À quelques jours de la sortie de Skyfall, le 23e James Bond, le Cerveau rassemble les points de vues de la presse française pour le cinquantième anniversaire de l’agent au double zéro.
La presse est quasiment unanime, Skyfall serait le meilleur James Bond ! Un exploit qu’on doit au travail de Sam Mendes (Les Sentiers de la Perdition, American Beauty) et à la photographie de Rober Deakins (No Country For Old Men). La critique française a déjà eu le privilège de voir le film en avant première ou projections spéciales. L’heure est à la revue de presse pour un avis quasi complétement positif. Un seul média pour le moment n’est pas encore convaincu par le retour de l’espion au Tuxedo et l’Aston Martin le plus charismatique du cinéma. On débriefe
Les Ravis
L’Express (Studio-Ciné Live) (4,5/5) : Skyfall est un trait d’union remarquable entre modernité et respect de la tradition « bondienne », avec ce qu’il faut de clins d’oeil aux grands classiques de la saga, de présentation de nouveaux visages (Ben Whishaw en Q., Ralph Fiennes en Mallory, tous les deux au poil) et de découverte des origines de Bond. Avec Javier Bardem en grand méchant fou de Skyfall, le combat frappe au coeur de nos civilisations occidentales. Londres est mise à feu et à sang. La parade de Sam Mendes? Prendre le meilleur de deux écoles qu’on a trop tendance à vouloir opposer: l’ancienne et la nouvelle (soit, en filigrane, la réinvention de Bond depuis Casino Royale). Et dans Skyfall, tout va assurément pour le mieux, dans le meilleur des Bond.
Excessifs (4/5) : « le film, sublimé par la photo de Roger Deakins (chef-op habituel des frères Coen), prend une dimension encore plus opératique, presque théâtrale, avec l’apparition du bad-guy, Javier Bardem, blond pervers machiavélique et charismatique qui se révèle probablement le meilleur méchant hollywoodien depuis Heath Ledger dans « The Dark Knight ». D’ailleurs, plus le film avance, plus il chasse sur les terres introspectives de Christopher Nolan jusque dans le dernier tiers, épique et sombre, multipliant les morceaux de bravoure, recélant une épaisseur humaine. Dans les limbes de son passé, James Bond s’en trouve forcément désarmé, moins dans l’élégance cool, moins dans l’épate et les panoplies de gadgets, que dans la quête identitaire d’un homme confronté à la mort. Tout ça pour dire qu’il y a plusieurs films dans « Skyfall » (intimiste, spectaculaire, angoissant) et qu’ils sont tous séduisants. »
Le Figaro : « Skyfall , le nouveau Bond se recentre sur l’essentiel: c’est-à-dire sur ce qui fait qu’un film de James Bond est inimitable. Comme la recette de la vodka Martini «au shaker et non à la cuillère», la recette du cocktail 007 se doit d’être respectée à la lettre sinon la fragrance se perd, le parfum bondien s’évapore. Il faut des poursuites en voitures innovantes, des cascades échevelées, des Bond girls aguichantes, des complots internationaux crédibles, des lieux exotiques, de l’humour British, quelques séquences au casino, et bien sûr un méchant convaincant. »
Ecran Large (4/5) « Mais Skyfall c’est aussi et surtout comme un prolongement de Au service secret de sa majesté où George Lazenby jouait un Bond jamais aussi humain et parfois dépassé pour ne pas dire systématiquement en retard sur les événements jusqu’au meurtre de sa femme dans un final qui reste encore dans toutes les mémoires. Mendes, de par sa mise en scène racée et avare en mouvements de caméra superflus, donne à cette histoire assez éloignée des canons usuels de la récente saga, une tonalité d’une grande justesse raccrochant le mythe à une sorte de réalité surprenante. Bond en devient faillible (pas humain non), pathétique même. On touche du doigt une « vérité » que trop peu avant ont daigné développer de peur certainement de se brûler les ailes auprès des fans. Loin du « Jason Bourne like » du précédent, ce James Bond répond aux codes d’un ancien temps qu’il faut sans cesse raviver (mais pas forcément à l’identique) pour donner un sens à son boulot, à sa vie et pourquoi pas à son pays. Mendes semble prendre plaisir à concasser (pas trop tout de même) le mythe pris dans les mailles d’une réalité virtuelle qu’il a du mal à véritablement en comprendre les enjeux. L’homme est perdu. L’espion n’est plus, vive l’espion en quelque sorte. »
Première Un drame shakespearien qui revient à l’essentiel Je ne suis pas un grand fan de James Bond. Je ne m’attendais donc pas à ce que le ciel me tombe sur la tête en allant voir Skyfall. Dès le prologue, suivi d’un générique sublime (la chanson d’Adele est l’une des plus réussies de la saga), Sam Mendes enfonce le clou fixé par Casino Royale : la franchise, ouvertement postmoderne (les autocitations se ramassent à la pelle ; on fait du neuf avec du vieux et du vieux avec du neuf), plonge profondément dans la psyché de Bond, orphelin triste que les services secrets britanniques ont érigé en sauveur de la nation, sans le ménager pour autant. 007 a grandi sous l’autorité de « parents » exigeants dont M (pour Mum…) n’est pas la moins autoritaire. Skyfall, qui confronte deux galopins rebelles (l’un a coupé le cordon ombilical pour sombrer dans le terrorisme), est un drame shakespearien entrecoupé de scènes d’action graphiques surexcitantes. Exit les James Bond Girls – peu présentes – et les gadgets, place à l’essentiel. Et c’est tant mieux.
