Shameless saison 11 : Une conclusion décevante

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2.5

Retour sur la dernière saison de Shameless qui révèle le destin de Frank et se termine sur une fin ouverte pour le reste de la famille Gallagher. Spoilers.

Après 11 saisons, c’est la fin pour la série Shameless qui aura vraiment eu ses hauts et ses bas. Si ce final marque la fin d’une ère, on ne peut pas nier que les dernières saisons furent en dents de scie. L’écriture n’était plus aussi aiguisée qu’au début, elle est devenue paresseuse sur certains points, oubliant ce qui avait rendu la série unique. Mais même après ce final frustrant, on ne peut pas s’empêcher de lâcher une larme parce que cette série reste un plaisir infime. On est attaché à ses personnages et il est difficile de les voir s’en aller, surtout sans être sûr qu’ils iront tous bien.

Après s’être réveillé de son overdose, le patriarche Gallagher s’est finalement retrouvé à l’hôpital, où il est mort du COVID. L’esprit de Frank a ensuite visité l’Alibi alors que la famille, accompagnée de Kev et Veronica, célébrait l’anniversaire de mariage d’Ian et Mickey. La fête a fait son chemin à l’extérieur, le gang chantant «The Way We Get By» de Spoon alors qu’une voiture de luxe s’enflamme. Frank commence alors à flotter au-dessus de la ville sur son tabouret, sa bière à la main, puis il révèle le contenu de sa lettre en voix off qui fait écho à la voix-off du pilote. Une lettre dans laquelle tout le monde – sauf Fiona – est mentionné. Ce final manque totalement de respect à celle qui fut la véritable matriarche de la série.

Alors que l’histoire de Frank se termine, l’avenir du reste des personnages est en suspens à la fin de la série : Lip envisageait une offre (beaucoup plus faible) sur la maison; Tami était peut-être enceinte; Ian a rassuré Mickey qu’il serait un bon père s’ils avaient des enfants; Carl a exprimé son intérêt d’acheter le bar de Kev et V qui s’en vont vivre dans le Kentucky et Heidi, la nouvelle petite amie de Debbie (et personnage inutile) a invité Debs et Frannie à venir avec elle au Texas.

Adieu Frank Gallagher

Ce final voit ainsi la mort inévitable de Frank. Durant toute la saison, les signes étaient là. Tout d’abord, la révélation de démence puis le fait qu’il se soit tatoué sur le torse « Do Not Ressucitate ». Frank est le seul personnage qui a une fin définitive, après avoir vécu mille vies, avoir vaincu la maladie, s’être fait tabasser des dizaines de fois ou encore avoir fait plusieurs overdoses, c’est COVID qui l’a tué. L’idée de mettre un terme à la série avec sa mort n’est pas mauvaise, mais l’exécution est mauvaise parce que ça le met encore plus au centre de l’histoire et Frank ne devrait pas être le focus, ses enfants devraient l’être.

William H. Macy fut exceptionnel durant ces 11 saisons et qu’on aime Frank ou non, il a réussit à faire de ce personnage un être incroyablement complexe, montrant sa vulnérabilité à la fin. On ne peut pas s’empêcher de verser sa larme, mais on ne peut pas non plus ignorer le fait que les scénaristes ont baissé les bras. Frank a été un père absent la majorité de leur vie, et si de temps en temps il semblait intéressé par sa progéniture, c’est parce qu’il profitait d’une situation.

Frank qui meurt seul, c’est triste mais c’est la partie la plus réussie sur le plan thématique de ce final. Cependant, cela ne signifie rien étant donné à quel point Frank a été un boulet dans la série, et donc peu importe si c’était une fin appropriée pour Frank. Une fin appropriée pour Frank ne signifie pas nécessairement une conclusion satisfaisante pour Shameless dans son ensemble.

Ian et Mickey – Jusqu’à ce que la mort les sépare

Le final montre qu’Ian et Mickey sont finalement à un stade de leur vie où ils peuvent envisager un avenir stable. Ce sont les rares qui s’approchent d’une fin satisfaisante. Au plus profond d’eux-mêmes, ils resteront toujours ces enfants sauvages du South Side, mais ils ont aussi su grandir et devenir adultes plus ou moins responsables.

