House of The Dragon : Des Dragons, Sept Royaumes et des femmes (critique)

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4.0

La tradition va pouvoir reprendre après la fin de Game of Thrones. Cette nuit, à 3h du Matin, les spectateurs de la série phénomène vont retrouver les terres de Westeros avec la diffusion de la préquelle dédiée à la dynastie Targaryan : House of the Dragon.  Une adaptation tirée du roman en deux tomes Fire and Blood ou Feu et Sang dans notre langue. Quid de cette adaptation ?

C’était une série phénomène, qui s’est éteinte en 2019. Avec ses 8 saisons et une fin qui aura déchiré ses spectateurs et la critique, Game of Thrones aura été l’une des séries les plus fédératrice de notre temps. Un phénomène rare, notamment pour une série de Fantasy et un dragon aux œufs d’or pour HBO.

Voici désormais que cette dernière se décline en préquelle. Une préquelle dédiée aux ancêtres de la légendaire Daenerys Targaryen, personnage iconique de la série. Mais qu’on ne s’y m’éprenne, House of The Dragon n’est pas Game of Thrones. Loin de là.

Au visionnage des 6 épisodes proposés par HBO à la presse, le Cerveau peut d’ores et déjà dire que House of The Dragon va en déstabiliser plus d’un. Mais aussi réjouir les fans du monde westerosi. Si les lecteurs du roman qu’elle porte à l’écran savent plus ou moins ce qu’ils vont voir, bien que l’intrigue ne commence pas au début de la première conquête, les méconnaisseurs s’attendant à retrouver un rythme et une ambiance fidèle à Game of Thrones, vont être un peu déçus.

Même univers, deux séries, deux ambiances

Car si House of The Dragon se déroule bien évidemment dans le même univers, cette dernière détonne avec sa série mère. Bien évidemment la série garde les marqueurs de sa franchise, mais elle est, et reste, son histoire, son intrigue, avec un style qui lui est propre, un rythme et une ambiance différente.

Une ambiance plus médiévale et historique, proche du huis-clos à Port Réal, bien avant celui que l’on connait. Ainsi, les liens de filiation ou de cour sont bien plus mis en avant là où Game of Thrones était axée sur les actions de ses personnages et les causes à effets des décisions entre ces protagonistes. Ici, seule compte la royauté, celle des Targaryen et sa préservation.

Héritage généalogique

Comme le Roi Lear, les Tudors, ou une certaine Succession, la famille est au centre de l’intrigue. Moins de psychologie politique et de stratégie telles qu’on a pu les connaître et plus de temps sur chaque personnage de cette famille mythique, ainsi que ses liens avec le pouvoir, sur plusieurs décennies.

Si, bien évidemment, des manigances, alliances et mésalliances entre les Maisons de Westeros – dont plusieurs jamais vues auparavant – sont attendues au gré des épisodes et choix du Roi Viserys 1er et sa lignée, House of The Dragon est avant tout une série qui se concentre sur les évènements qui ont menés à la chute du clan Targaryan. En commençant par l’interne : les choix de succession, d’amour filial et intra-familial, d’envie de pouvoir ou d’aventure, de confiance ou non, de choix et pression parentale ou maritale.

Plus loquace

On a connu une Game of Thrones très bavarde dans ses premières saisons, moins dans les dernières. House of Dragon l’est encore plus. La série revient aux fondamentaux de Martin, à savoir la psychologie complexe de chaque personnage, loin des gentils Stark et méchants Lannister.

Chaque personnage possède son lot de détestable et d’admirable, offrant ainsi plus de nuances et de complexité dans les rapports que peuvent avoir chacun, que ce soit avec eux-mêmes ou les autres. Des héros portés par des acteurs à la hauteur des personnages qu’ils incarnent, avec Emma D’arcy et Milly Alcock très convaincantes dans la peau de Rhaenyra et un Matt Smith aux antipodes de ce qu’on lui connait, loin de Doctor Who ou The Crown. L’acteur se donne à son personnage, Daemon Targaryen, aux abords détestable, mais plus profond qu’on l’imagine.

