24 Heures Chrono : Patriotisme, action, morale et transcendance de codes : l’ultime dossier. Retour sur une série culte qui revient sur les écrans le 6 mai prochain
24 Heures Chrono est un culte de la télévision, une empreinte forte et marquée des années 2000 qui revient cette année sur les écrans. Une résurrection d’un personnage qui fait partie désormais des annales de la Télévision, qui ravit autant les fans que les simples spectateurs qui ont suivi ses aventures : Jack Bauer, avec 24 heures chrono saison 9 : Live another day, le 6 mai sur Canal +.
24 Heures Chrono, ou 24, est une série qui surfe sur les événements du 11 septembre qui a fait son apparition sur les écrans de la Fox en novembre 2001, 3 mois après le drame des Deux Tours. Bien que son concept, imaginé par Joel Surnow et Robert Cochran fut loin d’être inspiré par le terrorisme, basé sur une idée de suivre un personnage en temps-réel pendant 24 heures, 24 Heures chrono est une série d’action et d’état comme il en existe peu.
Un concept novateur
Réalisée et présentée en « presque » temps réel, 24 Heures Chrono met en scène Jack Bauer (Kiefer Sutherland), un agent de la CAT (CTU), Cellule Anti-Terroriste, une organisation gouvernementale fictive chargée d’enquêter et déjouer les attaques terroristes sur le sol américain, à Los Angeles essentiellement, New York ou Washington (et une fois à Sengala en Afrique, pays bien évidement fictif, anagramme étrange du Sénégal…#brainstorm).
Chaque saison est en fait une journée dans la vie de cet agent pas comme les autres, un super héros des temps modernes, qui presque à lui seul, va tenter de démanteler une attaque imminente contre le peuple américain, qu’elle soit nucléaire, biologique, gouvernementale etc…
Une plongée dans l’enfer de Jack Bauer qui a séduit plusieurs millions de téléspectateurs de par le monde entre 2001 et 2010, a remporté de nombreux prix, dont l’Emmy Award de la meilleure série en 2006, engendré un téléfilm, Redemption de Cassar diffusé toujours sur la Fox en 2008, jeu-vidéos, des romans, guides et autres ouvrages d’analyses politiques et philosophiques ainsi que des produits dérivés à foison.
Retour sur une série culte qui a révolutionné le paysage audiovisuel en son temps avant de retrouver la suite le 6 mai prochain.
La technique 24
24 Heures Chrono comme dit plus tôt est une série en temps réel. Enfin presque. Son format est celui d’une série classique, à savoir 24 épisodes de 45 minutes en moyenne, par saison. Si l’on inclut les nombreuses coupures pubs américaines, on comptait effectivement une heure lors de sa diffusion sur la Fox. Mais si l’on « consomme » une saison dans son intégralité, on ne comptabilise que 18 heures, soit en moyenne 1080 min (le Cerveau entend les puristes au loin s’écrier à l’arnaque « remboursez ! »)
Chaque saison commence à une heure précise et s’ouvre sur une horloge qui est LA marque de fabrique de la série. Une décompte en analogique des secondes qui passent, clôturant aussi l’épisode, histoire de bien rappeler l’heure qui s’est écoulée.
Une heure autour de Jack Bauer, son personnage principal, mais aussi autour d’une nébuleuse de personnages et d’intrigues en rapport de près ou de loin au scénario principal. Si la série veut, avec son concept, générer une immersion et offrir un semblant d’immédiateté au spectateur, ce n’est pas vraiment le cas puisque chaque épisode est monté, valorisant certaines sous intrigues en défaveurs d’autres. 24 Heures Chrono montre en main…en fait pas vraiment.
Le split screen
Qui dit temps réel dit simultanéité des évènements. Pour palier à la complication et l’omission de plusieurs pans et intrigues de son histoire que le spectateur ne voit pas ou ne peut suivre pendant certaines scènes ou séquences, les créateurs de la série ont mis le concept du split-screen, ou multi-écrans, à exécution dans 24 Heures Chrono, pour en faire une autre marque de fabrique de la série.
