Le Cerveau, à l’occasion des 30 ans de Twin Peaks, a décidé de revenir sur ce qui a pu créer l’engouement et le culte Twin Peaks, de sa première diffusion à son impact sur les spectateurs et la Télévision.
Elle est mythique et elle a marqué la télévision. Twin Peaks est une série hors normes, qui a fait un retour fracassant en 2017, 25 ans après sa diffusion.
En ces temps de remake et revivals à foison, revisites de cultes d’antan et autres réadaptations, et autres reboots, Twin peaks est un véritable trésor de la télévision. Un trésors marqué par des personnages qui ont laissé leur nom dans la pop-culture, ou des punchlines avec la question mythique : « Mais qui a tué Laura Palmer ? ».
Alors que la série fête aujourd’hui ses 30 ans, le Cerveau a envie de revenir sur Twin Peaks , et les raisons pour lesquelles elle est restée dans les mémoires, et qui font d’elle un culte inégalé encore aujourd’hui. Un culte intarissable, que tout sériephile se doit d’avoir au moins regardé une fois dans sa vie.
Si le co-créateur de la série, David Lynch n’aime pas le mot culte, le Cerveau, lui n’hésitera pas à dire que Twin Peaks est un véritable moment dans l’histoire de la Télévision. Un programme en série qui marque le début d’une nouvelle ère télévisuelle Outre-Atlantique, et même en France, dopé par un élan créatif très inspiré par l’œuvre de Mark Frost et David Lynch. Twin Peaks est une grande série. Period (comme dirait un certain porte-parole américain) !
Le culte Twin Peaks : The Origins
Mais pourquoi ? Pourquoi doit-on encenser une série comme Twin Peaks, notamment aujourd’hui, en ce temps que beaucoup surnomment « l’Age d’Or de la Télévision » (cela dit, cela fait 20 ans que la télévision se tape ce même âge d’or, le Cerveau dit ça mais dit rien) ? Un âge d’or marqué par une multiplicité sans pareille concernant les méthodes de diffusion de ces programmes, que ce soit sur les écrans classiques, ou ceux de l’internet, avec ses multiples plateformes de streaming et VOD.
Après la diffusion de la 3ème saison, de la célèbre et désormais mythique Twin Peaks, revenons sur sur ce qui a fait le succès et créé les émules autour de cette série si particulière. Armez-vous d’un bon café et d’une part de tarte à la cerise, et revenons sur les raisons d’un tel engouement pour une série dont la première diffusion date d’il y a plus de deux décennies.
Le Cerveau ne va pas mentir, il était beaucoup trop jeune pour comprendre le phénomène Twin Peaks lors de sa première diffusion en 1990. Mais les archives ont laissé des traces indéniables sur l’importance du phénomène Twin Peaks à son époque, notamment lors de sa première saison. David Lynch, et son comparse Mark Frost, cela va sans dire, ont marqué leur temps avec cette série hors-norme pour plusieurs raisons.
Grand Noms pour petit écran
La première étant le passage du grand au petit-écran d’un grand nom du cinéma. Beaucoup ont cru que le réalisateur signait avec Twin Peaks son arrêt de mort, faisait une erreur en n’ayant aucun scrupule à traverser la barrière entre le Cinéma et la Télévision.
Certains pensaient qu’il détruisait sa carrière, le petit-écran étant considéré par l’intelligentsia du 7ème art comme un sous-art, et le repère des rebuts du Cinéma. David Lynch a pris le risque de croire en sa série et d’aller jusqu’au bout, faisant fi de ce qui se dira. La télévision étant l’apanage de créateurs anonymes, beaucoup étaient sceptiques quant à la réussite de David Lynch, et son idée de reprendre un projet de film avorté et d’en faire une série.
Si aujourd’hui la frontière entre cinéma et télévision n’existe plus, les talents, qu’ils soient acteurs, réalisateurs ou scénaristes – même les plus célèbres n’hésitent plus quand il s‘agit de projet TV – à la fin des années 80, c’était dangereux. Et même si d’autres avant lui s’étaient risqués à quitter le cinéma pour la télévision, David Lynch reste celui qui a réussi un tour de force, que beaucoup croyaient impossible à son époque.
Saluée par la critique et succès à sa diffusion
Quelques mois avant la diffusion sur la chaîne ABC, la critique, fait rare, était unanime sur la qualité de la série.
