Critique et bilan du revival de X-Files saison 10, un bilan mitigé pour un retour comme une exception à la règle des reboots, remakes, et autres suites (spoilers)
Retour sur le revival de X-Files, une reprise relativement bien accueillie par les spectateurs pour une mini-saison inégale et perfectible. Malgré un succès indéniable pour ce retour auprès des aficionados de la série et partout dans le monde, avec des audiences avoisinant les 50 millions de spectateurs dans les pays ayant diffusé la série, Mulder et Scully nous offrent une reprise un peu fatiguée, parfois risible, avant de nous quitter dans un épisode mythologique relativement correct, et sur un cliffhanger qui en frustrera plus d’un.
Fantômes du passé
Cette saison 10 de X-Files, depuis son premier épisode, est marquée par des doses de fan-service, qui, au fil du visionnage, vont prendre de plus en plus de place au détriment des intrigues d’anthologie. Ainsi sur 6 épisodes, un arrière-goût amer de « pas-fini » se fera ressentir sur au moins 3.
3 épisodes, tous Monstre-de- la-semaine, dont un seul sort véritablement son épingle du jeu (Mulder et Scully and the Were Monster). Un bilan négatif pour une majorité des épisodes d’anthologie qui laissaient croire que X-Files saison 10 nous offrirait frissons et horreur, comme au temps jadis. Pour le dégoût, pas de problème, usant d’images gores dans une mise en scène sombre, marque de l’esthétique et photographie traditionnelle de la série, mais sans pour autant faire peur avec ces intrigues peu recherchées.
Des épisodes à intrigues singulières qui ne convainquent pas, tant elles reposent sur des références au passé : du fils de Scully que l’on ne verra pas, et qui hante cette dernière dans la majorité des enquêtes, aux punch-lines diverses que les fans reconnaîtront, des dialogues mots pour mots repris du pilote de la série originelle, ou autres références aux courses poursuites ou monstres mythiques. Des références qui deviennent usantes, puisqu’elles ne sont faites que pour générer fan-service et nostalgie auprès de ceux qui connaissent la série sur le bout des doigts, ou les spectateurs de l’époque. Preuve qu’un reboot, remake ou revival, ne repose essentiellement que sur l’affect auprès du spectateur.
Parodies de monstres
Les plus décevants seront Home Again, une histoire de vengeur des poubelles (sérieusement ?) du nom de Trashman, issu de l’imaginaire d’un artiste de rue, vivant dans un camion poubelle (un pari perdu par le scénariste, qui sait ?), et n’offrant aucune explication quant à l’existence de ce monstre de la semaine, ou l’origine de sa matérialisation. Si aucune explication mystique n’est donnée, Home Again apparaît comme la pâle copie d’un autre monstre vengeur de la saison 4 de la série : Kaddish, avec exactement les mêmes intentions. Tel est pris qui croyait prendre…
L’autre grosse déception est l’avant-dernier épisode de ce revival intitulé Babylon. Une intrigue assez vide, inspirée par les attaques terroristes de DAESH, sans queue, ni tête, excuse sans fondement pour lancer Mulder dans un trip insensé sous drogues qui permettra de faire revenir des personnages mythiques du passé pour les fans : les Lone Gunmen. Le tout sans raison valable ni logique, si ce n’est de faire plaisir aux fans, et mettre Mulder dans une situation grotesque.
Babylon est d’ailleurs l’exemple parfait de ce qui a causé la fin de X-Files au début des années 2000 : une écriture vide de sens et des raccourcis pour rendre des histoires non-documentées intéressantes. Ainsi, les deux nouveaux collègues du FBI, ou Doppelgänger, au choix, pâles copies des agents Mulder et Scully en plus jeunes – le charisme en moins- nous rappellent le temps de Doggett et Reyes et leurs enquêtes sans profondeurs. Miller et Einstein, non seulement soulignent le temps qui s’est écoulé, mais surtout ne sont que des Deus ex-Machina qui permettent de faire avancer une intrigue qui ne tient que sur un fil, remplissant des temps morts, et parodiant les vrais héros de l’histoire de X-Files, qui ont du mal à reprendre du service.
Scully au centre de la saison
Chris Carter a toujours affirmé que son personnage préféré était Scully. Dans ce revival, elle prend plus de place que Mulder et le jeu de Gillian Anderson s’est sans conteste amélioré depuis les années 90. Mise en avant indéniablement cette saison, encore plus dans la seconde partie de My Struggle, Scully est la véritable héroïne de ce revival. Cependant, le médecin scientifique et agent du FBI est un peu plus « molle » et hantée, elle aussi, par le passé.
S’il est normal pour Scully de faire référence à son enfant abandonné, ces références deviennent très vite indigestes tant elles sont abondantes. L’écriture du personnage ne repose quasi-essentiellement que sur cela, jusque dans la scène finale de l’épisode qui clôt cette saison.
Quant à Mulder, il reste inchangé, si ce n’est un poil plus dépressif. Fatigué par l’âge ou sa quête, il ne croit presque plus en rien. Les célèbres joutes verbales avec son acolyte ont disparues au profit de réflexions métaphysiques sur l’existence d’un dieu, la raison de son existence (Babylon) agrémentées par des séquences de shipperisme nauséeuses et un état passif que certains n’apprécieront pas.
