Swarm : Quand la « Stan Culture » prend un tournant mortel

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2.5

Retour sur Swarm, nouvelle série co-créée par Donald Glover avec Dominique Fishback en fan excessive.

La semaine dernière, Prime Video a lancé Swarm, une comédie d’horreur satirique co-créée par Donald Glover et Janine Nabers, qui explore la culture des fandoms, pour le meilleur et surtout pour le pire.

Swarm s’ouvre sur un message qui dit que « ceci n’est pas une œuvre de fiction. Toute similitude avec des personnes réelles, vivantes ou décédées, ou des événements réels, est intentionnelle », puis on découvre Ni’Jah, une star qui fait immédiatement penser à Beyoncé.

Mais la star de Swarm, ce n’est pas Ni’Jah, c’est Andrea « Dre » Greene, grande fan de la pop-star depuis son enfance, prête à tout pour voir son idole, même à dépenser l’argent de son loyer pour acheter des places de concert hors de prix. Dre, jouée avec une intensité folle par Dominique Fishback, est une vraie fan, elle fait partie du Swarm (l’Essaim) le nom des fans de Ni’Jah qui rappel évidemment le Beyhive, terme qui fait référence aux fans de Beyoncé.

Un parallèle peu subtil

Swarm se déroule entre avril 2016 et juin 2018 – une période qui s’aligne directement sur une période particulièrement ardente pour le Beyhive, avec la sortie de Lemonade, la naissance de ses jumeaux, l’étrange incident « qui a mordu Beyoncé » et le triomphe de « Beychella » (Beyoncé à Cochella), qui ont tous des parallèles quasi directs dans la série. Ce n’est absolument pas subtil.

Dans la tradition d’Atlanta, Donald Glover aime provoquer et adore porter son public à confusion. Lui et la co-créatrice Janine Nabers (qui a aussi contribué sur Atlanta), tentent beaucoup de choses sur seulement sept épisodes de plus ou moins une demi-heure mélangeant horreur, film de casse de strip-teaseuses, une parodie de documentaire façon « true crime », ou encore un regard sur une secte de femmes.

Mais Swarm est avant tout une satire sanglante (littéralement) et provocante des fandoms et de leur extrême dévotion envers les pop stars. Le trait de caractère prédominant de Dre – souvent, au détriment de la série, son seul trait – est une loyauté inébranlable envers Ni’Jah brandie comme licence pour détruire littéralement quiconque ne souscrit pas à sa règle. « Qui est ton artiste préféré ? » demande-t-elle à plusieurs reprises de manière menaçante, alors qu’elle tue toutes celles et tous ceux qui s’opposent à elle ou ont quelque chose de négatif à dire sur son idole. La série tente ainsi de plonger dans la Stan Culture, un terme tiré de la chanson d’Eminem Stan, qui parle du fanatisme obsessionnel.

Satire froide et déshumanisante

Si le sujet est intéressant et qu’il y a une approche artistique vraiment prenante, Swarn finit par être une satire froide et sans fond à propos d’une tueuse en série maniaque. Dominique Fishback est brillante, elle donne tout ce qu’elle a, elle est absolument captivante dans le rôle. C’est une vraie star et elle mérite mieux, elle mérite un personnage avec plus de profondeur et de considération.

Le plus fou, c’est que Donald Glober a lui-même avoué dans une interview que Dre n’a pas de profondeur et a dit qu’il avait conseillé à Fishback de penser à sa performance « plus comme un animal et moins comme une personne ». Il y a ainsi une déshumanisation de ce personnage, mais surtout une déshumanisation des femmes noires en générale.

De bonnes idées mais en surface

Il y a une tentative de discours sur l’invisibilité des femmes noires dans la société, mais la rage de Dre n’est jamais vraiment expliquée, Dre n’est jamais perçue comme une vraie personne. Fishback fait clairement ce qu’elle peut pour lui apporter une nuance qui n’est pas présente sur le papier et c’est à saluer parce que ce n’est pas facile. Il y a un discours possible sur la santé mentale, surtout après un traumatisme qu’elle a vécu, mais la série ne s’engage jamais sur ce terrain et fait le portrait de Dre comme une sociopathe gênante et dérangée.

La série a tout de même de très bonnes idées avec des caméos bien pensés, notamment Paris Jackson (fille de Michael Jackson) en strip-teaseuse blanche qui insiste sur le fait qu’elle est noire (« mon père est moitié », dit-elle) ; Billie Eilish fascinante dans le rôle d’une leader de secte, ou encore un épisode façon documentaire bien ficeler qui se fait demander si cette histoire est réelle ou non. Le casting de Chloe Bailey, protégée de Beyoncé, dans le rôle de la meilleure amie de Dre est aussi très malin.

Il y a un vrai sujet intéressant à creuser dans Swarm parce que les fandoms en tant que phénomène et expérience, tant au niveau collectif que personnel, sont bien plus complexes, contradictoires, étranges et intéressants que ce que montre la série. Swarm est une série audacieuse et étrange, mais elle ne va pas au bout de son défi et joue beaucoup trop sur la provocation brutale et le gore.

Swarm est disponible sur Amazon Prime Video.

Crédit ©Prime Video

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