Fascinée par cet hybride narratif et visuel, la critique conquise, n’avait pour autant pas participé à l’engouement pour la série, si ce n’est les spécialistes de la télévision, galvanisés par une œuvre qui sort de l’ordinaire, sans pour autant chercher à lancer le culte. En effet, cette dernière était plutôt sceptique face à l’intelligence et l’intérêt de spectateur pour une œuvre aussi particulière, complexe et hybride. Comme le souligne un article du Los Angeles Times en février 1990 intitulé «Est-ce que la télé est prête pour David Lynch?»,
Pourtant, à l’image des critiques américaines, qui ont eu le privilège de découvrir le pilote avant les autres, l’engouement pour Twin Peaks aura été massif auprès des spectateurs, puisqu’à sa diffusion elle fédère plus de 34,6 millions de gens devant leur écran. Des chiffres inatteignables aujourd’hui, où certaines chaînes du câble sont extatiques à l’idée de réunir 14 millions de personnes devant une série le jour de sa diffusion.
Mais de courte durée
La saison 1 courte, avec ses 7 épisodes suivant le pilote de deux heures, aura d’ailleurs toujours autant de succès que son premier rendez-vous sur les écrans, le bouche-à-oreille intrigant ceux qui n’auront pas été là pour le lancement de Twin Peaks. Et même si la saison 2 n’aura pas eu le succès attendu, au grand dam de David Lynch soumis aux restrictions de la chaîne ABC, diffuseur de la série, elle reste une série qui aura été à sa diffusion, un phénomène de société, où l’on parlait même de « PeaksMania ».
Un succès pour une série qui aux premiers abords pour les programmateurs TV à son époque, paraissait trop complexe, trop hybride, trop en avance sur son temps. Ce qui empêchera les scénaristes et réalisateurs de garder ce mélange qui aura été l’atout charme de la saison 1, de laisser planer le mystère entre ses intrigues de soap opéra, leurs bizarreries, teintées d’une belle dose de thriller. Ces derniers, étaient forcés à résoudre le mystère Laura Palmer plus-tôt que prévu, par peur que les spectateurs ne fuient l’écran las d’attendre des réponses. Une décision de la chaîne qui va d’ailleurs créer l’effet qu’il redoutaient, et sonner le glas d’une série qui pourtant avait tout pour durer.
C’est peut-être pour cet engouement ponctuel à son époque qu’elle restera un monument dans l’inconscient collectif, et deviendra une série culte.
L’Avant et l’Après Twin Peaks
Mais peut-être aussi parce que cette série sera par la suite prise comme référence dans et pour beaucoup d‘autres. L’une qui assumait pleinement ces influences est X-Files, héritière assumée et directe du style et du mystère Twin Peaks, tant pour son atmosphère oppressante, sa musique si particulière électronique, que son aspect paranormal, et son genre policier hors normes. Certains osent dire que Lost, et bien d’autres séries à l’intrigue décalée, originale et mystérieuse, n’auraient jamais vu le jour, si Twin Peaks n’avait pas été diffusée auparavant.
Elle est ainsi toujours dans l’inconscient collectif, que ce soit des critiques, scénaristes ou simples spectateurs, comme un influenceur fantôme qui a donné naissance à des œuvres à sa hauteur. On la voit par exemple récemment référencée ouvertement dans le générique de la séries des Wachovski : Sense8.
Twin Peaks devient une série qui marque un avant et un après. Notamment en France, où la série télévisée n’était pas aussi démocratisée qu’on ne le pense. Au-delà des soaps et dramas renommés des années 80, comme Dynastie ou Dallas, la série n’avait pas grande place sur le PAF, avant Twin Peaks, qui ouvrira le premier âge d’or des séries, avant certains « samedis fantastiques » ou « trilogie du samedi. »
Une réalisation digne du grand écran
Ce qui a fait la renommée et le « culte » Twin Peaks est bien évidemment sa réalisation léchée qui tranche avec le style classique télévisuel. Alors que la plupart des productions télévisuelless jouissent d’une réalisation codifiée pour le petit-écran, loin d’une « marque de fabrique » que l’on peut rattacher à un nom rien qu’à l’image, Twin Peaks transcende les us de la télé en proposant une esthétique personnelle et assez proche du cinéma d’auteur.
Une image qui détone avec la simplicité des codes visuels de la télévision qui va fédérer les spectateurs, découvrant autre chose sur leurs écrans. Elle va surtout attirer ceux qui boudent la télévision. En effet, les cinéphiles, qui voient dans le petit-écran une sorte de sous-culture loin d’être à la hauteur du cinéma, vont s’intéresser à Twin Peaks pour celui qui s’est fait connaître pour ses œuvres artistiques sur le grand-écran et son univers visuel si graphique. Twin Peaks devient alors une série précurseur à son époque, en proposant une esthétique cinématographique sur un petit-écran. Une œuvre qui propose une certaine alliance des codes de la technique demandée par le médium télévisuel et ceux du cinéma, grâce à son univers visuel.
