Critique de Seven Seconds, nouvelle série Netflix sur un système judiciaire américain injuste. Une série dure à regarder mais nécessaire.
La semaine dernière, Netflix a lancé Seven Seconds, une nouvelle série dramatique créée par Veena Sud, la créatrice de la version américaine de The Killing. Sa nouvelle série de 10 épisodes suit une affaire délicate sur la mort d’un adolescent. A la différence de The Killing, la question du coupable n’est pas traînée à n’en plus finir. C’était l’une des frustrations de la précédente série de Sud. Dans Seven Seconds, la question principale de la série n’est pas qui est coupable et que s’est-il passé, c’est est-ce que justice sera faite ? Le coupable va-t-il payer pour son crime ?
Dès les premières minutes du premier épisode, les téléspectateurs savent qui est responsable de l’accident, on y assiste. C’est un flic blanc, hors service au moment des faits qui distrait par un coup de téléphone en allant rejoindre sa femme enceinte à l’hôpital, percute Brenton Butler, un adolescent noir de 15 ans à vélo, avec sa voiture. Il appelle ensuite ses collègues policiers qui couvrent l’accident et laissent l’enfant pour mort sur les lieux dans la neige, comme si de rien n’était.
Le public sait donc exactement ce qui est arrivé. Ceux qui sont dans l’ignorance, ce sont l’inspecteur de la crim’ chargé de l’enquête, Joe « Fish » Rinaldi (Michael Mosley) et la substitut du procureur, K.J. Harper (Clare-Hope Ashitey). Ce duo que tout oppose va passer plusieurs épisodes à tenter de résoudre l’affaire de la mort de Brenton et bien évidemment, ils ont leurs propres démons, notamment KJ qui est une femme douée mais torturée. Du côté de la famille du garçon, ils cherchent des réponses et ses parents Latrice Butler (Regina King) et Isaiah Butler (Russell Hornsby) vont finir par se déchirer.
Un système à deux vitesses
Sur certains points, Seven Seconds se rapproche de la série American Crime (dans laquelle jouait notamment King) qui suivait des histoires criminelles et d’injustices sociales. Là où American Crime avait aussi un discours sur le système judiciaire américain à deux vitesses et ses injustices, la série était surtout dirigée par ses personnages et ce qu’ils traversaient, plus que l’affaire criminelle en elle-même. Dans Seven Seconds, ce n’est pas tout à fait pareil parce que Sud tente d’être un peu partout. On se retrouvent ainsi avec une série qui est à mi-chemin entre le mélodrame familial, la série policière façon The Shield avec une police corrompue et le procédural à la New York Police Judiciaire.
Regina King est incroyable dans le rôle de cette maman qui recherche la justice pour son fils. King a toujours été remarquable dans chacun de ses rôles, notamment dans The Leftovers et American Crime, et ça ne change pas ici. Elle est clairement la meilleure chose de cette série qui a par moment du mal à se trouver même si les bases d’un bon drame sont réunies. En fin du compte, il faudra un certain temps avant de réellement se plonger dans cette histoire, une histoire difficile, qui fait mal au coeur et qui vous dégoûte de la justice. Elle permet aussi de regarder au coeur de ce système et force les gens à se remettre eux-mêmes en question.
Un manque de nuances
Si la série est très intéressante, elle met un petit moment à démarrer et possède quelques moments de flottement et un ventre mou dans certains épisodes. Elle a peut-être deux épisodes de trop parce que 8 épisodes auraient été suffisants pour raconter cette tragédie. Il faudra attendre la fin de l’épisode 4 pour qu’un véritable développement dans l’affaire se passe. Les acteurs sont, sans équivoque, très bons dans le rôle, de David Lyons à Clare-Hope Ashitey, en passant par Raul Castillo, ce qui permet au téléspectateur de tenir. Ils font de leur mieux pour raconter cette histoire qui plonge dans les rouages d’un système malheureusement corrompu et souvent raciste.
On a tout de même du mal à s’attacher certains des personnages parce qu’ils sont horribles. Le téléspectateur aura sans doute mal au coeur pour les parents et souhaitera que KJ gagnent l’affaire mais il est très dur de soutenir les actions d’autres personnages, les policiers en particulier qui ne montrent pas souvent de remords ou de regrets par rapports à leurs actions.
Bien évidemment certains personnages sont creusés et plus en nuances mais d’autres restent en surface et sont simplement “les méchants flics”. La police de Jersey City, là où se déroulent les événements, est clairement l’ennemi et son portrait n’est pas flatteur. Cependant, la vie a montré que dans beaucoup d’affaires de ce type, la police est incompétente et la série le souligne. Même si le jeune garçon qui a été renversé et tué n’était pas un enfant de chœur, il est rapidement accusé de faire partie d’un gang ce qui diminue sa valeur aux yeux de certaines personnes, comme s’il était un moins que rien alors qu’il se trouvait simplement au mauvais endroit, au mauvais moment. Les gens ne le connaissent pas et ont tout de suite des a priori sur lui uniquement parce qu’il aurait des connaissances qui font partie d’un gang.
Un message fort
Le message de Seven Seconds reste fort, opportun et authentique mais la série a ses défauts en laissant certaines choses de côté. Elle traite néanmoins des tensions raciales dans le pays et souligne les problèmes entre la police et les minorités. La série possède ses moments forts parce que cette histoire est malheureusement le reflet d’une certaine réalité actuelle. Les séries américaines vont de plus en plus dans ce sens et n’hésitent pas à dénoncer certaines injustices dans l’Amérique de Trump où la parole raciste s’est malheureusement ouverte. Elles essayent de montrer ce qu’est l’Amérique du moment et dans un sens, Seven Seconds arrive à faire le portrait d’un pays brisé et divisé.
Seven Seconds est donc une série à voir et sans spoiler, les derniers instants vous laisseront probablement sans voix et feront mal au coeur.
Seven Seconds est disponible sur Netflix.
Crédits ©Netflix
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