Avec The Newsroom, sur HBO, Aaron Sorkin revient dans les coulisses du pouvoir, cette fois-ci celui des média. The Newsroom présente un pilote solide mais manichéen.
La presse est le quatrième pouvoir. Le journalisme participe à la démocratie. Le devoir du journaliste est d’informer, de participer au débat, de commenter et de critiquer, d’analyser, de poser les questions, les bonnes questions. Celles qui gênent, qui ne plaisent pas aux Grands de Ce Monde. Voilà l’un des messages qu’Aaron Sorkin veut faire passer avec sa nouvelle série The Newsroom. Rappeler à une Amérique qui prend l’information pour du divertissement, à des chaînes et autres média qui cherchent plus à plaire qu’autre chose quel est leur rôle. Rôle que les chaînes d’informations américaines (et avouons-le françaises aussi) perdent souvent de vue. Et en plus du discours, parfois long et répétitif, Aaron Sorkin nous offre une démonstration magistrale et parfaitement réalisée de son propos dès ce pilote.
Malheureusement, si le discours est salutaire et bienvenu, il est gâché par une vision trop naïve et surtout manichéenne de la réalité. Monsieur Sorkin est un idéaliste ici. Parce qu’il est bien gentil de revenir au principe de base de la presse, en nous immergeant dans les coulisses de ce pouvoir, mais c’est beaucoup plus difficile dans une réalité et une économie difficile, où la survie d’une émission n’est due qu’à son audience. Il faut plaire et au plus grand nombre. Par le personnage de la productrice exécutive, MacKenzie, Aaron Sorkin assure qu’on peut plaire et être mordant et controversé même si on ne touche que 5% du public. Dans la réalité, 5% n’est jamais suffisant.
Le Michel Drucker de l’info
C’est ainsi qu’il nous présente Will McAvoy (Jeff Daniels), présentateur de l’édition du soir du JT de la chaîne ACN. Au début du pilote, il est présenté comme le journaliste parfaitement neutre. Il est même surnommé le Jay Leno de l’information parce qu’il est si neutre qu’il ne dérange personne. (En VF, cela sera sûrement traduit par Michel Drucker). En privé, c’est une autre histoire. L’homme est arrogant, suffisant et désobligeant avec son équipe. Et il ne cesse de hurler.
Une description parfaite pour ce personnage jusqu’à ce qu’il craque lors d’une conférence dans une université, appelant les démocrates des losers, les républicains des idiots et insulte au passage une jeune étudiante qui a osé la question « Selon vous, pourquoi les USA sont le meilleur pays du monde ? » Dans un très long discours, il explique en plusieurs points que l’Amérique n’est plus le meilleur pays du monde mais rappelle comment le pays l’a été autrefois.
Après ça, il part en vacances forcées. A son retour, son équipe change, contre sa volonté. Sa nouvelle productrice exécutive est son ex-petite amie et elle tente de le persuader de retrouver la niaque d’antan, de revenir aux vraies valeurs du vrai journalisme, de quitter son personnage de présentateur de JT affable, neutre et consensuel. Bien sûr, pour mieux le convaincre arrive une information importante. La marée noire provoquée par l’explosion des puits de pétrole de BP en plein golfe du Mexique.
Le génie Sorkin
Sorkin a ici une idée de génie. Il place The Newsroom en 2010 et utilise des actualités que nous connaissons tous. Il est aussi fait référence à un certain prototype d’iPhone oublié dans un bar (C’était à la mode à l’époque d’oublier des trucs confidentiels dans les bars). Le public n’est donc pas distrait par l’information en elle-même. Il la connaît déjà, connaît ses tenants ses aboutissants, les faits et les conséquences. On peut donc beaucoup mieux se concentrer sur la manière de traiter l’information. ACN doit-elle se concentrer sur la belle histoire de la tentative de sauvetage qui fera pleurer dans les chaumières et assure l’audimat ou sur le risque écologique et la marée noire qui peut en découler (et en découlera), mais va déplaire aux annonceurs et tout une frange du public ? La seconde solution est forcement choisie ici, prouvant, avec quelques facilités scénaristiques gênantes et une certaine arrogance, le propos de Sorkin.
The Newsroom vaut le détour. Les personnages sont parfaitement installés dès le pilote, dans leurs qualités, leurs défauts, leur potentiel et leur relation les uns avec les autres. La réalisation est exceptionnelle, en particulier lors de la préparation et de la diffusion du journal. Sorkin arrive à faire ressortir le stress et l’adrénaline que provoque ce moment. Les acteurs offrent d’excellentes prestations, en particulier Jeff Daniels. Aaron Sorkins est de retour. Aussi bien dans ses qualités que dans ses défauts. Mais ça vaut le coup de supporter un message parfois arrogant et manichéens et quelques longueurs dans les dialogues pour profiter des qualités scénaristiques, de mise en scène et des acteurs et surtout l’intelligence de The Newsroom.
Crédits photos ©HBO
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