A la fois ingénieux et inédit à la télévision (à part au générique d’Amicalement Votre), le split-screen permet ainsi au spectateur d’avoir un sentiment d’omniscience, notamment lors de scènes d’actions clés, ou d’échanges téléphoniques entre notre héros et les différentes organisations gouvernementales pour lesquelles il offre ses talents de génie anti-terroriste.
Une architecture de montage novatrice de la part de la production, qui permet non seulement de contrer un problème de concordance diégétique, mais instaure un climat d’implication du spectateur. La division des séquences choisies permet de connecter logiquement chaque séquence présentée, mais aussi de générer frustration chez le spectateur, élément primordial de l’ambiance 24. On a d’un côté le déroulement des plans terroristes, face à un Jack Bauer briefant la présidence sur l’avancée des opérations réussies ou ratées. Une omniscience frustrante portée par une musique angoissante et rythmée signée Sean Callery, histoire de bien exacerber cette frustration.
Une narration maîtrisée
Comme dit précédemment, 24 Heures Chrono c’est aussi une narration maîtrisée pour un suspense à son paroxysme. L’action se déroulant en 24 heures, l’écriture se doit d’être rythmée pour garder le spectateur devant son écran. Un rythme soutenu par la succession d’opérations rapides et surréelles, souvent résolues en un ou deux épisodes maximum. 24 c’est aussi, au moins au minimum, trois ou quatre subplots développés en parallèle de l’intrigue de la saison.
Des intrigues qui rejoignent souvent celle du personnage principal, avec plus ou moins de subtilités, avec des personnages secondaires qui permettent d’équilibrer la vitesse d’avancement des opérations dans le but de déjouer les terroristes. Des diversions calculées par les scénaristes, souvent tordues ou capillotractées (on pense à tout ce qui arrive à la pauvre fille de Jack, Kim), mais habilement équilibrées, histoire de tenir le spectateur sans écumer les scènes avec Jack.
24 Heures Chrono, c’est aussi une écriture qui joue beaucoup du cliffhanger, qu’il soit en fin d’épisode ou de saison. Les rebondissements et les suspenses sont exacerbés à leurs paroxysmes, renforcés par la tension qu’implique le presque-temps-réel. Impossible de tomber dans la banalité d’un feuilleton policier, ici, tout est basé sur la succession d’actions plus ou moins réalistes, à l’image d’un scénario de jeu-vidéo. Toute la particularité de 24.
Jack Bauer : une idéologie personnifiée
Jack Bauer c’est l’Amérique incarnée à lui seul. Le patriotisme personnifié comme on n’aurait pu l’imaginer. Un homme d’action, mais avant tout, un justicier patriote.
Des études en droit et en criminologie, une expérience dans diverses organismes gouvernementaux dont l’Armée Américaine, la Delta Force, le SWAT avant de rejoindre la CAT (CTU pour les puristes) de Los Angeles : voici la bio raccourcie du mythe Bauer.
God Bless Jack Bauer
Un agent avec un background légitime pour un héros, en somme, assez irréaliste. L’homme sait tout faire : d’analyser une opération à sa mise en exécution, avec toutes les variables à prendre en compte avant, pendant et après. Des aptitudes professionnelles qui sont devenues une seconde nature pour le monsieur. Il voit tout venir, maîtrise ses armes (oui pas qu’une seule), sait piloter des hélicoptères (oui messieurs, dames !) et mettre un hostile K.O à mains nues malgré sa petite taille, voire même, plusieurs en même temps : Bad-Ass.
Incarnation physique du bushisme de l’époque post 11 septembre, Jack Bauer est le dernier rempart contre toute menace face à laquelle le gouvernement américain, exécutif, législatif et judiciaire, ne peut rien faire. Un héros gangrené par son devoir, qui ne reculera devant rien pour sauver son pays et les pauvres innocents qui y résident.
