Critique de Syngué Sabour – Pierre de Patience, film d’Atiq Rahimi en salles le 20 février.

Au pied des montagnes de Kaboul, un héros de guerre gît dans le coma ; sa jeune femme à son chevet prie pour le ramener à la vie. La guerre fratricide déchire la ville ; les combattants sont à leur porte. La femme doit fuir avec ses deux enfants, abandonner son mari et se réfugier à l’autre bout de la ville, dans une maison close tenue par sa tante. De retour auprès de son époux, elle est forcée à l’amour par un jeune combattant. Contre toute attente, elle se révèle, prend conscience de son corps, libère sa parole pour confier à son mari ses souvenirs, ses désirs les plus intimes… Jusqu’à ses secrets inavouables. L’homme gisant devient alors, malgré lui, sa « syngué sabour », sa pierre de patience – cette pierre magique que l’on pose devant soi pour lui souffler tous ses secrets, ses malheurs, ses souffrances… Jusqu’à ce qu’elle éclate !

Adapté du roman écrit par le réalisateur lui-même et prix Goncourt en 2008, Syngué Sabour – Pierre de patience est avant tout un voyage en introspection de la vie d’une femme dans un pays en guerre.

Une femme au coeur du Moyen-Orient

Le film rappelle la place des femmes dans les pays du Moyen-Orient. Il ouvre les yeux sur leurs conditions. Syngué Sabour, c’est l’histoire d’une femme qui pourrait être n’importe quelle femme dans un Afghanistan en guerre. Fait exprès qui le souligne, le personnage n’a pas de nom. C’est une femme blessée mais forte qui fait tout pour sauver son mari qui l’a toujours méprisée. Elle s’occupe de lui en risquant sa vie. Le film est assez intéressant et met un projecteur sur cette femme de courage. Il donne le point de vue d’une femme qui se retrouve seule à élever ses enfants dans un pays en guerre, qui tente de les protéger. Une femme pleine de secrets et de désirs inavouables. Elle va se sentir de plus en plus à l’aise, se laisser aller et révéler ses secrets les plus enfouis à son mari sans qu’il ne puisse les entendre. Elle discute avec lui, ou du moins, elle lui parle, revient sur sa vie et tente de réaliser qui elle est vraiment.

Une femme libérée

Des sujets tabous sont abordés comme la sexualité. Ce personnage est avant tout une épouse et une mère avant d’être une femme. Le film nous montre une réalité quotidienne dans les pays du Moyen-Orient en guerre. Une réalité dont on se doute mais qu’on ne connait pas vraiment. Sa relation avec le jeune soldat (qui démarre assez mal) lui rend son statut de femme désirable. Chose complètement impensable dans son pays. Elle qui a vécu dans l’ombre de son mari militaire va sortir de sa réserve en se confiant à « sa pierre de patience ». Sa parole va la libérer mais aussi libérer son corps. Cette relation avec le soldat semble malsaine au départ et rend le spectateur mal à l’aise, parce qu’il l’a forcée. Cependant, elle va prendre le dessus et surtout reprendre le contrôle.

Une actrice à la hauteur

Il y a tout de même des longueurs puisque le film est surtout un monologue de Golshifteh Farahani qui tient le long-métrage de bout en bout. Le talent de l’actrice fait vivre l’histoire aux spectateurs. Cela dit,  le côté trop bavard du film affaiblie la puissance de l’histoire. Farahani délivre son texte avec talent. On est avec elle et on l’écoute même si parfois on se perd un peu dans son discours. Le message du film est fort mais la mise en action l’est moins. On a ici une adaptation presque littérale du livre qui conviendrait parfaitement pour le théâtre. Il est clair qu’avec ce procédé, le réalisateur veut nous montrer la solitude de cette femme, sa douleur, que l’on la ressent d’ailleurs.
La fin du film est assez prévisible si on est bien attentif. On voit comment les choses vont se terminer. Mais Pierre de Patience est avant tout une histoire bouleversante. Il faut souligner la magnifique photographie du film qui met en lumière l’interprétation presque sans faute de l’actrice principale.

Bande-annonce

Crédit images ©Studio 37