Hannibal : Bilan de saison mi-figue mi-raisin

10

3.0

Vous reprendriez bien un petit peu de veau ? L’heure est au bilan pour cette première saison d’Hannibal. Un  bilan mitigée pour une série bien en dessous de son potentiel.

Hannibal, saison une, s’est terminée jeudi soir sur NBC. Avec son arrière-goût de potentiel non atteint et son goût très prononcé pour les échanges psychologico-intelectuels, au bilan de cette première saison le Cerveau est mi-figue mi-raisin. A la fois conquis et dubitatif sur l’exécution de la série. Entre échanges thérapeutiques et visions fantastiques dignes d’une peinture exposée dans un musée, Hannibal souffre d’un manque véritable de fond et d’occasions saisies pour générer vraiment du mystère et une intrigue à la hauteur du tueur cannibale le plus célèbre du 7ème art. Retour sur une saison inégale.

Contemplation

040413-Hannibal-600La lenteur du pilote pouvant être excusable et utile pour l’exposition des personnages et de l’arc qui conduira cette saison, le rythme est l’élément absent dans les épisodes qui suivent. Une absence au profit d’échanges contemplatifs et intellectuels, éléments fondamentaux de la série. Ainsi des «Amuse bouche» (1×02) à l’ «Entrée» (1×06), et même avec un «Buffet Froid» (1×10), point d’évènement qui scotchera au fauteuil. Dans Hannibal, on contemple l’esthétique, les échanges poussés entre personnages, on se laisse bercer par la musique à la fois classique et électrisante de la série sans pour autant être happé par cette dernière.

Avec ses images métaphoriques assez simples emballées dans une imagerie digne du cinéma à laquelle on ne peut faire aucun reproche par son excellence dans la réalisation, des plans en passant par la couleur ou la musique choisis pour certaines séquences d’épisodes, Hannibal n’a malheureusement pas profité de nombreuses occasions de se créer une intrigue fil rouge solide et originale en dehors de celle beaucoup trop exploitée de Hobbes, le tueur à bois de cerf du pilote. Après plusieurs épisodes exposant «un tueur de la semaine» et la résolution des meurtres de cadavres trouvés ici et là, Hannibal use de ce fil rouge dans plus de six épisodes, à coup de méandres psychologiques et discussions métaphysiques, sans véritablement développer un arc digne d’un cop-show de cette prétention. Une prétention qui veut briser les codes du genre mais qui n’y parvient que vaguement de manière totalement déséquilibrée.

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Hannibal, suite à ce final prouve indubitablement qu’elle est hantée par  les longs métrages qui l’ont inspiré. Pas assez creusée, beaucoup trop contemplative, banalisée et surtout peu étonnante, cette première saison est presque convenue, puisqu’elle suit la mécanique de tout cop-show qui se respecte : cadavre trouvé, autopsie, profiler qui profile, tueur attrapé… En assaisonnant le tout et à tout va de son fil rouge et de discussions psycho-intellectuelles à n’en plus finir, avant de servir, enfin, le plat de résistance dans son dernier épisode. C’est bien dommage, car elle a quand même beaucoup de qualités que d’autres lui envieraient. A commencer par son casting de choix dont le jeu est irréprochable et à couper le souffle pour certains (Hugh Dancy est étonnant dans la peau de Will), sa production sans fausse note et ses dialogues très travaillés (parfois trop).

Hannibal : l’androïde cannibale

Hannibal - Season 1Autre reproche : le manque de séduction du personnage d’Hannibal dans la peau du danois Mads Mikkelsen. Froid, analytique, distant, quasi inhumain, démoniaque mais sans le pouvoir de séduction du démon, comme dans les visions de Will dans l’épisode final de cette saison, le psychologue psychopathe ne crée pas la fascination attendue proposée au pilote. Il reste un personnage intéressant mais loin de générer le même respect et marquer les esprits de ceux qui ont été séduit au cinéma par l’horrible Hannibal Lecter. Car oui, l’Hannibal d’Hopkins nous dégouttait mais nous fascinait tout autant par son intelligence, son sentiment de toute puissance et son rire moqueur face à Clarice. Ici Hannibal ne se moque de personne.