L’anti-héros sauce barbecue
Comme tout héros qui se doit, notre bon vieux Jack est un anti-héros des temps modernes. Un homme abattu qui a perdu beaucoup en 8 saisons. Quand certains se contentent de crier : « USA! USA! USA! », Jack lui, incarne son devoir patriotique jusqu’au sacrifice. Un héros comme il se doit qui se hisse au dessus du commun des mortels américains par un engagement total envers sa patrie, peu importe le danger encouru par sa propre personne, ses proches…ou même sa vessie.
Un sens du devoir et de l’abnégation placé à une échelle plus que surréaliste qui ferait presque de Jack une figure christique : que ce soit son épouse, sa fille, son identité ou même son corps, Jack est prêt à tout quand il s’agit de finir son opération. Peu importe les répercussions ou même l’opinion qu’on peut avoir de lui. Personne n’a de valeur à part sa patrie. Pas même la morale. Et c’est ce qui a fait jaser les philosophes durant cette décennie consacrée au culte 24 heures Chrono. Où s’arrête le sacrifice ? Jusqu’où peut–on aller pour sauver le monde les Etats-Unis ? Doit-on accepter la pire des ignominies et mettre de côté l’éthique pour une cause qui dépasse l’individu ?
Dualité morale : Machiavel ou la nécessité du Mal
« Il a recours à des extrémités que la morale réprouve parce que la base de son action repose sur la maxime “la fin justifie les moyens”», décrit Pierre Sérisier, spécialiste en séries TV lors d’une interview. Jack Bauer et ses actes ont été un sujet de polémique largement discuté durant la diffusion de la série. Etudié dans les cursus universitaire de philosophie, l’usage de de la torture, sa légitimité pour le bien commun, a été l’un des fonds de commerce de 24 Heures Chrono.
Un usage de la torture quasi systématique au fil des saisons, parfois galvanisant, choquant, mais toujours excusable au vu de la configuration des événements et, surtout, efficace, puisque les réponses sont automatiques et assurées. Un instrument ordinaire, banalisé à l’écran, pour une solution pardonnable, comme un remède à une situation hors-normes.
Un fonds de commerce qui a été remis en avant lors de la découverte des tortures d’Abou Ghraib et Guantanamo en 2005, remettant en question le choix des scénaristes d’avoir un recours quasi systémique à ces méthodes extrêmes d’interrogatoire, comme une nécessité indiscutable : le recours au mal par le mal.
Il faudra attendre 7 ans avant de voir Jack Bauer clairement répondre de ses actes dans la série, jugé à son sens nécessaire face à une commission du Sénat Américain. Malgré ce choix de vouloir clarifier le débat et l’apologie de la torture que la série a généré, le discours de Jack Bauer reste en surface, et beaucoup trop lisse face au message qui a pu être véhiculé pendant 8 saisons, et la torture, toujours au goût malgré es apparences.
Une dimension politique et politisée
Si la série 24 a eu un ton faussement républicain avec sa thématique centrale, à savoir l’anti-terrorisme et l’apologie de la torture, quand on pense à 24 Heures Chrono, on pense aussi à une plongée dans les rouages infernaux de la politique américaine en pleine gestion de crises. Une série dans la veine d’A la Maison Blanche, en période dangereuse, palpitante, portée par une écriture et des twists politiques ingénieux. On pense par exemple au recours de l’éventualité d’Impeachment du président Palmer par son propre cabinet en saison 2 afin de coordonner une attaque au Moyen-Orient.
Au cœur de la Maison Blanche
Une série de l’intérieur, avec ses Présidents à l’honneur. Honorable et iconique, comme David Palmer (Dennis Haysbert), mais aussi détestable comme Charles Logan (Gregory Itzin, saison 5, 6 et 8). Entre Secrétaires d’Etats, signatures d’actes et autres traités internationaux, politiques de cabinet et consensus internes, 24 Heures Chrono s’est toujours voulue comme une série politique au-delà d’une série d’action. Une série politique bien plus démocrate qu’on pourrait le faire croire, avec la remise en question constante du pouvoir de l’exécutif américain, réputé comme immuable et intouchable, voire suprême chez les Républicains.
