Monstre – L’histoire de Jeffrey Dahmer : Se souvenir des victimes, pas du tueur

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Critique de la mini-série Dahmer – Monstre : L’histoire de Jeffrey Dahmer qui met la lumière sur les victimes du tueur en série.

Cette semaine, Netlix a dévoilé la mini-série Dahmer – Monstre : L’histoire de Jeffrey Dahmer. Créée par Ryan Murphy (Glee, American Horror Story, American Crime Story) et son fréquent collaborateur Ian Brennan, la série suit le tueur en série notoire Jeffrey Dahmer.

Alors qu’il existe des dizaines de projets basés sur la vie de Dahmer, « Monstre » (c’est comme ça qu’on nommera la série et cette personne à partir de maintenant dans le reste de la critique) se différencie en racontant l’histoire du tueur également du point de vue de ses victimes, donnant un aperçu rare de leur vie.

Evan Peters, qui a travaillé avec Murphy sur plusieurs saisons d’American Horror Story, joue le rôle du monstre titulaire. Dans le reste du casting, on trouve Richard Jenkins, Penelope Ann Miller, Michael Learned et Molly Ringwald – qui apparaissent tous comme des membres de la famille du tueur. Mais contrairement à d’autres projets, même si l’attention reste beaucoup sur le tueur, le regard sur l’environnement de ce monstre s’étend à ceux qui ne font pas partie de sa famille.

Dans « Monstre« , Glenda Cleveland (Niecy Nash) est un personnage remarquable qui joue un rôle clé dans l’arrestation du serial killer. Alors que les grandes lignes de la vie et des meurtres de ce criminel sont de notoriété publique, il est difficile de se souvenir de projets et des histoires qui mettent en lumière les efforts héroïques de Cleveland et la souffrance des familles des victimes.

L’appartement de l’horreur

La série commence par la fin, en 1991, alors que le tueur en série prolifique, nécrophile et cannibale (Peters) drague Tracy Edwards (Shaun J. Brown) dans un bar gay de la région de Milwaukee et le ramène dans son appartement miteux, où absolument tout est un « red flag » : il y a une perceuse trempée de sang, un réservoir rempli de poissons morts, une odeur purulente, un mystérieux baril bleu et un magnétoscope jouant L’Exorciste III sur la télé.

Par chance, après s’être battu pour sa vie, Tracy s’échappe et trouve la police qui se rend à l’appartement du tueur cannibale. On découvre rapidement qu’il avait, depuis la fin des années 70, assassiné et fait des choses horribles avec les corps de 17 jeunes hommes, principalement des jeunes hommes de couleur. En effet, une grande partie de ses victimes était des hommes noirs et asiatiques.

Un système raciste et homophobe

Il est difficile de faire confiance à Ryan Murphy et son équipe quand on parle d’histoire vraie de ce genre, on se souvient de The Assassination of Gianni Versace qui a fait dans le sensationnel mais dont le but était de dénoncer l’homophobie du système. Avec cette série, il a une véritable tentative de dénoncer un système raciste et homophobe dont ce monstre a profité pendant des années et qui lui a permis d’échapper à la justice.

Si certaines personnes doutent que le racisme systémique institutionnel et le privilège blanc existent, cette affaire en est la preuve. Le but de Murphy et Brennan est clairement de dénoncer le racisme systémique américain et rendre aux victimes le respect qui leur est dû. Cependant, la série donne aussi du temps d’antenne inutile à deux autres tueurs (Ed Gein et John Wayne Gacy) au lieu de consacrer ce temps aux victimes. On aurait pu s’en passer.

Des victimes ignorées par la société

On se répète un peu, mais la seule chose que nous voulons retenir de cette affaire sordide, ce sont les victimes. C’est à elles que l’on pense et à leurs familles qui ont souffert alors que ce monstre était la seule chose dont la presse et tout le monde parlaient.

Monstre est une série est vraiment difficile à regarder, pour laquelle il faut avoir le cœur bien accroché. Mais elle a le mérite de mettre en lumière des personnes qui sont souvent oubliées, ignorées par une société obsédée par les tueurs en série.

A partir de l’épisode 6, il y a une véritable empathie pour les victimes qui s’installe quand on suit l’histoire de Tony Hughes (joué par l’acteur sourd Rodney Burnford), l’une des rares victimes avec qui le tueur a eu un semblant de relation. Tony était sourd, noir et gay et en plaçant une telle personne au centre du récit, la série donne la parole à quelqu’un dont la voix a trop souvent été exclue des portraits de tueurs en série. C’est facilement le meilleur épisode de la série, une heure de télévision inconfortablement douce et triste qui aurait probablement dû être le centre de toute la série.

Le problème des séries « basées sur des faits réels »

Il n’y a rien à redire sur le jeu d’acteur d’Evan Peters, qui pourrait décrocher un deuxième Emmy Award avec cette performance, il est très bon et fait vraiment froid dans le dos, mais celle qui vous brisera le cœur, c’est Niecy Nash qui incarne la voisine Glenda Cleveland, avec ses trippes.

Cette femme a été ignorée pendant des mois alors qu’elle savait que quelque chose de louche se passait dans l’appartement voisin. Tous ses appels à la police n’ont jamais été pris au sérieux et quand elle a tenté d’aider un jeune garçon de 14 ans d’origine laotienne (Konerak Sinthasomphone) qui était clairement en détresse, la police a ignoré la situation et l’a remis entre les mains de son bourreau.

Nous sommes ici dans un grand dilemme, parce que d’un coté, il est important de se rappeler des victimes et de les honorer, mais d’un autre côté, rien que de parler de ce monstre est dangereux, parce que beaucoup de personnes l’idolâtre et c’est révoltant.

Il faut se souvenir que ce sont de vraies personnes qu’il a tué et disséquées pour son propre plaisir et il semblait n’avoir aucun remords. Il faut aussi être vigilent de ne pas réduire les familles et les victimes à leur peine en l’exploitant plutôt que de leur rendre hommage. Et c’est bien le problème avec ce genre de série, on peut vite tomber dans le sensationnalisme et oublier qu’on parle de vraies personnes humaines.

En elle-même, la série a une structure déjà vue avec de multiples flashbacks et elle a des longueurs, 10 épisodes pour du « true crime », c’est trop, mais l’intention derrière est d’humaniser les victimes et on le ressent. Cependant, ces personnes ne sont pas celles qui tirent profit de la série et c’est un problème qui laisse un gout amer. C’est un traumatisme et des blessures que les familles revivent à cause de la série.

Crédit ©Netflix

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