Faire un film à partir d’un film purement et simplement mauvais, c’est le pari un peu fou des frères Franco. Il s’est avéré gagnant en nous offrant un film touchant, drôle et extrêmement bien fait, qui aura su convaincre le Cerveau.

Parfois les biopics s’attardent un peu trop sur les personnes exceptionnelles. Il est intéressant de se concentrer sur de grandes personnes, même s’ils sont parfois loin d’être tout blancs et ont une personnalité complexe. Mais certains des biopics les plus intéressants sont ceux qui se concentrent sur des personnes qui n’ont pas rencontré le succès, ou alors l’ont rencontré malgré eux. C’est le cas avec Ed Wood de Tim Burton par exemple, ou avec The Disaster Artist, le film qui nous intéresse ici.

Réalisé par James Franco, The Disaster Artist s’attache à retracer la naissance et le tournage du film The Room. Absolument culte outre-Atlantique, rendu notamment populaire par une vidéo du Nostalgia Critique, il est considéré comme le plus génial des mauvais films. Derrière ce chef-d’œuvre de la nullité, un homme : Tommy Wiseau. Producteur, réalisateur, scénariste et acteur – rien que ça – c’est lui le « Disaster Artist ». Depuis sa rencontre avec son ami Greg Sestero – aussi dans The Room et auteur du livre dont est adapté le film de Franco – jusqu’à la première projection du film, le biopic s’intéresse à la vie de cet homme qui à partir d’un échec est devenu une star.

Tommy Wiseau, héros malgré lui

The Room n’est pas aussi culte en France que ce qu’il peut l’être aux Etats-Unis – il a malgré tout un public de niche totalement en adoration devant ce monument du nanar. On se rend pourtant compte dès le début du film à quel point ce film a pu marquer Hollywood. C’est avec des témoignages de personnes comme Kristen Bell, Adam Scott, Kevin Smith ou encore J.J. Abrams que le film commence. Si l’on ne connait pas le film au cœur de The Disaster Artist, on comprend ce qu’il représente là-bas. C’est une très bonne façon d’introduire la chose, de faire comprendre et de teaser à quel point The Room et Tommy Wiseau sont absolument cultes et dingues pour ces gens-là. Et s’il l’est pour eux, pourquoi ne le serait-il pas pour nous ?

Attention cependant à ne pas croire que le film ne se concentre que sur le tournage du film. Ceci ne représente en réalité qu’un bon tiers du film. Auparavant on prend le temps de nous présenter Tommy et Greg, le début de leur histoire et le processus qui les a amené à faire The Room. La scène introductive de Wiseau est d’ailleurs parfaitement bien mise en scène : de dos, au fond d’une salle d’un court de théâtre, on le voit arriver pour jouer une scène. D’un pas lent, il se met en place et on ne verra son visage que quand il commencera à jouer.

C’est typique de l’arrivée d’un personnage excellent, exceptionnel ou qui va réaliser quelque chose de grand et important. Une entrée de héros. Mais en réalité, c’est d’une façon absolument pitoyable, catastrophique, sur-jouée et gênante qu’il va faire sa scène. Ainsi c’est clair, on nous montre une personne qui se veut talentueuse, mais qui ne l’est absolument pas. Et dans cette gêne il va s’avérer absolument touchant.

La honte du rire

C’est là la grande force de The Disaster Artist. Arriver à nous faire rire, mais en même temps nous faire avoir presque honte de cela. On rit des rêves brisés d’un homme, des espoirs inachevés d’une personne qui ne cherche qu’à faire de son mieux pour réussir. Il veut bien faire et rire de son film pour lequel il a tout donné, c’est rire de lui. La fin du film est absolument géniale pour cela. Il s’agit de la première de The Room et toute la salle pleure de rire, même le casting, tant le film est raté. Tout le monde sauf Tommy, qui lui pleure face à la réception et les moqueries que son film reçoit. Forcément, nous rions aussi, mais devant la réaction très humaine et infiniment touchante de Wiseau, nous ne pouvons qu’être gênés de rire. Le film gère ainsi d’une très bonne manière les émotions, réussissant à tout nous faire passer, parfois en même temps.

Car bien au-delà de l’aspect touchant de ce film, particulièrement la relation entre Greg et Tommy, qui bien que romancée par côtés, reste très bien gérée, The Disaster Artist est drôle. D’un côté, faire un film sur une personnalité comme celle de Tommy Wiseau et du film The Room et ne pas faire rire ne serait-ce qu’à un moment, ce serait un terrible échec. Ainsi, impossible de pas apprécier les réflexions que peut faire Tommy ou son équipe technique – les unes étant totalement absurdes, les autres critiques envers les décisions prises – pendant le tournage. Elles forment un parallèle génial avec les remarques et critiques souvent faites au film par le public, et les voir mises à l’écran est forcément très drôle.

James Wiseau/Tommy Franco

Il a souvent été reproché à James Franco de ne faire qu’imiter Tommy Wiseau dans The Disaster Artist. Mais bien qu’on puisse évidemment y voir une part d’imitation – il s’agit d’un biopic, forcément on va se rapprocher le plus possible de la personne que l’on interprète – son interprétation est excellente. Il parvient à reprendre à lui mimique et habitude de son rôle, pour le devenir. Il y insère nuances et émotions de façon remarquable. Il n’imite pas Tommy, c’est bien au-delà de ça. Il est Tommy Wiseau. Forcément, pendant les scènes qui reprennent exactement la mise en scène de The Room, on peut associer cela à de l’imitation, mais c’est impossible de faire autrement. Il s’agit de reproduire les scènes. Et pour ceci, il n’y a guère plus qu’une seule façon de faire.

Son frère Dave est lui aussi très bon, et les voir ensemble donne une vraie authenticité à leur relation. Dans une comédie romantique, on parle d’alchimie entre les acteurs, ici on pourrait presque reprendre le terme. Le fait qu’ils soient frères aide évidemment, mais ceci ressort de tout le casting. Par exemple, la petite amie de Greg est jouée par Alison Brie, véritable épouse de Dave Franco. Ici encore, la relation à l’écran est forcément bonne.

The Disasters Artist est donc un très beau film, au scénario impeccable. La part de romanisation est évidemment présente comme dans tout biopic, mais les émotions qui s’en dégagent sont sincères. Il s’agit d’un vrai bel hommage à The Room, et faire un aussi bon film à partir d’un aussi mauvais marque la réussite aussi bien de James Franco que de Tommy Wiseau.

The Disaster Artist – Bande annonce

 

Crédit : ©Warner Bros