Les scénaristes n’hésitent pas à transcender les codes établis du pays, à savoir s’attaquer à la branche exécutive en osant mettre à la tête d’un complot terroriste son propre Président (aux fausses allures de George Bush) en saison 5. Une instance gouvernementale discutée et débattue, tentant de remettre en question les principes de la constitution US et le prix pour la défense de la démocratie à bon nombre de reprises, que ce soit vis-à-vis des décisions internes, les rapports entre les chefs d’administrations de cabinet, les complots intra-administrations, ou les rapports entre les dirigeants de diverses instances gouvernementales et internationales.
Remise en question de l’Oncle Sam
Au-delà de l’action, la série a quand même su intégrer des nuances dans le traitement de son sujet maître, en critiquant certaines politiques, décisions et déclaration de guerres, consensus géopolitiques, lobbyistes ou autres aspects de l’actualité internationale. La série s’est vite fait une tribune pour défendre des opinions et dénoncer certaines dérives post-11 septembre. Elle a bouleversé les codes en instaurant à la Présidence, pour la première fois à la Télévision, un afro-américain, et même une femme (aux allures ressemblantes d’Hillary Clinton).
24 Heures Chrono c’est aussi, même si les scénaristes ont profité de l’actualité pour surfer sur les peurs internationales vis-à-vis de certaines structures islamistes dès 2002, tenter de tenir un discours relativement intelligent sur les différents types de terrorismes et s’essayer à la dé-diabolisation assez subtile de l’islamisme. Surtout vers sa fin. Histoire d’éviter que la série soit un porte étendard à l’islamophobie, même si, sur 8 saisons, les terroristes islamistes tiennent une belle part de l’intrigue (saison 2, 4, 6, 7 et 8). On pense notamment au choix des scénaristes de faire Jack expier et pardonner ses fautes, se sachant condamné, en confession avec un Imam qui va aussi prier à son chevet pour l’absolution de ses pêchés, et non un prêtre chrétien, comme il aurait été coutume à la télévision américaine (saison 7).
CTU : le temple de la surveillance géonumérique
Quand on pense 24 Heures Chrono, on pense cartes numériques, surveillance de trafic, GPS, satellites et programmes informatiques. Une série qui donne une nouvelle dimension à la technologie et sa place dans les institutions de surveillance gouvernementales, tout comme la vie quotidienne. Une série géonumérique avant tout, offrant une vision assez large des évolutions technologiques considérables de ces 15 dernières années, depuis l’arrivée de l’internet ouvert à tous.
Une cellule capable de stocker un nombre incalculable de données accessibles en quelques secondes (malgré une époque où le stockage n’était pas à son paroxysme) à coup de super serveurs, avant même la surveillance de Facebook. 24 ou l’incroyable avancée des technologies proposées à l’écran qui ont nourrit bon nombre de paranoïaques du numérique, persuadés que Big Brother les surveille eux aussi, à travers leur webcam intégrée.
Révolution numérique avant l’Age d’or du numérique
A coup de téléphones portables, de Dell, d’HP, Cisco systems, Apple, Sprint et autres appareils géonumériques, 24 Heures Chrono est un temple dédié aux produits technologiques et numériques. Une série branchée qui a fait les beaux jours de beaucoup de marques américaines. Quand on pense Jack Bauer et CTU, on pense clavier, Chloé O’Brian et sonnerie Cisco System culte (qu’on a tous eu à un moment sur notre 3310… ne mentez pas le Cerveau le sait).
Que verra-t-on dans 24 Heures Chrono saison 9 : Live Another Aay à l’ère des tablettes smartphones réalité augmentée et autres révolution numériques ? Variety a déjà annoncé le retour d’une des marques emblématiques en placement de produits dans cette suite très attendue des aventures de Jack et Chloé, la geekette analyste trop swag avant même la mode du geek !
Movie Trailer | 24: LIVE ANOTHER DAY
Crédits photos : ©Fox Entertainement Network
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