Ian veut des enfants mais Mickey n’est pas sûr d’être un bon père parce que son propre père a été atroce avec lui. Le public fidèle se rappelle que techniquement, Mickey a déjà un enfant, une chose que les scénaristes semblent avoir oublié. Certains diront qu’on n’a jamais su si Yevgeny était vraiment l’enfant de Mickey parce que Terry couchait avec Svetlana et que n’importe lequel de ses clients aurait pu être le père, mais pendant un temps, Mickey et Ian faisait partie de la vie cet enfant, ils l’ont aimé. La porte est tout de même ouverte pour qu’ils fondent une famille, ils ont droit à leur fin heureuse et c’est une bonne chose après tout ce qu’ils ont traversé.

Ian et Mickey, alias Gallavich, fut clairement l’histoire d’amour la plus épique de la série. Ce fut également l’une des histoires LGBT les plus originales et l’une des plus complexes jamais vue à la télévision. Le parcours et l’évolution de ce couple restera à jamais marquée par l’engagement de ses acteurs Cameron Monaghan et Noel Fisher qui ont donné vit à ces personnages. Certes, cette histoire d’amour fut toxique par moment parce qu’elle prend racine dans une certaine violence, mais au fil des années, Ian et Mickey ont appris à s’aimer avec leurs qualités et leurs défauts. Il y a quelque chose d’inconditionnelle chez eux et c’est pour ça qu’on accroche.

Carl, simple flic mais ACAB

Carl est probablement celui qui a eu l’évolution la plus spectaculaire entre la saison 1 et la saison 11. Celui qu’on imaginait finir en tueur en série est devenu un être plein de compassion pour les plus démunis. Il contemple aussi l’idée de reprendre le barn ce qui pourrait être bien pour lui. Mais cette histoire de police ne fut pas la meilleure de la série. Si on comprend que Carl souhaite faire le bien, il est très irresponsable de la part de la série d’avoir créée ce personnage abject de femme flic Noire.

L’ancienne partenaire de Carl était une femme Noire abominable qui abusait de sa position. On comprend que leur but était de faire une histoire ACAB, mais dans le climat actuel avec la violence policière contre les Noirs, on ne peut pas avoir une femme Noire qui se dit être « bleue » avec d’être « Noire » ou la voir humilier une femme transgenre Noire. Le seul but de cette storyline inutile était de montrer la gentillesse et la bienveillance de Carl, mais il y a d’autres moyens de le faire sans faire passer cette femme pour la pire des ordures.

Des ratés

Liam et V sont les rares exceptions, mais c’est parce qu’ils font partie des personnages principaux et qu’il faut de « bons exemples ». On ne dit pas que tous les personnages noirs doivent être parfaits ou un exemple de vertu, mais il faut de la nuance et ne pas oublier que la télévision met beaucoup d’idées reçues dans la tête des gens et que quand les clichés se perpétuent, il est difficile de les brisés. La série doit donner du relief et par moment elle reste trop en surface ou lance des histoires sans aller au bout.

Le South Side est un quartier de Chicago dont la population est majoritairement noire (la série The Chi de Lena Waithe l’illustre très bien) et Shameless a tendance à l’oublier dans la représentation de ce lieu. La saison effleure un peu le sujet avec V qui se lance en politique, mais il est évident que la série ne représente pas toujours la réalité alors que le showrunner John Wells se targue de réalisme. Evidemment, la série est centrée sur une famille blanche, mais en temps qu’objet de télévision, si Shameless est « sans gènes », la série se doit de ne pas oublier sa responsabilité d’authenticité et traiter ses personnages de couleur avec plus de respect.

Lip mérite mieux

Lip a démarré la série en étant le personnage le plus intelligent de la bande, c’était un génie. Celui qui était censé réussir le mieux, faire des études et décrocher un boulot de rêve dans la tech. Mais les circonstances de la vie (et son alcoolisme) ont fait qu’il n’a malheureusement pas évolué comme il aurait dû. C’est compréhensible, la vie n’est pas facile et Lip s’est retrouvé ave la responsabilité d’une famille.

