Retour sur la représentation de la Révolution Française au cinéma.
En cette journée du 14 juillet, la France célèbre sa fête nationale. Si elle célèbre bien la Révolution Française, il faut noter qu’elle n’est pas seulement un souvenir de la prise de la Bastille le 14 juillet 1789 comme beaucoup le croient. C’est aussi le souvenir de la Fête de la Fédération l’année suivante, quand toute la nation s’est unie autour du roi Louis XVI qui a prêté serment à la Nation et à la loi. La Révolution Française, comme tout grand événement historique, a été au cœur de nombreux films au cinéma. Et comme toujours, ils recèlent un certain nombre d’erreurs, d’interprétations, qu’elles soient faites dans un but politique, artistique, ou même simplement humoristique.
Comme le souligne Sylvie Dallet, professeur à l’Université de Versailles St-Quentin-en-Yvelines spécialisée notamment dans les rapports entre histoire et cinéma, « le film révolutionnaire subit toujours une double influence : celle de l’époque qui le conçoit et celle de l’œuvre historiographique, d’origine littéraire, autodidacte ou universitaire dont il est issu. » A chaque époque ses films révolutionnaires donc. Mais ils ont une constante : ils essaient de se rapprocher le plus possible d’une véracité historique et d’un imaginaire mythique. Les Misérables adapté au cinéma plusieurs fois mais qui ne concerne pas cette révolution-là, en est par ailleurs l’un des exemples les plus forts.
Mais on reste surpris du peu de films qui traitent de la Révolution Française en comparaison avec d’autres époques historiques importantes. Petit retour sur les grands ou petits films qui font revivre cet événement.
Films politiques
La Révolution Française étant un événement politique, l’un des principaux défauts de ces films est bien évidemment la lecture partisane. Ainsi, on a assisté, dans les années quatre-vingt, à une lecture libérale de la Révolution Française, inspirée par les travaux de l’historien François Furet. En pleine Guerre Froide, Danton de Wajda et Les années terribles de Richard Heffron sont critiqués pour leur vision manichéenne qui présentait les Montagnards comme des monstres et faisait de la Terreur l’ancêtre des régimes dictatoriaux du XXème siècle.
Chouans ! de Philippe de Broca n’échappe pas à la règle. L’accent est ainsi mis sur le côté politique, et non pas le côté social. Quelques années plus tôt, Caroline Chérie, de Richard Pottier, sorti en 1951, adapte le roman de Cécil Saint-Laurent clairement réactionnaire. En comparaison, le film franco-italien Marie-Antoinette reine de France de 1955 présente la reine (Michèle Morgan), pourtant connue pour son indifférence vis-à-vis du peuple, avec émotion et compassion. Tandis que l’approche de Les adieux à la reine de Benoit Jacquot, d’après un roman de Chantal Thomas, est critiquée par une partie de la droite pour une vision de la reine qui correspondrait un peu trop à la campagne révolutionnaire. Mais le film fait aussi les mêmes erreurs que le roman en datant par exemple la fuite des nobles en 1789 au lieu de 1791.
Libertés artistiques de Coppola
Une autre déformation de la Révolution Française ne vient pas d’une déformation politique mais d’une vision artistique de l’époque, qui est romancée pour correspondre à l’esprit de l’oeuvre. Si comme l’interprétation par Michèle Morgan de Marie-Antoinette a été marquante de ce point de vue, le Marie-Antoinette de Sofia Coppola (2006) romance la vie de la reine. On y relève quelques erreurs au-delà des célèbres Converses qui apparaissent, oubliées sur le plateau : la Comtesse du Barry était totalement différente de celle dépeinte par Asia Argento et ne se serait jamais permise de roter en présence du roi, tandis que l’acte de mariage n’était pas du tout rédigé en anglais bien évidemment. Sofia Coppola invente un fils au Comte de Provence et la reine mange des macarons… un siècle avant leur invention. Au contraire, Jefferson à Paris de James Ivory repose essentiellement sur les écrits de celui qui représentait les Etats-Unis en France dans les années 1780 : on y trouve plein de détails, le diplomate étant très bavard dans ses écrits. L’équipe a même utilisé des objets réels de l’époque. Mais on pourrait critiquer sa vision purement américaine pleine de stéréotypes sur notre cher pays.
Folle révolution
La Révolution Française a été abordée par un autre angle dans plusieurs oeuvres : l’humour. Ainsi, Mel Brooks dans La folle histoire du monde (1981) ou Jean Yanne avec Liberté égalité choucroute (1985) se sont emparés de l’événement dans un registre beaucoup plus léger. Ces deux maîtres de l’humour y donnent une importance différente puisque la Révolution Française n’est que l’aboutissement de l’histoire du monde de Brooks tandis qu’elle est au coeur du film de l’humoriste français.
Jean Yanne y mêle histoire française et Mille et une nuits avec un Calife de Bagdad dans la capitale parisienne au moment des évenements de 1789. La Marseillaise est composée quelques années plus tôt, en 1789, et est chantée sur l’air du Brésilien, le réalisateur étant un grand amateur de comédies musicales. Pour finir cette brève incursion dans la représentation de la Révolution Française au cinéma, on peut souligner l’existence d’un véritable OVNI : le film Lady Oscar, qui met en scène une histoire bien connue des amateurs de dessins animés. Cette adaptation franco-japonaise du manga par Jacques Demy, qui en avait reçu la commande, a eu la spécificité de ne sortir en France que vingt ans après sa réalisation en 1978.
La Révolution Française a donc connu un certain nombre d’incarnations sur le grand écran qui sont rarement fondées sur une vision qui ne serait pas politisée ou romancée. Rares sont les longs métrages à chercher une exactitude, la démarche artistique ou politique étant privilégiée. Et les films à ce sujet ne sont pas si fréquents. Les visiteurs 3 devraient cependant se passer à cette époque : à quand une grand fresque historique à la Lincoln ?
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