Hommage comique
Le seul épisode qui tire son épingle du jeu est bien évidemment l’épisode intitulé «Mulder and Scully and the Were-Monster». Un épisode comique dans la lignée de Small potatoes (saison 4) ou Le shériff a les dents longues (saison 5) où la dérision est le maître mot. Hommage aux épisodes d’anthologie, aux séries qui ont influencé X-Files, comme Twin Peaks et bourré de références au cinéma et de véritables clins-d’œils à la série loin du fan-service, cet épisode écrit par Darin Morgan résume à lui seul toute l’essence de X-Files.
Un hommage en bonne et due forme, inattendu, drôle, mais aussi intelligent, avec un sous-texte narratif autour de la nature humaine et sa monstruosité, notre mode de vie capitaliste (le monstre s’insérant dans la société est à mourir de rire), qui n’est pas pour déplaire et rappelle tout l’intérêt de cette série culte, qui était la fenêtre des peurs modernes ou d’autres issues de l’inconscient collectif, en son temps. Un épisode qui mériterait d’ailleurs une mention au Panthéon des épisodes cultes de la série.
Cliffhanger et mythologie mise à jour
Les temps ont changé. Nous ne sommes plus dans les années 90, où certains mystères inexpliqués intriguaient ou faisaient peur. Nous sommes à l’ère d’Internet, des dénonciations politiques, des conspirations et des réseaux sociaux. Les mystères ne fascinent plus et les conspirations n’étonnent plus. La vérité est de moins en moins ailleurs et Chris Carter l’a bien compris. Ce qui fait peur aujourd’hui ne vient pas de l’espace, mais de nous. Toute la thématique de la mythologie de ce revival, notamment dans ce final, qui rehausse le niveau de la saison et la conclue dans un cliffhanger qui donne envie d’une suite, même si prévisible.
Après l’avoir expliqué dans la première partie de My Struggle, les aliens ne sont plus les véritables ennemis de l’humanité, comme le laissait croire la mythologie de X-Files. C’est l’humain qui est l’origine de la plus grande conspiration pour l’annihiler. Dans quel but ? Créer une race supérieure afin de protéger la Terre qu’il est en train de détruire. Et quoi de mieux pour éradiquer l’humanité qu’une épidémie ?
Manœuvre habile pour surfer sur les peurs modernes, alimentées par le virus Zika, les micro-céphalies et autres pandémies comme Ebola. L’espace ne fascine plus, c’est indéniable, et surtout ne fait plus peur. Aujourd’hui ce sont des noms comme Monsanto, les manipulations génétiques, les produits modifiés et le chaos qui effraient, et ce dernier épisode le montre bien.
Perfectible
S’il est un peu plus équilibré narrativement que sa première partie, My Struggle partie 2 arrive à plonger X-Files dans sa mythologie mise à jour, et contourner le problème de l’invasion en 2012. Il reprend même des références de son histoire, avec le vaccin de la variole (saison 3) histoire de rester cohérent et expliquer l’origine de la pandémie, qui pourrait bien être la 6ème extinction comme prédit dans la série (saison 6).
Cependant, ce final possède quand même quelques défauts qui semblent être difficiles à défaire de la série : tout d’abord Einstein et Miller, qui restent toujours des imitations maladroites qui gâchent la qualité de l’épisode, placent les héros au second plan, pour des personnages qui auraient bien pu être incarné par des agents moins «copiés-collés».
L’autre défaut restent certaines manœuvres peu habiles pour faire avancer l’histoire comme Reyes, qui est passée littéralement du côté obscur, puisqu’elle travaille désormais pour le légendaire Homme à la Cigarette. L’Homme à la Cigarette, le véritable « Darth Vador » de X-Files, qui est à l’origine de ce qui se passe bien évidemment, mais surtout en vie malgré s’être prit une belle ogive dans la tête et être atteint d’un cancer (Il y a des super-héros ou vilains qui ont péri dans certaines franchises pour moins que ça). Un véritable sur-homme qui se prend pour Dieu, comme évoqué dans ce final.
A suivre, la saison prochaine
Si la mythologie de la série peut être perfectible et semble avoir gagné en cohérence comparée aux deux dernières saisons de X-Files, qui étaient l’apanage du grand n’importe-quoi, X-Files saison 10 souffre beaucoup des fantômes du passé. Certains épisodes ont clairement été écrits sans conviction, ni espoir que la série soit renouvelée. Ce qui est bien dommage. Encore plus, suite au succès indéniable du retour de Mulder et Scully, notamment sur la cible préférée des annonceurs, succès qui assure sans conteste et sans nul doute une saison suivante pour ce retour, 13 ans après.
Ce revival nous a néanmoins rappelé qu’une série culte devient culte par son contexte et l’environnement dans lequel elle se créée. X-Files des années 90 n’a certainement rien à voir avec celle d’aujourd’hui. Le revival souligne bien l’évolution des séries depuis 20 ans, tant dans l’écriture d’épisodes, (beaucoup plus rythmés et fournis, au détriment d’une certaine qualité scénaristique aujourd’hui), la production ou la qualité de ces dernières.
Dans une époque où l’anthologie n’a clairement plus sa place face à des intrigues linéaires dans les séries TV, de moins en moins de ce style, cop-show mis à part, le Cerveau se demande si la prochaine saison de X-Files fonctionnera tout aussi bien sans l’effet « revival » ou « nostalgie » de cette mise en bouche en 6 épisodes. En attendant l’annonce officielle d’un renouvellement, la vérité est encore ailleurs, même si l’on s’en approche… Affaire à suivre.
Crédit photos : © Fox
Connecte tes Neurones à Brain Damaged sur