2 ans après Le réveil de la Force, le neuvième long-métrage de la saga tient ses promesses graphiques mais détonne par des choix radicaux et pas toujours judicieux.

Forcément très attendu, le nouveau chapitre de la continuité officielle Star Wars sort aujourd’hui sur les écrans et, avec lui, c’est toute l’étendue du double-espoir des fans (qu’ils soient de la première heure ou non) qui se retrouve naturellement en jeu. À savoir : être à la fois propulsés au cœur d’une aventure spatiale toujours aussi électrisante et virevoltante ; tout en obtenant les premières réponses (si possible satisfaisantes) entourant les mystères planant encore sur les origines des nouveaux personnages ; autant que sur les destins réservés aux plus anciens.

Vers la fin des Jedi ?

Dans les dernières minutes du film de J.J. Abrams, Rey (Daisy Ridley) retrouvait Luke Skywalker (Mark Hamill) sur une île isolée pendant que Leia (Carrie Fisher) pleurait la mort de son éternel amour, Han Solo (Harrison Ford), et que Finn (John Boyega) était toujours blessé et inconscient suite à son combat contre Kylo Ren (Adam Driver).

S’il a presque systématiquement été taxé, plus souvent à tort qu’à raison d’ailleurs, de simple remake d’Un nouvel espoir, Le réveil de la Force a su imposer, avec une rare et d’autant plus efficace immédiateté, une assez magistrale galerie de nouveaux héros (BB-8 en tête !) tout en respectant l’ensemble des codes préalablement établis par George Lucas. Et, avec eux, tout un lot de nouvelles questions.

Comment s’est construit le Premier Ordre ? Pourquoi Kylo Ren, autrefois nommé Ben Solo, s’est-il rebellé contre ses parents et rejoint le côté obscur au côté du Grand Snoke (Andy Serkis) ? D’où vient la Force de Rey et qui sont ses parents ? Pour quelles raisons Luke a-t-il disparu ? Quelles seront les conséquences des blessures de Finn ? Pourquoi C3PO a-t-il un bras rouge ?

« Fais-le… Ou ne le fais pas ».

Si la réponse à cette dernière interrogation trouve sa résolution dans les pages des comics liés à l’univers officiel Star Wars, il n’en est aucunement fait mention dans Les derniers Jedi, où le toujours aussi attachant droïde protocolaire arbore pourtant, et fièrement, une armature dorée flambant neuve… Pour le reste, Rian Johnson, qui signe également le scénario du film, tache de surprendre les spectateurs tant par ses choix narratifs que par quelques artifices pour le moins inattendus.

Dans la séquence d’ouverture, la Rébellion est sur le point d’être anéantie. Mais l’action téméraire de Poe Dameron (qui permet à Oscar Isaac de gagner en épaisseur depuis ses brèves apparitions dans Le réveil de la Force), jumelé à l’émouvant sacrifice d’une jeune rebelle, permettent de changer la donne ; au moins pour un temps. Comme à l’accoutumé, le plan d’ouverture accompagne un panoramique spatial passant, comme il se doit, du ciel étoilé à une plongée vers le cœur du combat au son de l’éternel magie musicale de John Williams, amorcé par un dialogue assez hilarant antre Poe et le Général Hux (Domhnall Gleeson).

Pendant ce temps, Rey rend à nouveau (la scène étant tournée via différents angles que ceux du final du film précédent) son sabre laser à Luke Skywalker, enfin débusqué… L’instant, en suspens depuis deux ans, est solennel. Les deux personnages, face à face, affichent un air grave. Luke prend son sabre… et le balance en arrière, d’un geste aussi franc que désinvolte, comme s’il s’agissait d’un vulgaire os rongé à donner en pâture à toute créature errante qui serait de passage.

S’il ne manque pas de faire rire (et de bon cœur !) ce trait d’humour forcément déstabilisant n’en est pas moins assez symptomatique de ce qui va suivre pendant près de 2h30 ; le réalisateur se jouant régulièrement autant du détournement des anticipations de chacun que de la nostalgie inévitablement éprouvée dans la salle.

Monstres & merveilles

Très régulièrement, il enchaîne littéralement les gags, plutôt que les simples traits d’humour, par le biais de mini-séquences souvent hors contexte (Chewbacca et les porgs, Rey et les caretakers…), si bien que, et même si certaines font mouche malgré tout, l’effet peut paraître un peu trop appuyé pour totalement emporter l’adhésion.

De manière générale, le nouveau bestiaire proposé est réussi. Qu’il s’agisse de créatures sympathiques comme les porgs ou plus nobles, à l’image des renards de glace ou des « chevaux » si chers au cœur de Rose (très sympathique nouvelle héroïne sous le charme de Finn et interprétée par Kelly Marie Tran), toutes contribuent à offrir à ce nouvel épisode une sensation de dépaysement supplémentaire et, pour le coup, fort bienvenue.

