Les Nouveaux Sauvages : un film de taré complétement génial

Critique des Nouveaux Sauvages, chef d’oeuvre de Damián Szifron en salle ce mercredi 14 janvier.

Petits meurtre entre amis

Les Nouveaux Sauvages, film de Damian Szifron, présenté au Festival de Cannes, suit six histoires différentes, présentées les unes après les autres sans rapport apparent. Chacune des histoires trace la vie de personnages dont la vie quotidienne est tellement lourde qu’ils finissent par péter un câble et, littéralement, s’entretuer. On suit donc sur deux heures, six mini-scénarios sur le moment où les gens, accablés par leur vie de m€, explosent et font un truc taré.

Ce qui fait le génie du film, c’est que chacune de ces scènes sont plus tordantes les unes que les autres, et tellement malades, que le spectateur est pris non seulement dans l’action et le suspense des petits meurtres entre amis, tout en riant devant l’absurde des situations. Bombita raconte l’histoire d’un homme qui, ayant ras-le-bol de payer la fourrière alors que les plates bandes sont effacées, décide de la faire sauter. Ou bien Pasternak, un mec qui s’est tellement fait défoncer par ses proches, sa copine qui l’a lâchée, son prof qui n’avait pas foi en lui, son psychologue qui l’a viré, qu’il décide les mettre tous dans un avion et de faire crasher l’avion.

Ma nouvelle drogue

Pas de quoi s’étonner si le spectateur sort de la salle avec des palpitations, les yeux grands ouverts et les mains tremblantes, c’est l’effet Nouveaux Sauvages. Reprenant l’absurde de Ionesco et le too-much sanglant de Tarantino, Damian Szifron propose des histoires plus incroyables les unes que les autres. Une vraie cascade d’imagination et de délires d’une histoire à l’autre, où la tension de thriller est contrôlée à merveille par ce directeur de génie.

On rentre vite dans le sujet, on a le temps de respirer et de s’attacher aux personnages, puis l’histoire se précipite et on se retrouve accroché à son siège, se demandant de quelle façon encore super inventive le protagoniste va péter son câble et faire tout sauter. On prend plaisir à suivre des gens, les plus communs au monde, qui vont jusqu’au bout de leur folie. Comme la mariée qui pendant le bal de mariage apprend que son fiancé l’a trompé et décide de lui pourrir la vie, de l’humilier et de le rendre fou pour regretter toute sa vie de l’avoir épousé. Notons la géniale performance d’absolument tous les acteurs, tous plus charismatiques et crédibles les uns que les autres.

Un format palpitant mais creux

Le désavantage principal du format mini-saynète est qu’il n’y a pas de scénario complet. En rétrospective, on réalise que chacun des “extraits” de vie qu’on voit serait assez riche pour être le sujet d’un film intégral. Le moment de folie pourrait n’être qu’un des épisodes de l’histoire du protagoniste. Au lieu de prendre cette initiative plus classique, le réalisateur a relevé le pari des petites scènes à la suite. Résultat : une certaine fatigue et un manque d’intérêt de la part du spectateur pour le sujet et les personnages, qui ne construisent rien.

On penserait même qu’il s’agirait d’un essai filmatographique, destiné à des amis ou collègues réalisateurs qui décideraient de la meilleure des six histoires. On finit par attendre que l’accident arrive. Un film donc émotionnellement très fort mais intellectuellement superficiel. Le scénariste ne cherche d’ailleurs pas à faire une dénonciation sociale. Il s’agit plutôt de montrer des gens sauvages, comparés à des animaux de la jungle, qui ont des pensées bien criminelles. Du coup, si l’audience peut vraiment apprécier l’effet purgatoire de gens qui vivent leurs passions à fond les ballons, l’effet s’efface assez vite, et on a envie de retourner au ciné pour reprendre une dose de ce mélange addictif.

Bande-annonce des Nouveaux Sauvages de Damian Szifron

Crédits : Warner Bros