Critique des premiers épisodes d’Atlanta, la série de Donald Glover, qui fait un retour remarquable et prouve à nouveau son génie.
Après quatre ans d’absence, la série Atlanta, création de Donald Glover, est enfin de retour avec deux épisodes qui lance magnifiquement la saison 3. Clairement, la série n’a rien perdu de son génie, de son intelligence et de sa provocation. Et si la nouvelle saison de série se déroule en grande partie en dehors d’Atlanta, elle embarque complètement son état d’esprit avec elle à travers l’Europe pour la tournée de Paper Boi.
Pour rappel (parce que ça fait quand-même quatre ans) Atlanta, a été lancée en 2016 et suivait Earn Marks (Glover), qui convainc son rappeur de cousin Alfred « Paper Boi » Miles (Brian Tyree Henry), de le laisser être son manager. La comédie dramatique à l’humour parfois noir, suit les cousins et leur ami Darius (LaKeith Stanfield) ainsi que Van (Zazie Beetz) petite amie par intermittence d’Earn et mère de leur fille Lottie, alors qu’ils commencent à se faire une place dans l’industrie de la musique.
Mais la série se détourne également fréquemment de la musique pour se concentrer sur leur vie personnelle ou explorer des choses bien étranges comme l’exceptionnel épisode Teddy Perkins de la saison 2 ou encore un épisode en forme de parodie de BET avec une émission de débat avec publicités intégrées. Il y a aussi l’inoubliable Aligator Man, qui fut le premier épisode de la saison 2 ou encore l’épisode dans lequel Al est embarqué par son barbier, sans oublier celui terrifiant où il est perdu dans les bois et se rend compte de la bêtise des gens..
Bouscule son format
Le premier épisode de la troisième saison, intitulé «Three Slaps», rappelle immédiatement au public que la série n’a pas de structure démarquée et qu’elle est libre dans son format. La grande surprise est que ce premier épisode ne contient aucun des membres de la distribution régulière (sauf Earn à la toute fin). Au lieu de cela, il raconte l’histoire d’un jeune garçon noir nommé Loquareeous (rebaptisé Larry parce que ses parents d’accueil ne savent pas épeler son prénom), qui est retiré de chez sa mère et placé dans une famille d’accueil. Il se retrouve sous la garde d’un couple de lesbiennes blanches qui ne semblent pas trop se soucier de lui et qui se servent des enfants.
Puis, dans l’épisode suivant, on revient plus ou moins à la normale, reprenant avec Earn à Copenhague avant de se rendre à Amsterdam, alors que Paper Boi entame sa première grande tournée européenne. Paper Boi se retrouve un moment dans une cellule de prison qui ressemble plus à une chambre d’hôtel avec room service qu’à une cellule de détention normale, montant ainsi la dichotomie (un peu exagérée) entre les prisons dans les pays nordiques et les Etats-Unis. C’est tellement confortable qu’il préfère rester pour son déjeuner qu’il vient de commander au lieu de partir quand sa caution a été payée par Earn. Cette histoire est un clin d’oeil au rappeur A$AP Rocky et son séjour dans une prison suédoise en 2019.
Alors qu’ils marchent en ville, Earn et Al découvrent avec surprise la tradition locale consistant à se déguiser en Zwarte Piet – alias «Black Pete», un personnage de Noël au visage noir (black face) qui aide Saint Nicolas à livrer des jouets. Juxtaposé à la gentillesse étonnante avec laquelle les habitants les accueillent, ceci les laisse complètement pantois devant le racisme décomplexé dont ils sont témoins. Cette dissonance les laisse presque sans voix. Ils entament alors ce qui sera sans doute un étrange voyage à travers l’Europe. Al, Earn et Darius sont aussi rejoint par une Van perdue dans sa vie qui a fait le voyage d’Atlanta jusqu’à Amsterdam.
Tiré d’une histoire vraie
Ces deux premiers épisodes étaient grandement centrés sur des histoires vraies. Le premier épisode est basé notamment sur une histoire tragique qui s’est déroulée en mars 2018 quand Jen et Sarah Hart, un couple de femmes, sont mortes avec leurs 6 enfants adoptifs après que leur voiture soit tombée d’une falaise. Il est dit que ce n’était peut-être pas un accident que le couple auraient commis un meurtre/suicide avec les enfants dans la voiture. Cela fait froid dans le dos d’autant plus qu’il y avait des plaintes de maltraitance du couple sur les enfants.
Avant cette tragédie, cette famille avait fait le buzz quand l’un des enfants, Devonte (qui a inspiré le jeune Loquareeous) fut l’objet d’une photo qui a fait le tour de la toile quand il a fait un câlin à un policier blanc durant une manifestation contre les violences policières. Parce que nous sommes ici dans une fiction, Atlanta a pris la décision de donner une meilleure fin à Loquareeous (le corps de Devonte n’a jamais été retrouvé), mais la véritable histoire est absolument atroce et la série part de ce fait divers pour faire réfléchir sur le système de famille d’accueil et la cruauté avec laquelle certains enfants sont traités.
La série raconte cette histoire de manière exceptionnelle et il est difficile de penser à autre chose après avoir vu l’épisode. C’est vraiment troublant mais c’est absolument nécessaire de mettre la lumière sur cette maltraitance et ce genre de problèmes sociaux.
Surréaliste et pourtant si réel
Durant le festival SXSW qui s’est tenu la semaine dernière, Donald Glover, qui était présent avec l’équipe de la série a confié qu’il voulait que la saison 3 soit un « conte de fées noir ». Cela suit la philosophie de la série qui change souvent de genre et qui a fait ainsi une incursion dans le surréalisme et l’horreur tout en montrant l’évolution de ses personnages. Ces deux premiers épisodes montrent à quel point la série a encore des choses à offrir et qu’elle peut toujours surprendre. Ce n’est pas évident de revenir après quatre ans d’absence et d’être toujours aussi pertinent. Atlanta a réussi son pari et on attend de voir quelles surprises nous réserve le reste de la saison.
Un des grands thèmes d’Atlanta est de dénoncer et déconstruire le racisme systémique de la société qui les entoure et la série continue cette exploration. Dans cette saison 3, Earn et compagnie se retrouvent dans des lieux qui leur sont étrangers, ils font face à des cultures qu’ils ne comprennent pas forcément mais le racisme qu’ils peuvent subir est universel.
Avec grande intelligence, Donald Glover, son frère Stephen Glover ainsi qu’Hiro Murai réussissent une nouvelle fois à nous faire réfléchir sur le monde et ses mentalités et surtout son absurdité, tout en continuant à nous faire rire. Parce qu’Atlanta reste une comédie mais une comédie satirique avec une véritable conscience et une écriture impeccable.
La saison 3 d’Atlanta arrive en France ce lundi 28 mars sur OCS. Pour voir ou revoir les deux premières saisons, elles sont disponibles sur Disney+.
Crédit ©FX/Disney
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