Critique d’un retour qu’on n’imaginait pas : celui de Sex And The City à la Télévision, avec And Just Like That. Un retour gênant et loin d’être innovant, entre la nostalgie et le catalogue de fringues de designers.
La fin des années 90 et le début des années 2000 nous ont offert une série subversive, rarement vue à la télévision : Sex And The City. Comédie comme aucune autre sur la chaine câblée américaine HBO avec des héroïnes féminines, quatre copines indépendantes aux carrières bien remplies que l’on suit dans leur épanouissement romantique et sexuel dans la ville de New York.
Entre frasques débridées et recherche du grand amour, Sex and the City – à son époque- bouscule les codes de la féminité à la télévision pour être le porte-étendard d’un sujet presque tabou : le sexe et les femmes.
Back from the dead
Sex and the the city est revenue sur nos écrans ce vendredi sur la plate-forme française SALTO, dans un revival qui se déroule dans un monde post-covid. Un revival deux décennies plus tard – avec un membre en moins, puisque Kim Catrall a refusé d’y participer – toujours centré sur les mêmes héroïnes aujourd’hui quinquagénaires, dans plus ou moins les mêmes habitudes.
Changement de titre pour nouvel ère, Sex and the City n’est plus. Elle devient : And Just Like That. Un titre inspiré par les mots de Carrie qui souvent en voix off concluait les épisodes de l’originale avec cette phrase, en écrivant les déboires de sa vie sentimentale et celle de ses copines dans sa colonne du nom de la série.
Un changement de titre, sûrement pour marquer la différence avec la série mère souvent critiquée et mal aimée, arborant des clichés généralement peu féministes. Car oui, à l’heure de MeToo et de l’éveil des mentalités sur la représentation de la diversité à l’écran, la série a très très mal vieillie.
Sex and the City Upgraded
And Just like That cherche tout d’abord à marquer la rupture avec le monde d’avant, sans pour autant changer le ton ou les marqueurs qui ont fait le succès de SATC. Une suite qui passe beaucoup de temps – ouvertement – à tenter de corriger les erreurs du passé, pour effacer le souvenir d’une série originelle critiquée, par exemple, pour être l’une des séries les plus blanches de son époque avec Friends.
Le premier épisode, dans son rôle d’exposition assez classique pour illustrer ce qui a changé depuis le pénible film Sex And The City 2, passe beaucoup de temps à montrer l’entourage des trois femmes, très éclectique, après avoir mis en place leurs nouveaux statuts. Carrie le dit elle-même « on ne peut pas rester qui on était ».
Les personnages tout comme la série se doivent d’être dans le temps. Surtout aujourd’hui. On parle de sujets dont on ne parlaient pas – et loin du sexe entre copines – et on montre au fil de chaque séquence, que l’époque et ces femmes ont changé (enfin presque).
Woke… A outrance
Le tout ponctué de dialogues assurant que les trois copines tentent de rester dans le coup tout en acceptant leurs âges, en s’appropriant les mots et combats du moment. Histoire d’être woke. Un woke très maladroit et gênant qui semble très forcé et peu naturel.
Ainsi on découvrira par exemple, dès les premières minutes, une femme qu’on dénommera plus tard dans le premier épisode comme « black Charlotte ». Oups!.. On explique et montre aussi le nouveau « job » de Carrie, désormais influenceuse Instagram et podcasteuse comme les jeunes, mais quand même un peu perdue par les termes de ses comparses au micro, très dans la hype du non-binaire et du mâle déconstruit. Bref, tout ce lexique qui dépasse les boomers.
Miranda la guerrière
Charlotte est toujours Charlotte : mère abusive un peu trop dans le contrôle et très émotive, Carrie, toujours Carrie, accro à ses looks et ses chaussures dans son appartement cossu de l’Upper East Side. Et même si elle a réduit visiblement sa garde robe, elle est toujours très apprêtée et griffée.
Miranda quant à elle a une nouvelle destinée qui l’attend. La working-girl de la série est désormais une aspirante activiste qui souhaite « ne plus faire partie du problème ». L’avocate a « le courage à son âge » de s’être réinscrite à la fac pour se spécialiser dans le droit féministe, après avoir quitté son job d’avocate dans le corporate.
Histoire de réparer ses erreurs de « blanche cis genre ». Et en plus, elle arbore fièrement ses cheveux blancs ! Sauf que… Comme tente de le montrer outrageusement la série, déconstruire les biais liés au privilège blanc, ou ce « white savior complex » n’est pas aussi facile que de le décider. C’est même très dur pour Miranda. A croire que la série tenterait même de montrer que ces femmes sont elles aussi victimes des changements de moeurs de toute une société, même quand ils sont des changements positifs majeurs et nécessaires pour lutter contre des inégalités qui perdurent.
Et tout ça ne marche pas. Car s’approprier une époque où une ère qui n’est plus la sienne ne se résume pas à énumérer tous les clichés des combats actuels : sexe et consentement, théorie de genre etc… sans aucune subtilité. Ainsi, tout ce que l’on voit n’est ni crédible, ni bien amené. Pire, ce qui aurait du faire réfléchir, exaspère.
Nouveau monde… ou presque
Pendant quarante minutes, le pilote de cette suite/revival/retour, où tout n’est qu’exposition et lexique d’un nouveau monde loin de celui où ces femmes étaient reines, fatigue. Et si l’idée de déconstruire la série dans une suite était louable, l’exécution est non seulement imparfaite, mais surtout pénible.
Pénible, pour tout ce que l’on voit à l’écran. Que ce soit l’absence constamment soulignée de Samantha, celle qui apportait du piment à la série, ou le rappel constant que la série tente de ne plus être un hymne à l’élite blanche bourgeoise de New-York, à la sexualité débridée.