Les échanges entre les protagonistes clés de l’intrigue de cette préquelle sont l’intérêt premier de la série. Car ces dialogues révèlent beaucoup de choses sur non seulement l’état des personnages, mais aussi leur décision, qui vont mener dans quelques générations à la perte de tout un clan. Un clan qui pourtant possède un pouvoir inégalé.

A Woman’s (terrifying) World

Le point sûrement le plus intéressant de la série serait sa mise en avant des femmes, ainsi que le pouvoir qu’elles pouvaient incarner dans un monde médiéval. Bien que ces dernières ne soient vouées avant tout qu’à engendrer une lignée ou permettre un accord politique entre deux clans.

Si dans Game of Thrones, toujours dans ses premières saisons, on donnait la part belle aux femmes et ces thématiques, avant de les réduire à des stéréotypes à sa fin, en montrant la violence qu’elles subissaient mais aussi leur ténacité et stratégie politique, dans House of Dragon, il s’agirait plus de montrer comment l’ordre établi assomme ces dernières de notions de devoir vis-à-vis de leur rang, de morale ou de liberté relative.

Si un peu comme Daenerys, Rhaenyra est une femme libre et respectée, impliquée dans la politique de son royaume, notamment par son père Roi, qui n’hésitera pas à la nommer comme sa successeur, chaque personnage au gré des épisodes va rappeler que cette dernière, malgré la loi, ne sera jamais reine. Au fil des 6 épisodes visionnés, cette nomination est au centre de toutes les stratégies de chaque pièce de l’intrigue.

Violences féminines

Un peu comme si la série se voulait miroir d’une réalité que les femmes vivent toujours : être résumées avant tout au rang de génitrices plus que pouvoir politique, guerrier ou social, peu importe qu’on bouscule les codes ou non.

Le rôle des femmes dans la succession Targaryen est d’ailleurs mis en avant comme jamais dans House of Dragon, en montrant de multiples accouchements sanglants et douloureux, le danger auxquelles ces dernières font face, mais aussi la pression d’engendrer la succession suffisante pour permettre au clan de survivre, régner ou prospérer, quitte à y laisser sa propre vie. Même les héroïnes de la série, Rhaenyra et Alicent, malgré leur pouvoir incontestable, n’échappent pas à cette pression sociale, face à leur enfants et leur rôle matriarcal.

Une réalisation plus classique mais fidèle

Côté réalisation House of The dragon ressemble autant qu’elle détonne avec Game of Thrones, sous la caméra de Miguel Sapochnik, pour qui ce monde n’a plus de secret. Si les décors et la production semblent similaires, le monde de House of The Dragon est plus médiéval que le Westeros que nous connaissons, avec des costumes et tenues, tapisseries et châteaux qui ressemblent plus à notre Moyen-âge qu’à celui qu’on a pu voir dans la série mère.

Cependant, les notes rassurantes de Ramin Djawadi, mêlant les thèmes de la Khaleesi à de nouvelles compositions permettent régulièrement de rappeler qu’il s’agit bien du même monde, à une autre époque. Un monde que l’on connait, auquel la série ne manque pas de faire référence dans son intrigue, notamment vis à vis de certaines prophéties.

A l’heure où la fantasy, longtemps boudée à la télévision avant Game of Thrones, explose, avec The Witcher, bientôt Willow ou Les Anneaux de Pouvoir etc…, House of The Dragon a bien sa place, au-delà d’être une série qui permet de continuer à faire vivre une franchise extrêmement lucrative et plébiscitée.

Bien qu’on ne sache pas si elle arrivera à fédérer autant de spectateurs devant leur télévision les dimanches soir, elle reste une adaptation réussie d’un roman historique (fictif). Plus classique dans ses thèmes, rappelant des séries royales et de costumes, aux influences shakespeariennes, elle devra étonner ses spectateurs au-delà de l’action qu’elle propose déjà et de ses dragons. Pour le savoir, il faudra attendre la diffusion intégrale de cette première saison tous les dimanche (ou lundi au choix) en simultané avec les US sur OCS, avec un début de saison qui n’est pas pour déplaire. Valar dohaeris, comme diraient certains.

crédit photos : Home Box Office, Inc. All rights reserved

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