des décors, en production design, ou écriture. Un film unique, qui s’empare d’un sujet pourtant déjà traité sous plusieurs angles, pour le réinventer de manière non seulement originale mais surtout avec beaucoup d’émotion et d’âme.

L’âme et le voyage sont au centre de Vesper Chronicles, malgré l’univers lugubre dans lequel les scénaristes et réalisateurs nous emmènent. Un voyage qui appelle à la rébellion, le dépassement de soi, le rêve, mais aussi l’entraide, afin d’imaginer un monde meilleur, que ce soit pour soi ou pour les générations futures.

Rien à envier

Avec un budget minime de 5 millions de dollars, le film arrive à rivaliser avec des blockbusters futuristes dix fois plus cher. Les réalisateurs, Kristina Buozyte , lituanienne et Bruno Samper, français, avec à leur côté à l’écriture du scénario Brian Clark, proposent un film à petit budget qui n’a rien à envier aux grands. Qui réinvente la technologie du futur en symbiose avec une nature hostile, en évitant habilement les écueils d’un futur sur-informatisé avec une technologie inspirée de notre monde.

Ici, la technologie est artistique, un peu comme la nature peut l’être, permettant habilement de se délester de certain coûts liés aux effets spéciaux, qui peuvent vite écumer le budget d’un film, mais aussi de revenir à un cinéma plus classique et plus intemporel, celui des animatroniques, des props et des décors artificiels qui se mêlent aux réels, même si les réalisateurs Samper et Byozyte ont fait appel à des studios de VFX très prisés.

Tourné en Lituanie, dans des forêts froides et peu attrayantes, les cinéastes ont réussi le pari de créer un monde de fantasy loin de ses codes de verdures et couleurs chatoyantes. Un univers froid, macabre et agonisant, qui arrive pourtant à offrir au spectateur un dépaysement comme aucun autre, tout en le faisant réfléchir sur notre réalité. Le propre même de la science-fiction.

 Vesper Chronicles Bande Annonce

Crédit photos : Condor Films