Mea Culpa en 10 épisodes
Comme si cette mini-série, qui vient après 6 saisons et deux films désagréables, était le mea culpa en 10 épisodes de son showrunner. Si le Cerveau était curieux de voir ce que Michael Patrick King aurait pu présenter de neuf, avec ces femmes mûres, casées, mariées et mères, la curiosité est vite dissipée au fil du visionnage pour être remplacée par du dépit.
On est dépité de voir deux épisodes qui ne réinventent rien, avec les mêmes personnages qui n’ont que très peu évolué, même si elles essaient de rester à la page. Pire, la série tente d’introduire des personnages secondaires différents voire aux antipodes de nos héroïnes, qui ne semble être qu’anecdotiques ou servir les personnages originels dans cette nouvelle histoire qu’on nous raconte.
Gênance
And Just Like That est une série gênante. Gênante pour sa victimisation constante car, selon King, il est beaucoup trop dur de combattre ses biais raciaux. Gênante pour les choix d’évolution de ses héroïnes qui deviennent presque détestables. Tout comme son envie flagrante de tenter d’être dans le coup.
Le Cerveau va le dire : Personne n’aime voir ses ainés tenter de rester modernes et dans la hype… Car oui, tous ces nouveaux combats et sujets présentés dans ce revival n’ont jamais été les intérêts premiers de Sex And The City. Voir ces femmes soudainement tenter de s’approprier des codes et une mentalité qui les dépasse est, si ce n’est désolant, inintéressant, car mal fait.
Au lieu de réfléchir vraiment sur les sujets qu’elle abordait il y a vingt ans, les divers thèmes de Sex And the City n’étaient que prétextes à la comédie lors de sa diffusion. Et ces nouvelles thématiques dans cette suite sont traitées de la même manière et intégrées dans cette intrigue dans l’unique but de prouver que la série ne sera plus ce qu’on lui reprochait à son époque.
Que raconter d’intéressant ?
Tout cela au détriment de la narration. Si l’on pouvait se demander à l’annonce de ce retour ce qu’on pourrait bien nous raconter – au-delà de jouer la carte de la nostalgie et étaler son catalogue de produits de mode ou de déco luxueux – au visionnage, fort est de constater : pas grand-chose.
Même ce qu’on voit était devinable bien avant la diffusion : pour justifier un retour il faut raconter un nouveau pan de la vie de ces femmes désormais bien installées dans leurs vies stables. And Just Like That ne déroge pas à la règle et racontera bien un nouveau chapitre de la vie de ces femmes dans les épisodes qui suivront, avec le twist amené maladroitement en fin du premier épisode.
Nouvelle ère… un peu beaucoup vue (et re-vue)
Un twist que l’on voit arriver très vite, avec la mort d’un personnage iconique qui a rythmé la vie de celle qui raconte son histoire romantique, ainsi que celles de ses copines. Un twist qui prouve que les prochains épisodes qui vont suivre seront axés sur la nouvelle vie de Carrie sans son Mister Big. Carrie la Veuve… et comment ses amies vont tenter de l’aider à surmonter cette épreuve.
La femme va devoir se réinventer sans son homme et partager son deuil avec le spectateur, tout en continuant bien évidemment à profiter de sa vie huppée New-Yorkaise (si vous avez l’impression de lire le pitch d’un téléfilm de Noël, vous n’êtes pas seul).
Un trope scénaristique vu et revu en télévision, autant que celui de l’alcoolisme choisi pour Miranda (oui on le voit venir de loin, Miranda est alcoolique, tous les indices clichés de l’alcoolisme sont dans ces épisodes…).
Plus gênant qu’autre chose…
Les époques ont changé, les mœurs aussi, tout comme ce qu’on regarde. Les séries codifiées comme Sex And The City, produit d’une Télévision et d’une époque révolue, n’ont plus leur place aujourd’hui et ne font plus rêver les spectateurs. Surtout à l’ère du Peak TV, avec des séries palpitantes et inventives à foison.
Si l’on s’attendait à ce que ce retour joue sur la nostalgie et certains codes de la série, on aurait aimé qu’elle soit moins superficielle que ce qu’on a pu voir. Et surtout plus inspirée.
La vie frivole de femmes bourgeoises quinquagénaires dans un New York idyllique post-covid aurait pu être intéressante – surtout qu’on se concentre rarement sur des femmes matures à la télévision depuis Desperate Housewives – si elle se réinventaient loin des codes de la série originelle et non dans un monde de bourgeois désinvoltes, alors que l’écart entre les plus riches et les plus pauvres est de plus en plus grand aux USA. Il ne suffit pas de réinventer un titre pour réinventer une série dans une nouvelle ère, il faut comprendre cette ère.
Stop au remake/revival/reboot
Comme toutes ses consœurs des années 90 qui ont eu l’honneur (ou déshonneur restons réaliste) de revenir sur les écrans, And Just Like That ne déroge pas à la règle du reboot/remake : une série ne fonctionne et ne devient populaire que parce qu’elle est un produit de son temps. Et celle-ci, comme beaucoup d’autres, ne réussit pas sa mue, ni sa mise à jour.
Ressusciter un retour deux décénnies après sa première diffusion, sans avoir un projet et une inspiration réelle pour raconter quelque chose d’inédit et novateur, surtout à une époque qui ne correspond en rien aux codes de la série (surtout si elle a mal vieilli) ne fonctionne que rarement. Bon nombre avant elle l’ont prouvé, de Heroes en passant par X-Files et tant d’autres… Arrêtons le massacre, une bonne fois pour toute.
Crédit photos : ©HBO/Warner 2021
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