Pourtant,Twin Peaks n’est pas la première série télévisée à jouer avec les codes du cinéma et y faire référence. Le Cerveau pense notamment à la série St Elsewhere, qui dans les années 80, avait déjà institué et inclus des codes du 7ème art dans la fabrique visuelle de ses épisodes. Là où Twin Peaks réussit, c’est dans la généralisation et la simplicité dans ses références visuelles, qui se font essentiellement sur celle du maître du suspense et du mystère au cinéma : Alfred Hitchcock. Hitchcock, qui, rappelons-le, avait lui aussi proposé des programmes télé avec sa série d’Anthologie : Alfred Hitchcock présente.
L’autre point qui fait de Twin Peaks une série de cachet réside dans l’écriture de ses personnages, à commencer par l’Agent Dale Cooper.
Personnages variés pour série multi-genres
Loin du héros classique de la télévision, ce dernier est un détective drôle, attachant, et ouvert au Paranormal (peu étonnant que certains y voient le père spirituel d’un certain Fox Mulder). Incarné par le célèbre et talentueux Kyle Maclachlan, Dale Cooper est à l’image du style de la série, qui jongle entre comédie, mystère, drame et enquête policière.
Twin Peaks n’est pas une série qui s’inscrit dans une seule case, que ce soit avec ses personnages ou son genre. Et cela sera l’élément fédérateur des spectateurs à son époque, chacun y trouvant son compte : de la midinette qui ne s’intéresse qu’aux relations de couples et aux soaps, à la ménagère ou les fans de cop-shows. Loin de Clair de Lune ou Columbo, par exemple, Twin Peaks est un hybride qui va engager n’importe quel spectateur, même si ce dernier affectionne un genre plutôt qu’un autre.
Une narration inédite, surprenante et maitrisée
Avec Twin Peaks, le spectateur va découvrir une toute nouvelle façon de raconter une histoire. En effet, Mark Frost est un véritable technicien de la narration, proposant des épisodes qui ne suivent aucun code classique de l’écriture pour la télévision.
Schéma graphique extrait du magazine newsweek de mai 1990 tentant de retracer l’intrigue de Twin Peaks
Entre flashbacks, séquences oniriques, dialogues incisifs et échanges de punchlines, personnages étranges, et séquences incomprises, Twin Peaks, comme on le disait plus tôt, propose une intrigue très riche, bourrée d’intertextualité, d’une complexité inédite en télévision. Elle perturbe le spectateur par sa chronologie inédite, et sa complexité captivante qui pousse ce dernier à s’immerger dans le programme. Une immersion garantie afin de comprendre toutes les ramifications des multiples sous-intrigues de la série, portées par plusieurs personnages, qui à un moment ou un autre, finiront par interagir entre eux.
Partage social
Devant son écran, ainsi chacun va y aller de sa théorie, et les prémices de rassemblements types de fans, comme on les connaît aujourd’hui commencent à naître avec des réunions pour regarder ensemble Twin Peaks. Même les acteurs de la série s’y mettent d’ailleurs. Des discussions se lancent pour comprendre par exemple l’implication et l’intérêt du nain dans l’histoire de Twin Peaks, ou juste se remémorer la véritable chronologie de l’histoire.
Plus qu’un divertissement et une série qui pousse son spectateur à la réflexion, Twin Peaks devient un phénomène d’échange social similaire à ce qui s’est depuis démocratisé aujourd’hui, à savoir les forums de fans sur internet, où l’on analyse et décode la série, les rencontres entre spectateurs bien au-delà de la machine à café, comme l’explique cet article du New York Times du 7 mai 1990. Les prémices de ce qui entoure certains phénomènes séries d’aujourd’hui voient ainsi le jour, et ce bien avant internet, grâce à une intrigue bien loin de l’ordinaire des programmes télévisés de l’époque, impactant ainsi le paysage culturel d’une société loin de la nôtre, où parler « séries » est devenu banalité.
Une – petite – révolution
Si les critiques et les journalistes ne cessent de parler de Twin Peaks comme d’une grande révolution, le Cerveau lui restera honnête quant au réel impact de Twin Peaks.
On ne peut oublier que techniquement elle aura été un échec puisqu’elle n’aura bénéficié que de 2 saisons, et d’un téléfilm, qui n’aura pas du tout le succès attendu de la part de ses producteurs. Elle aura aussi été une série que beaucoup ont oubliée, et que certains ont du mal à revoir, notamment car elle est datée, produit d’une époque bien loin de la nôtre, ce qui pourrait rebuter beaucoup de spectateurs, notamment les plus jeunes, ou les millenials, qui n’ont pas pu ni eu la chance de connaître ces époques sans internet ou smartphones.
Pourtant, elle reste néanmoins une œuvre particulièrement jouissive à regarder pour un véritable classique de la Télévision désormais, que le Cerveau encourage fortement à voir, ou à revoir, avec, ou sans saison 3.
Crédit photos : ©Droits Réservés
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