BB-8, quant à lui, reste étonnamment « absent » de l’aventure par rapport à l’importance qui lui était accordée dans Le réveil de la Force. Si bien que, en dehors de quelques petites séquences pourtant savoureuses (dont un extraordinaire coup de boule – sans mauvais jeu de mots), ceux qui ont instantanément succombé à son charme il y a deux ans resteront sur leur faim…

(Trop ?) de nouveaux pouvoirs

Mais le cœur du film reste naturellement la Force et la place qu’elle peut occuper dans le contexte de ce nouveau régime totalitaire. Le titre-même, Les derniers Jedi, est pour le coup tout sauf fortuit et ne cesse de venir hanter le trio Rey/Ren/Luke dans leurs quêtes personnelles… Mais c’est justement là où le bât blesse. En voulant redéfinir ainsi les pouvoirs de la Force, Rian Johnson prend des libertés hasardeuses, quitte à provoquer le désarroi, si ce n’est la colère, des puristes toujours si attachés aux préceptes et facultés de cette « religion » mythique.

En dehors de quelques tours de lévitation, la quasi intégralité des faits accomplis grâce à la Force au sein des Derniers Jedi relève de l’inédit. Là où les personnages pouvaient auparavant ressentir une connexion à distance, relevant d’ailleurs plus d’une simple émotion (Leia ressentant la détresse de Luke à la fin de L’empire contre-attaque), ils communiquent à présent directement les uns avec les autres à des milliers de galaxies de distance ! Ils peuvent se voir, se parler… Et même, dans une certaine mesure, se toucher !

Ces instants, complexes par nature, ont beau être magistralement tournés et montés logistiquement parlant, ils n’en demeurent pas moins choquants par leur caractère excessif et, surtout, fort peu cohérent avec ce que l’on connaissait de l’univers… Que dire encore du don d’ubiquité de Luke ?… Ou du saut dans l’espace de Leia qui, toujours grâce à la Force, parvient – littéralement – à voler sereinement d’un vaisseau à l’autre, sans tenue spéciale, ni casque ou autre forme de protection (un exploit d’ailleurs précédemment accompli par Christophe Lambert dans Fortress 2 même si, lui, n’avait pourtant la Force de son côté) ?

Quand l’intention surpasse l’exécution

Plus basiquement encore, la qualité des chorégraphies de certains combats laisse terriblement à désirer… A la manière du Retour du Jedi, tout comme Luke se retrouvait face à l’Empereur et Vador, Rey affronte le Grand Snoke, Kylo Ren et ses gardes avec son sabre laser dans la salle du trône. Force est malheureusement de constater que les mouvements sont lents, peu fluides, et les impacts pas toujours crédibles. Daisy Ridley et Adam Driver ont beau faire des efforts, cela se voit et ne permet vraiment pas aux spectateurs de vibrer dans l’action.

Plus épineux encore… Le jeu et les mouvements de Mark Hamill sont proches du crève-cœur. Certes, l’aura du personnage est bien là et les ambitions nourrissant chacune de ses apparitions sont clairement louables, épiques et parfois extrêmement émouvantes… Mais n’est décidément pas Harrison Ford ou Alec Guinness qui veut. En dépit de tous les efforts du monde et de la sincérité de toutes les personnes impliquées, lorsque Luke prend une position de combat en brandissant son sabre laser, seul face à l’armée de Kylo Ren, le comédien peine malheureusement à convaincre. Et l’intensité de l’instant n’en retombe que d’autant.

Vers les étoiles

Au final, ce sont Finn et Poe qui s’en sortent le mieux. Leurs arcs narratifs respectifs (et parfois conjoints) sont ceux qui restent le plus dans l’esprit-même de la saga d’origine ; alternant parfaitement entre juste ce qu’il faut d’humour et d’action. La réalisation, bien que moins fluide que celle de J.J. Abrams, est parfaitement adaptée et, comme il se doit, la qualité des effets visuels et spéciaux est irréprochable.

On alterne ainsi entre réelle exaltation aventureuse et déceptions de fond (la plus importante d’entre elles restant les « révélations » faites autour de Rey ainsi que son initiation à la Force, presque inexistante, en dépit de sa grande puissance) pour un spectacle qui, au-delà de ses faiblesses, ne déçoit pas totalement… malgré le goût un peu amer qui peut vous accompagner en sortant de la salle. Reste que la toute dernière image, aussi belle que symbolique, s’impose comme étant peut-être la plus forte de toute la franchise… tout en rappelant que, bien au-delà de toutes les critiques possibles et imaginables, il faut juste parfois se laisser porter et réapprendre à rêver.

Star Wars VIII– Les derniers Jedi : Bande Annonce

Crédit photos : Walt Disney Studios/Lucasfilm Ltd. – droits réservés