Cette semaine sort Lou ! Journal infime, l’adaptation de la bande dessinée éponyme. Simple adaptation ? Film pour fille ? La réponse est bien au-delà des attentes.

En ces temps où le 7ème art se trouve une nouvelle jeunesse en lorgnant du côté des bandes dessinées, notamment avec DC et Marvel qui sortent des films à tour de bras à ne plus savoir qu’en faire, il y a un petit pays qui fait encore figure de référence dans ces deux domaines. En effet, la France, malgré tout ce qu’on pourra argumenter sur la qualité de certaines productions culturelles, reste un acteur majeur de l’industrie du cinéma et sa culture de la bande dessinée n’est plus à expliquer. C’est donc courageusement que Julien Neel, dessinateur de Lou !, décide de prendre les choses en mains et d’adapter lui-même son oeuvre au grand écran. Pari risqué mais quand on voit le résultat, le jeu en valait clairement la chandelle.

Cher journal

Lou journal infime illus2Lou, c’est une petite fille comme les autres. Elle a une meilleure amie qui ne lui ressemble pas du tout, un amoureux qu’elle prend en photo au moins trois fois par jours à son insu et une mère désordonnée et un peu gamine. Mais comme toutes les personnes normales, il lui arrive des situations du quotidien plus ou moins graves, plus ou moins touchantes, plus ou moins importantes. Lou n’en a que faire. Elle flotte à travers tout ça avec l’aisance d’une fille de son âge, affrontant comme elle peut ses démons, ceux de sa mère et de ses amis. Pas facile de devenir adulte quand personne ne l’est autour de soi.

Des planches à la pellicule

Pour un cinéphile averti, la démarche de Julien Neel, dessinateur et scénariste de bande dessinée, passer derrière la caméra pour adapter son propre travail, peut sembler extrêmement dangereuse. Le manque d’expérience, les différences de codes entre les deux médiums… Il n’y a rien de plus compliqué que d’adapter une oeuvre dans un nouveau format (il suffit de voir les jeux vidéo adaptés de films et inversement).

Et le début du film pourrait donner raison aux sceptiques. Dialogues maladroit, jeu des acteurs légèrement en décalage… Le démarrage est compliqué. De plus, l’univers loufoque installé, entre réalité et monde imaginaire, a de quoi déstabiliser. Et c’est là que le réel génie de Lou ! Journal infime réside.

Lou journal infime illus1

Miroir miroir

Lou ! Journal infime n’a pas la prétention d’être un grand film à morale racontant une histoire hors du commun. Il fait encore mieux : il raconte le quotidien dans son ensemble, en bien comme en mal, en le sublimant par sa mise en scène. Rien n’est grave, tout a une solution. Pas assez d’argent pour payer le diner ? On fait la vaisselle au restaurant, comme dans l’imaginaire collectif. Un nouveau voisin arrive ? Profitons-en pour le présenter à Maman. Peut être qu’elle sera plus heureuse comme ça. Et à côté de cette vie légère et sans gravité, il y a la famille, les amis. Grand-mère qui est une insipide harpie que Maman n’affronte pas, Mina n’arrête pas de me reprocher mon manque d’intérêt pour ses problèmes, mon premier baiser avec Tristan était fade… Le Cerveau utilise volontairement la première personne du singulier ici car c’est ainsi que se sent le spectateur au fur et à mesure.

Génération Y

Lou journal infime illus3Lou ! Journal infime n’est pas un film pour petites filles : il est le représentant d’une génération entière qui n’arrive pas à trouver sa place. Le cinéma français parle souvent des milieux en difficulté, des personnes faisant partie de catégories particulières mais très rarement des problématiques liées à l’enfance d’un point de vue relationnel. Et même si Lou évolue dans une famille monoparentale, cela semble être le dernier des soucis, voire même la normalité. Lou ! Journal infime arrive à mettre au second plan la satire sociale facile pour en faire un décor soutenant des questions plus profondes qu’à l’accoutumée : qu’est ce que l’amitié ? Que signifie le terme famille ? Comment devient-on adulte et surtout le devient-on réellement un jour ?

Lou ! Journal infime est une sublimation de la vie de tous les jours, un film entier qui accepte ses points faibles et les inscrit dans un tout cohérent et poignant. Il réussit à ne pas tomber dans les écueils habituels des adaptations en créant son propre univers, sa propre mythologie du quotidien. Il s’adresse directement à tout le monde et à l’instar de certaines autres productions d’excellente facture (comme Garden State par exemple), tout le monde y verra quelque chose de différent tant le nombre de thématiques abordées est important. Le Cerveau recommande d’y aller seul, en couple, entre amis, en famille, aucune combinaison ne sera lésée.

Lou ! Journal infime : bande annonce

Crédits : ©Studio Canal