The Crown saison 4 : Pouvoirs éphémères, princesse brisée, malédiction royale

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4.5

Découvrez la critique de The Crown saison 4. Une saison toujours aussi parfaite que ses précédents, sous le signe de la Femme.

Ce dimanche l’une des séries les plus plébiscitée de Netflix est revenue sur les écrans du géant du streaming, pour une saison 4 encore plus poignante que jamais : The Crown. Une saison plus féminine, pour un biopic pas comme les autres sur le petit écran.

Très attendue, puisqu’elle s’attaque à une décennie très riche en évènements pour la Grande Bretagne, entre un mariage princier et une première femme à la tête de la démocratie britannique. Une saison féminine avant tout, axée sur le poids et la dureté de la vie royale. Une vie dévouée au symboles de la monarchie, quitte à en payer le prix.

The Iron Lady

La première scène donne le ton : Thatcher, incarnée par une Gillian Anderson caricaturale et maniérée – qui n’est visiblement pas taillée pour interpréter un personnage de cette envergure – rencontre la Reine Elizabeth II pour la première fois avant de rejoindre sa nouvelle demeure à Downing Street, fraichement élue à la tête du pays. Une Gillian Anderson qui endosse un rôle complexe qu’elle n’arrive pas à transcender pour lui offrir toute l’humanité que le personnage mérite, à l’image de ses comparses, rendant ainsi le visionnage de ses scènes relativement pénibles, notamment face à Colman tout au long de la saison.

Alors que la rencontre se veut cordiale, les deux femmes aux tempéraments contradictoires vont au fil des années et des rencontres, avoir des rapports assez conflictuels. Des rapports de forces largement couverts par les médias, entre deux femmes de pouvoirs. Deux femmes aux destins liés, notamment par la politique de leur pays. Une politique qu’elles n’envisagent ni conçoivent de la même manière : l’une animée par le conservatisme et l’austérité, loin des privilèges de classes ou de rang, l’autre par l’empathie, la noblesse, et la posture royale.

Récit dramatique

Un fil rouge historique entre la Dame de Fer et l’éternelle Reine, celle qui au cours de son règne ne verra pas moins de 15 ministres défiler dans son cabinet pour leur traditionnel point hebdomadaire. Un fil rouge passionnant, qui, même si marqué par des évènements historiques comme le combat contre l’Apartheid en Afrique du sud ou le conflit Irlandais, se concentre avant tout sur l’humain. L’histoire n’étant qu’un détail permettant d’exacerber les états de ces personnages qui nous fascinent.

The Crown, avant d’être une série historique, est essentiellement une dramatisation de la vie de ces personnes célèbres, dont nous ne connaissons pas grand-chose au delà de l’image publique. Une fiction au sein de Buckingham Palace avant d’être un récit historique. Un récit qui, cette saison, se concentre sur ces pionnières du monde moderne britannique, l’une des rares démocraties au monde à avoir eu des femmes aux plus hauts postes de pouvoir.

Deux leaders opposées

Ainsi, au long des 10 épisodes de cette saison 4 de The Crown, le spectateur va suivre les états d’âmes d’une femme austère, d’une mère excessivement aimante ou tyrannique, d’une ministre ferme et dure animée par sa seule vision du monde et expérience de la vie. D’une femme détestable qui va quelquefois émouvoir. Une femme qui a marqué les années 80, en Europe et ailleurs.

Il va aussi découvrir une autre Elizabeth toujours interprétée avec justesse par la brillante Olivia Colman. Une Elizabeth en tant que mère concernée par l’états de ses enfants et leurs choix, une reine toujours aussi attachée au symbole de la couronne, mais prête à les contourner pour une cause noble.

Emotions inattendues

Une Reine sensible, notamment dans l’épisode 5, inspiré par la rencontre par effraction de Michael Fagan au sein du palais royal. Une rencontre rocambolesque entre la monarque et un pauvre peintre en bâtiment schizophrène, à qui la vie n’a pas laissé de répit, puisqu’il perd sa femme et ses 4 enfants, avant de finir au chômage notamment à cause de l’austérité économique du pays.

Si l’Histoire veut que l’homme n’ait eu aucun échange avec la Reine, dans The Crown, Peter Morgan s’est permis quelques libertés, laissant ainsi Fagan échanger avec la Reine pour l’alerter sur le danger Thatcher, détruisant le pays avec un taux de chômage en hausse et une politique sociale austère. Un épisode émouvant, pour une fois centré sur un citoyen britannique dans un pays que les habitants de Buckingham Palace ne connaissent pas. Sans nul doute l’un des épisodes les plus poignants de cette saison 4.

Lady Di plus brillante que jamais

L’autre grand pan de cette saison est bien évidemment centré sur l’histoire qui a fasciné et fascine toujours les amoureux de la couronne britannique et tout le drama qui va avec : l’union de Charles et Diana. L’union sacrée qui a réellement peopolisé la couronne, jusqu’au décès accidentel d’une icône des années 90 dans les rues de Paris, fuyant des paparazzi.

Inspirée par les faits réels et la multitudes inédites de documents, photos, interviews, livres et témoignages concernant Lady Di et son mariage de convenance – tout du moins pour le Prince Charles – cette nouvelle saison revient sur les évènements qui ont lancé la célébrité de Diana, tout en s’intéressant au cœur de sa vie d’épouse royale.

Un mariage voué à l’échec dans lequel une jeune femme sensible et rêveuse va se retrouver prisonnière. Un malheur royal, plongeant cette dernière dans la dépression et la boulimie, entre grossesses difficiles et maltraitance de la part de son époux.

Au plus proche du personnage

Une fois de plus concentrés sur l’individu, les divers épisodes consacrés au couple princier montrent les difficultés de ces derniers à nouer une relation, au delà du lien qui les unit dans leurs obligations royales. Dans une interview d’époque, la princesse – interprétée ici avec brio par la brillante jeune Emma Corrin, habitée et plus crédible que jamais en Lady Di – avait avoué après sa séparation que la raison principale de son échec était que « dans ce mariage nous étions trois », faisant référence à Camilla. Ce que cette saison de The Crown met un point d’honneur à illustrer entre évènements réels comme ce fameux déjeuner de Diana et Camilla, peu après les noces du couple princier, et dialogues fictifs dans l’intimité.

Si dans The Crown la présence de Camilla est au cœur des tensions du couple, les deux amants (si l’on puit dire) se torturent autant qu’ils cherchent à s’aimer. L’un en se forçant à aimer une femme que le monde lui envie, mais pour laquelle il n’a aucune fascination, ni affinité, vu l’écart d’âge et d’intérêts. L’autre, perdue entre le fantasme de la vie princière et l’envie d’être aimée, tant par le peuple que par son époux.

Tragédie moderne

Entre jalousie, drames, abnégation et sacrifice, cette nouvelle saison de The Crown, frise une fois de plus avec la perfection, pour un biopic unique. Peter Morgan, le  grand fasciné par la vie royale sur petit et grand écran, signe à nouveau une saison de grande tragédie, centrée sur les ravages de la monarchie sur une famille ainsi que chaque individu qui la compose.

La royauté, ce concept qui se veut don de dieu, une bénédiction transmise par les liens du sang et des unions matrimoniales nobles, devient ici une véritable malédiction. S’il fallait retenir une chose de The Crown, c’est l’immense tragédie de la monarchie, un concept de noblesse qui force les individus qui la composent à une vie misérable, détachée de tout. Une vie  sans  indépendance, ni individualisme, mais surtout, détachée de toute conception de bonheur ou de sentiments réels.

Crédit photos ©Netflix 

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