American Gods est disponible sur Amazon Prime en France après sa diffusion hier sur la chaîne Starz. Critique d’un pilote visuellement sublime et narrativement déroutant, qui laissera sans nul doute perplexe à sa fin
Ca y est, Amazon Prime a mis en ligne le premier épisode de la nouvelle série à sensation adaptée d’un best-seller de renom : American Gods. En co-production avec la chaîne Starz, le public français peut découvrir dès aujourd’hui le premier épisode de la série adaptée de l’imaginaire de Neil Gaiman qui a tant fait parler d’elle, sur la plate-forme de streaming du géant de l’e-commerce. Le résultat ne décevra pas les lecteurs, mais pourrait bien laisser les spectateurs non-aguerris un peu… perplexe.
Produite et créée par Bryan Fuller et Michael Green, avec à la réalisation des trois premiers épisodes, David Slades (Hannibal, 30 days of night, Twilight) , American Gods est, à vue de son pilote, bien une production Fuller, que ce soit dans le fond ou la forme, tant elle ressemble visuellement à Hannibal, la dernière série de son showrunner et créateur.
Nouveau monde, nouveaux dieux
Pour ceux qui sont passés à côté de la promo à outrance de la chaîne Starz pour son nouveau poulain, le pitch est assez simple. American Gods est une œuvre littéraire écrite et publiée peu après les évènements du 11 septembre 2001, avec pour but de réfléchir sur l’Amérique d’aujourd’hui, comprendre les mécanismes de ses nouvelles et anciennes croyances, mais aussi l’humanité à travers ses mythes.
L’histoire est celle de Shadow Moon (Ricky Whitlle), un ancien détenu qui devient garde du corps et compagnon de voyage de Mr Wednesday (Ian McShane) un escroc qui est en réalité un ancien dieu. Il a pour mission de rassembler ses forces afin de combattre les nouvelles divinités du monde moderne, incarné par le consumérisme, les médias, et les nouvelles technologies.
Violence, sang, rites et autres images gores
D’emblée, le ton de la série est donné : le spectateur va faire face à une violence hors normes dans American Gods, qu’elle soit humaine ou divine. Entre images de sang qui gicle, combats à mains nues, scène de sexe dévorante, violence sentimentale ou mortelle… American Gods sera sans conteste une série qui pousse à montrer la douleur, le véritable mal de ce monde, sous toutes ses formes. Un mal fondamentalement humain, que certains s’infligent à soi-même et aux autres, sans avoir besoin d’une incarnation mystique pour ce faire.
American Gods c’est aussi l’histoire d’un homme qui cherche à se reconstruire. Une reconstruction après 3 ans de prison et un devoir de réinsertion dans la société. Mais aussi une reconstruction après la perte d’un être cher, dont on apprend la trahison, posthume. Shadow Moon est sans conteste un personnage, bien que stéréotypé, puisqu’il incarne un prisonnier en soif de rédemption et d’une vie bien rangée, qui fera plaisir à suivre, puisque le spectateur s’attache d’emblée à ce dernier, grâce à la sensibilité du jeu de Ricky Whitlle, dont le charisme est l’un des atouts principaux de Moon. A la fois taciturne et touchant, Shadow Moon va être le point d’ancrage du spectateur dans un monde qu’il a du mal à comprendre, comme son héros.
Perplexe
Le pilote de American Gods laissera sans nul doute beaucoup de ses spectateurs dubitatifs. En effet, il n’explique pas grand-chose, si ce n’est les enjeux de Shadow Moon après sa sortie de prison et ce nouveau job qui s’offre à lui. Si on n’a pas lu le roman avant le visionnage de ce pilote, le Cerveau est quasi certain que beaucoup ne pourront que jouer aux déductions sur ceux qui n’ont pas été présentés.
Comme la déesse Bilquis (ou Reine de Saba dans la langue française puisque Bilquis est son nom en arabe dans sa référence coranique) dont la séquence n’est en lien avec aucune autre du pilote. La séquence d’ouverture aussi pourrait dérouter, puisqu’il s’agit d’une histoire contée par un auteur en voix-off, qui revient sur un conte viking qui raconte la découverte d’un nouveau monde effrayant et dangereux. Si les plus malins arriveront à faire le lien entre cette parabole et Mr Wednesday (qui est bien évidemment le dieu du vent de ces navigateurs d’un autre monde, aka Odin – aucun lien avec Marvel – cela dit en passant) la narration de American Gods se veut tout aussi mystérieuse que mystique, histoire de ne pas révéler tout de suite les enjeux de la série. Un postulat narratif intéressant mais aussi dangereux, puisque bien évidemment, American Gods n’est pas une série simple, tout comme son roman. Rajouter de la complication, à défaut d’intriguer, pourrait faire fuir beaucoup de spectateur, las de ne pas avoir plus d’explications sur certaines séquences oniriques ou fantasmées, entre deux avancées du personnage principal.
Graphique et stylisée
American Gods est sans conteste la digne héritière de Hannibal, puisqu’on retrouve dans ce pilote des plans stylisés, des scènes de combats assez épiques, et des images de rêves d’une esthétique inégalée. Les séquences de combats se font souvent sous des effets de bullet-times et autres close-up typiques des préférences visuelles du créateur de la série, entre bains de sang et imagerie gore, plans en macro, histoire de sublimer ce qui aux premiers abords, semble macabre et mortuaire. Une esthétique toujours appréciable en télévision, mais qui, on l’espère, ne fera pas retomber le showrunner dans ses défauts habituels, à savoir privilégier l’image sur une certaine cohérence narrative.
Casting de choix et genèse d’un monde divin
Au casting de cette nouvelle série où se mêlent religion, mythes et réalité, on trouve entre autres, Emily Browning (Laura Moon), Gillian Anderson (Media), Yetide Badaki (Bilquis), Peter Stormare (Czernobog), Dane Cook, Bruce Langley (Technical Boy), Cloris Leachman (Zorya Vechernyaya), Pablo Schreiber (Mad Sweeney), Jonathan Tucker (Low Key Lyesmith), Crispin Glover (Mr. World), Orlando Jones (Mr. Nancy) et Kristin Chenoweth (Easter)…
Autant d’acteurs pour des personnages dans une espèce d’Olympe bien réelle, entre rivalité divine et critique de notre société parfois trop axée sur la consommation et l’immédiaté. Le Cerveau espère tout de même que la multiplicité des thèmes, motifs et personnages du roman de Neil Gaiman ne feront pas l’intrigue s’égarer loin de ces thèmes, vers une espèce d’ode mystique et macabre sans fond. L’implication de l’auteur dans la série assure un gage de cohérence pour la suite
Pour savoir si American Gods sera plus explicite dans sa suite, pour ceux qui ne souhaitent pas se plier à la lecture du roman qui l’inspire, il faudra attendre les épisodes prochains. En attendant, le Cerveau vous conseille de réviser les diverses mythologies du monde, car en termes de croyance païennes, il y a de quoi faire depuis la nuit des temps… histoire d’identifier plus facilement les prochaines divinités auxquelles le spectateur et autres héros d’American Gods devront faire face.
Crédit photos : ©Starz
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