Mais Lip mérite bien mieux que ce que la série lui offre à la fin. Il passe la moitié du dernier épisode sur une moto à livrer à manger à des enflures sans considération et à contempler une vie qu’il aurait pu avoir. Il a aussi passé la saison à rénover sa maison, à voler des motos et faire des combines.

Le fait que Lip n’est pas réussi comme il aurait dû fait partie de la thèse de la série selon laquelle les Gallagher sont condamnés à commettre les erreurs de leurs parents, et depuis lors, Lip travaille quotidiennement à ce que cela n’arrive pas. Il s’efforce à offrir une vie meilleure à sa famille et ne pas répéter les erreurs de Frank, mais la série le laisse dans ses problèmes et ne le sort pas du South Side. Evidemment, il ne va pas miraculeusement sortir de là mais on aurait aimé voir une lumière plus brillante pour lui, comme ce fut le cas avec Ian. Un autre espoir vit quand même à travers Liam qui a les capacités de réussir. C’est un gamin brillant avec un coeur en or.

Debbie, une cause perdue

Que dire de Debbie et sa nouvelle copine criminelle ? Pas grand-chose, si ce n’est que l’introduction de ce personnage inutile dans les deux derniers épisodes n’a fait que faire perdre un temps fou, elle n’apporte rien du tout. On en a clairement rien à faire d’Heidi, elle a bouffé un temps d’écran monstre qui aurait pu servir à faire revenir Sandy ou donné un intérêt amoureux plus décent à Debbie.

Avec Debbie, c’est une histoire d’amour/haine compliquée. Quand on pense qu’il y a de l’espoir pour elle, elle gâche tout, elle retombe dans ses travers et prouve qu’elle est comme sa mère Monica, alors qu’elle voulait tout faire l’éviter. Elle passe son temps à se plaindre de ne pas pouvoir construire une relation stable, à blâmer les autres pour ses erreurs sans prendre ses responsabilités. Elle met ses échecs amoureux sur le dos de Frank et Monica sans prendre en compte que ses frères Ian et Lip ont réussi à construire des relations stables. Debbie n’a pas appris de ses erreurs, c’est presque une cause perdue. A la fin, on se dit qu’elle mérite cette Heidi sortie de nulle part…enfin sortie de prison.

Une série qui reste marquante

Shameless, c’était l’histoire d’une famille pauvre qui font ce qu’ils peuvent parce qu’ils n’ont pas le choix. Ils mentent, ils trichent, ils volent, etc. Nous sommes conditionnés à voir ces actions soit comme des transgressions justifiables d’un système injuste ou, dans les cas où des lignes sont franchies, des vulnérabilités causées par leurs vies troublées. Cela les force à l’introspection et les porte sur un chemin pour éventuellement devenir une meilleure version d’eux-mêmes.

Pour beaucoup de téléspectateurs, Shameless était un refuge une série qui les a aidé dans des moments difficiles, qui a prouvé qu’avec de la persévérance, on pouvait s’en sortir. C’est une série qui montre aussi que dans la vie, il y a bien pire que soit et qu’il faut apprécier les siens. Les Gallagher restent une unité, même si chacun commence enfin à prendre son indépendance. Ils savent qu’ils peuvent toujours compter les uns sur les autres.

Il n’est pas facile de mettre un terme à une série au bout de 11 ans, c’est une tâche titanesque mais les scénaristes ont l’air désintéressés. On comprend que la vie continue pour ces personnages une fois que la caméra s’est éteinte, mais un minimum de finalité aurait été la bienvenue.

Malgré des déceptions, Shameless restera une série culte avec des personnages uniques en leur genre qui n’ont jamais eu froid aux yeux. Ils ont apporté beaucoup de bonheur et de réconfort aux fans durant des années. Les Gallagher nous manqueront.

Crédit ©Showtime

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