A l’occasion de la journée de la femme demain 8 Mars, le Cerveau vous propose de réfléchir avec lui sur l’image des femmes dans les séries TV américaines des années 90 à nos jours : Un dossier en deux parties
Elles sont des pionnières, des héroïnes qui ont changé le paysage télévisuel américain des années 90. Des femmes qui ont influencé et forgé la personnalité de bon nombre de jeunes filles aujourd’hui adultes, et ont appris à certains hommes à être moins sexistes. Des femmes fortes, indépendantes, d’action, à la fois « bad–ass », toujours sexy, intelligentes et surtout loin des codes inspirés par leur genre. Une nouvelle vague de personnages pour une nouvelle donne à une époque où les femmes ne s’étaient pas encore imposées complètement à la Télévision. Une flopée de programmes menés par ces héroïnes, avec leurs hommes relayés aux seconds rôles, dans les séries les plus en vogue.
Elles ont inspiré toute une génération, pour une décennie plus tard, la première de ce XXIè siècle, laisser place à un autre type de femmes à l’écran, bien loin de l’action, de la force physique ou mentale, pour un nouveau genre d’héroïsme ou même un retour à la misogynie. Où sont passées les femmes fortes des années 90, les Miss Parker, Buffy et autres Samantha Carter ?
Quelle soient Xena, Buffy, Les Sœurs Halliwell de Charmed, Sidney Bristow d’Alias, Kerry Weaver ou Elizabeth Corday dans leur service d’Urgences, Dana Scully Aux Frontières du réel ou Samantha Waters en Profiler … Toutes ces femmes sont des symboles de l’histoire de la Télévision, et pointent une différence remarquable avec celles qui les ont succedé sur les écrans.
Parfois castratrices, souvent mères nourricières, protectrices ou sensibles, mais toujours battantes qu’elles soient issues d’un univers de science-fiction ou réaliste, elles ont disparu au profit d’autres types de femmes : objet de convoitises dans True Blood comme Sookie, jeune femme perdue dans Grey’s Anatomy, ou femme au foyer un poil dépressive et suicidaire… Où et quand est venu le temps du changement ? Nécessité ou mysoginie ? Reste-il encore de la place pour des femmes fortes dans les séries les plus en vogue à la télévision 20 ans plus tard ?*
I don’t need a man
La majorité de femmes présentées dans les séries télévisées les plus en vogue des années 90 (ou mainstream comme on aime dire aujourd’hui) n’étaient pas définies par leur statut d’amoureuse mais plutôt par leur indépendance face à la masculinité. Un vrai mélange de pouvoir, de puissance et féminité incarné à travers toutes ces femmes pour s’ériger en véritables héroïnes d’action à la télévision. Une première, alors que dans les années 80 on acceptait à peine de voir une Angela Bower en mère veuve indépendante, jusqu’à ce qu’un Tony Micelli rende sa vie un poil meilleure et plus supportable.
Dans les années 90, exit le Micelli, la figure patriarcale protectrice qui va avec, pour mettre en valeur LA femme loin de toute influence des Mâles. Nos nouvelles héroïnes s’assument et se définissent sans pierre de touche masculine. Pour preuve, on ne voit jamais le père de Buffy en 7 saisons (enfin si, dans une réalité alternative mais ça ne compte pas, puisque réalité alternative). Quand cette dernière doit faire le choix entre sacrifier Angel et sauver le monde, elle ne prend pas le temps de réfléchir deux fois : bye bye le vampire amoureux. Et rebelote dans le final de la série, avec Spike.
Il aura fallu attendre trois saisons pour que la Miss Parker qui poursuit son Caméléon voit un homme arriver dans sa vie, au-delà de ses activités sexuelles libérées (yummy) et ponctuelles. Celle qui apparaissait comme une panthère castratrice s’est vue développer tout un arc amoureux qui bien évidemment nourrira la mythologie de la série tout en dévoilant une nouvelle facette de ce personnage. Au meurtre de son petit-ami, la jeune femme, bien qu’abattue, ne perd pas pied et continue sa quête au sein du Centre dès l’épisode suivant. On connait une certaine Meredith à qui il aurait bien fallu quatre saisons avant de se remettre d’une mort probable de son docteur Mamour, surtout au début de Grey’s Anatomy…
Maintenant Bones ne peut pas imaginer sa vie sans Booth et laisse beaucoup plus de place aux sentiments « irrationnels » dans sa vie. Une évolution compréhensible mais aux antipodes de la construction de ce personnage féminin, indépendant, presque insensible, pour qui les relations amoureuses n’ont rien de raisonnable et restent futiles. Une évolution logique mais trop commune dans la plupart des séries des années 2000, où peu de femmes fortes et indépendantes sont encore présentes. Quand beaucoup se félicitent de la mise en avant de personnages féminins dans les séries ces dernières années, il est quand même important de voir quel type de femmes y figurent et quel message ces personnalités diverses et variées communiquent à celles qui les regardent.
Liberté, égalité, fraternité sexuelle… jusqu’à ce que le mariage nous sépare
La fin des années 90 et le début des années 2000 nous ont offert une belle perle d’HBO pour une série subversive et rarement vue à la télévision : une série avec ses héroïnes féminines, quatre copines indépendantes, aux carrières bien remplies que l’on suit dans leur épanouissement romantique et sexuel dans la ville de New York. Entre frasques débridées et recherche du grand amour, Sex and the City bouscule les codes de la féminité et du féminisme à la télévision pour être le porte-étendard d’un sujet presque tabou : le sexe et les femmes.