Clone Web « On en prend plein les yeux mais ce n’est pas tout puisque le film oscille entre grosses scènes d’actions et scènes plus intimistes. A l’instar d’anciens volets, Skyfall démarre comme un Bond ultra classique : une scène d’ouverture, un retour à Londres et une nouvelle mission liée à la première dans un pays exotique. Tous les éléments classiques qui ont fait le succès de la saga sont de retour. Du déja-vu ? Oui pour le premier acte : une histoire sous forme de fil d’Ariane, quelques scènes d’action, une très jolie fille, un bateau, un méchant sur une île. On pourrait (presque) remplacer Daniel Craig par Roger Moore,on ne verrait pas la différence. Mais Mendes et ses scénaristes choisissent de ne pas s’arrêter au happy end habituel et -à l’instar de Casino Royale et son passage à Venise- commence un deuxième acte incroyable, au coeur de Londres, qui ne sera pas sans rappeler… Blake et Mortimer. Influence sans doute inconsciente qui ne reprend que les grandes lignes de l’espionnage britannique. »
Filmosphere (4/5) : « En refusant systématiquement le surdécoupage qui fait tant de mal au cinéma d’action moderne, en posant sa caméra et en pensant sa narration en faisant confiance au pouvoir de l’image, plus qu’à l’agression d’un montage trop cut, il opère un premier retour aux sources salvateur. Il n’y a pas des dizaines de séquences d’action dans Skyfall mais elles sont toutes composées à la perfection, avec un sens du tempo qui n’oublie pas de coller à la spécificité de son héros : c’est un agent secret avant tout et il pratique donc l’infiltration plutôt que l’attaque frontale en mode bourrin qui fait tout péter. Sam Mendes a parfaitement saisi le concept et adopte donc une mise en scène qui prend son temps et permet au spectateur d’analyser l’environnement avec le personnage autant que d’assimiler chaque action et la comprendre. Le travail sur le plan purement visuel est tel qu’on en viendrait presque à regretter le niveau global des enjeux du fil principal de l’intrigue, pas vraiment à ce niveau d’excellence. C’est sans doute dans le besoin d’inclure certains éléments « pop » pour trancher radicalement avec un traitement plus brutal et réaliste que se situe la faille, donnant lieu à quelques éléments incohérents, voire vulgaire, à l’image du traitement du terrorisme électronique qui reste malheureusement sommaire. C’est d’ailleurs sur ce point qu’un personnage majeur déçoit, alors que son introduction en amont dans le film était tout simplement brillante. Las, c’est bien peu de chose face aux forces en présence dans Skyfall. »
Le Mitigé
Le Nouvel Obs : He did the job. C’est le moins que l’on puisse dire de Sam Mendes qui, en succédant au Marc Forster à côté de la plaque de « Quantum of Solace », redore le blason de la franchise. Tenir Mendes pour l’auteur de « Skyfall » paraît simpliste quand on sait la fonction de pur faiseur qu’est celle d’un réalisateur de Bond. Sauf que les conflits oedipiens, la question du vieillissement et le trop plein de sérieux (sans parler des 2h23 !) à l’œuvre dans cette 23ème aventure de 007 sont tellement « mendesiens » qu’on pourrait presque le prendre pour un film d’auteur. Avant tout, c’est l’intelligente roublardise du réalisateur (« American Beauty », « les Noces Rebelles ») qui est patente ici tant, adossée au scénario de John Logan (« Gladiator », « Hugo Cabret ») et des indéboulonnables Neal Purvis & Robert Wade, elle semble vouloir en donner à tout le monde. Ceux qui aiment Bond pour ses basiques – l’action, les filles, l’exotisme et le méchant too much – kifferont surtout la première partie, où Bérénice Marlohe, en dépit d’un temps de présence à l’écran plutôt réduit, confirme après Eva Green que les French Bond Girls sont parmi les meilleures. Ceux qui préfèrent le Bond nouveau depuis « Casino Royale », plus froid, dramatique, réinterprétant la mythologie bondienne dans un mélange de sécheresse pulp et de tragédie shakespearienne – à l’image d’un Daniel Craig si minéral (voire monolithique) que les quelques vannes dont on l’affuble tombent terriblement à plat – exulteront lors d’une seconde partie qui prolonge « Casino Royale » tout en rebootant une énième fois mais malignement le cahier des charges. »
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