Unidimensionnel

Bien que ce final propose un nouveau visage de Hannibal Lecter, ce scientifique psychologue qui tue sans affect et ressemble à un automate robotisé, montre dans Savoureux ses premiers signes de faiblesse émotionnelle suite à son acte envers Abigaël Hobbes. Il était temps. Dans Hannibal, quasiment tous les personnages sont unidimensionnels, de Jack (Laurence Fishburne) au Dr Du Maurier (Gillian Anderson). Même si cette dernière présage grâce à ce final un peu plus de profondeur et quelques surprises dans la saison prochaine, le seul qui est creusé et qui fascine est Will Graham. Sa fragilité et son empathie psychique avec les tueurs ainsi que sa déchéance due à la maladie, dans la folie de ses visions fascine le spectateur. C’est indubitablement le véritable héros de la série.

Chasseur-Chassé

Tableau de bois, bois de Cerfs et cerf dans les bois. Des visions étranges du héros Will Graham mais aussi un élément caractérisant le fil rouge de cette saison. Un animal mythique pour une analogie facile. Une image qui est bien évidemment la figure métaphorique de la relation qui unit Will Graham et Hannibal Lecter. Une analogie assez simple qui s’est exposée dès son pilote. Et la première séquence de ce final conforte cette symbolique parsemée à outrance durant la saison : Will Graham fusil au poing prêt à tirer sur un Cerf qui très vite prend silhouette humaine pour ne garder que ses bois sur le crane de cette créature humaine. Les bois de cerf, un symbole évident de la capacité à renaître d’Hannibal et de se dissimuler dans la société.

cerf figure métaphore Hannibal

Dans  Savoureux, Will Graham commence à comprendre inconsciemment qu’Hannibal n’est pas celui qu’il prétend et qu’il l’a manipulé. 13 épisodes de torture mentale et de masturbation psychologique plus tard, on offre au spectateur ce qu’il attend depuis le pilote : le réveil de Will Graham, dont la confiance aveugle envers son thérapeute était presque surréaliste. C’est enfin le début du véritable jeu, qui était jusqu’ici unilatéral, du chat et de la souris qui  est à la base de la mythologie de ce tueur.

Le chasseur est enfin devenu la proie. Là est toute la dualité de la série. Hannibal sensé être le chassé était plutôt chasseur. Celui qui mène la danse depuis le début sans aucune suspicion des personnages, jusqu’à faire accuser de ses atrocités celui qu’il décrit comme « son ami » à sa propre thérapeute. Le cerf, symbole des victimes de la série et de Will est donc transposé dans le final sur le personnage d’Hannibal pour illustrer sa dualité et sa méchanceté. Car oui, le cerf est aussi une figure noire de l’antiquité. Tel Cernunnos, dieu cornu des Enfers et symbole de richesse malvenue  pour les romains, on voit enfin Hannibal comme le Démon dans ce final.

Food Porn

hannibal-cumberlandHannibal c’est aussi comment donner envie de manger au spectateur au milieu d’imageries gores et violentes. Le goût sans l’action masticatoire et la jubilation de regarder les mets servit par le tueur légendaire. Autrement dénommé dans le langage commun : du Food Porn, façon tv-réalité culinaire. Les candidats de Top Chef n’ont plus qu’à ranger leurs tabliers, à l’épreuve de dressing d’assiette, Hannibal gagne haut la main. Mais à force de resservir les mêmes scènes de dîner digne d’un grand 5 étoiles, à défaut de générer comme dans le pilote de la fascination et du dégoût pour ces mets délicieusement dressés sur les plats, le spectateur est vite lassé de voir cet étalage de recettes parfois servies dans des scènes sans réel intérêt. C’est beau c’est joli, mais pas le but premier de ce genre de série.

Séances non remboursables

Hannibal c’est un peu une séance chez son psy qui tire sur la longueur tout en tentant d’explorer les méandres psychiques du psychopathe sans vraiment le faire. Le cœur de l’intrigue dans cette série est plutôt le caractère de Will Graham et son empathie de profiler avec laquelle joue Hannibal. Ce qui est dommage car quand on nous expose la genèse d’un tueur en série, ce que l’on attend c’est de voir le tueur en action tout en jouant de ceux qui pourraient le traquer. Cette saison est plus une « saison -pilote » qu’une véritable saison de série télévisée.

On espère que la saison 2 proposera de quoi remplir enfin son estomac, car la digestion de cette saison est un peu difficile pour une série qui aurait pu être tellement plus forte  que ce qu’on nous a proposé. Allez, on reste optimiste pour la suite.

Crédits photos : ©NBC

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