Bien que le mariage et la vie de famille soit une étape majeure dans la vie d’une femme, et surtout un passage de la vie nécessaire dans l’évolution d’un être humain ou d’un personnage, l’arrière-goût laissé par la fin de la série et les deux opus au cinéma qui ont suivi restent un peu amer d’une perspective purement féministe. Non pas que la noble institution du mariage soit mise à mal, loin de là, mais que son concept soit aussi réducteur à la télévision, à savoir femme mariée, femme sans indépendance à tout jamais.
Carrie, Charlotte, Miranda et Samantha sont rentrées elles aussi dans la norme sociétale après avoir profité de leur liberté sexuelle puisque presque toutes ont fini mariées, ou engagée dans une relation sérieuse pour la plus débridée d’entre elles. Pour une des premières séries qui mettait en scène des femmes dans un environnement autre que professionnel, exposant leurs vies sexuelles ouvertement sans tabou et surtout sans véritable clichés de genre, avec parfois la vision d’une liberté sans limite et en toute égalité avec les hommes, la série s’est ponctuée sur un beau stéréotype sociétal, à savoir le mariage. Un stéréotype qui du coup souligne tous les autres de la série, contrebalancés par sa subversion et son ouverture d’esprit. La femme forte est-elle un concept qui n’existe que sans facteur mâle comme dans les années 90 ? Une femme doit-elle obligatoirement finir en couple à la télévision ?
Sex And the City Charlotte « Where is He »
Back to the classics : la femme émotive et versatile
Alors que dans les années 90 la carrière était mise en avant, dans les années 2000-2010, c’est le relationnel qui prime, qu’il soit amoureux ou social. La femme n’est plus celle qui doit s’émanciper mais plutôt celle qui est, et se focalise sur ses émotions, essaie de les maîtriser, à l’image des idéaux misogynes qui font de la femme une créature non pragmatique et sous le joug constant de ses émotions (On ne remerciera pas Freud et ses théories souvent fumeuses à l’égard de la femme pour ça).
Quand on parle d’émotions excessivement mises en avant, on pense tout de suite à Meredith Grey : l’aliénation psychologique de sa mère sur cette dernière et son histoire tortueuse avec Shepherd. 9 ans plus tard, même si le personnage a largement évolué et s’est stabilisé notamment grâce à sa maternité et son mariage avec l’amour de sa vie (une fois de plus, les conventions sociales apportent la paix aux femmes), elle reste focalisée sur ses sentiments.
Dans Grey’s Anatomy, les femmes sont toujours torturées par leurs histoires avec les hommes qui les entourent. Qu’elle soit celle que l’on surnommait le Nazi, Miranda Bailey, ou Cristina Yang, la carriériste par excellence de la série, réputée sans cœur, peut être une bien petite chose quand il s’agit de ses relations amoureuses (cf Burk & Owen). Malheureusement dans la même série, les hommes paraissent moins préoccupés ou atteints par ces mêmes histoires. Où est l’égalité ?
Pourtant Grey’s Anatomy est une série créée par une femme : Shonda Rhimes. Est-ce là une illustration de la réalité de la condition féminine aujourd’hui ou une peinture stéréotypée de la femme qui perd tout contrôle quand l’affect est pris à parti ? Une fois de plus : le facteur homme bouleverse le rapport de force des femmes en télévision, alors que c’est rarement le cas inverse pour les personnages masculins en télévision, oubliant que les hommes sont aussi des êtres doués de sentiments.
Femme au foyer, femme désespérée
Desperate Housewives en octobre 2004 voit arriver un retour de la femme définie à travers son cadre familial : des femmes sans emploi, mères de famille ou retraitées, bien évidemment désespérées par leur condition d’épouse, de femme au foyer ou de divorcées. Des femmes frustrées, tout est dans le titre n’est-ce pas ? La femme du XXIè siècle est désespérée. Pourquoi ? Parce qu’elle vit dans une banlieue américaine codifiée comme dans les années 60 et qu’elle n’y trouve pas sa place à 45 ans, alors que cette génération a été la première à suivre les mouvements de l’émancipation de la femme.
Et à quoi se résume le gros des journées de ces femmes : poker, ragots, coucheries, organisations de fêtes, secrets et chiffons….Sacrés stéréotypes pour une génération de femmes qui se cherchent dans une Amérique post-féminisme et idéaliste avec son « american way of life ». La seule femme libérée de la bande et bien évidemment célibataire et surtout cataloguée comme la nympho de quartier. Sympa.
Est-il possible au XXIe siècle de se défaire de l’image archaïque de la femme, de la mère protectrice et nourricière qui est prête à tout sacrifier pour sa famille ? Une manière détournée de rester sur l’image vieille depuis la nuit des temps qu’une femme est, et sera, toujours régie par la notion de maternité ? Sur 8 saisons, ces femmes jonglent entre carrière et vie de famille, sans jamais vraiment trouver l’équilibre qu’elles recherchent, entre carrière et vie de famille, mensonges trahisons et potins de quartier….
*La seconde partie de ce dossier avec au programme, science-fiction, sitcom, femmes versatiles et le grand retour en force des femmes fortes avec Games of Thrones Revenge, House of Cards et Once Upon A time…. Ne ratez pas la suite !
Connecte tes Neurones à Brain Damaged sur