En ce mois de Septembre, envolez-vous pour la stratosphère avec la nouvelle Bande Dessinée du très talentueux Mathieu Bablet, Shangri-la.
En cette rentrée de septembre, une chose est certaine : Ankama, et plus précisément le Label 619, ont décidé de nous gâter. Comment, nous demanderez-vous ? La réponse tient en un nom : Mathieu Bablet.
Le jeune et talentueux auteur de La Belle Mort, sa première Bande Dessinée également parue chez Ankama en 2011, et du diptyque Astradée, toujours chez Ankama sous le Label 619 – quand on vous dit que cette maison d’édition nous gâte – revient avec sa nouvelle claque visuelle et scénaristique : Shangri-la. Ne vous y trompez pas, bien que ce diplômé de l’ENAAI de Chambéry soit un amoureux de films d’horreur et de série B, ses Bandes Dessinées sont souvent contemplatives, voir philosophiques, et toujours d’une grande richesse graphique.
Avec Shangri-la, Mathieu Bablet ne déçoit pas. Il persiste et signe en tant que dessinateur de haute volée, nous proposant une atmosphère, fourmillante de détails, qui oscille entre l’enfermement d’une station spatiale et l’immensité du vide sidéral ; mais aussi en tant que coloriste émérite, nous proposant des ambiances prenantes et subtiles ; et, enfin, en tant que scénariste sensible, avec un récit dystopique sur l’avenir de l’humanité qui, par bien des aspects, vous fera réfléchir à notre propre condition d’être social.
Sans plus attendre, le Cerveau vous enjoint d’enfiler votre plus belle combinaison de cosmonaute pour aller découvrir les restes d’une humanité prisonnière en apesanteur au travers d’un passionnant récit de science-fiction.
L’histoire d’une humanité formatée
Si vous êtes un peu déprimé en ce moment, si vous vous dites que l’homme est la pire des calamités qui ait pu fouler le sol de notre planète, que l’humanité sera la cause de sa propre fin, alors armez-vous d’un grand bol de chocolat chaud et de chamalows avant de vous atteler à la lecture de Shangri-la. Croyez-en le Cerveau, vous en aurez besoin. Car l’histoire que nous conte Mathieu Bablet est tout sauf légère et insouciante.
Dans un futur lointain de quelques centaines d’années, les hommes ont rendu la Terre inhabitable et se retrouvent contraints de vivre sur une station spatiale. Dans cette oligarchie régie par une multinationale, Tianzhu Enterprise, répondant à l’intégralité des besoins des habitants de la station, les derniers survivants de l’espèce humaine vivent en circuit fermé, travaillant pour vivre et consommer, vivant et consommant pour travailler en retour. Dans ce climat conformiste et moutonnier à l’extrême, une organisation scientifique vient de réussir la terraformation de Titan et s’apprête à réaliser un fantasme de longue date : créer une nouvelle espèce humaine ex-nihilo, l’Homo Stellaris. Mais jouer à Dieu comporte des risques. Risques auxquels le groupe de résistants face au système ultra formaté de Tianzhu, mené par le mystérieux Mister Sunshine, devra faire face, dans l’amertume et le sang.
Une synthèse sociale dépressive mais terriblement juste.
Si le sujet de la décadence d’une humanité qui court tout droit vers un mur qu’elle a construit de ses mains n’est pas nouveau, Shangri-la n’est pas pour autant qu’un simple récit d’anticipation extrêmement bien rodé.
En effet, si le postulat de base repose effectivement sur la tristement célèbre maxime « après moi, le déluge », qui aura conduit l’Homme à détruire toute vie possible à la surface de la Terre, le condamnant à un exil orbital, Shangri-la aborde nombre de thématiques sociales, commerciales et philosophique actuelles. La sur-consommation dans un monde régit par une multinationale capitaliste toute puissante, indiquant aux habitants de la station leurs besoins et leurs désirs ; la publicité racoleuse, agressive et dictatoriale ; la population parquée dans des endroits confinés tel du bétail ; l’instinct grégaire et moutonnier de l’être humain confronté à une vie de fourmis ouvrière obéissante ; la mégalomanie et le fantasme qu’a l’Homme de se placer au-dessus des lois naturelles et biologiques … Quand Mathieu Bablet décide de peindre une critique sociale, c’est avec un pinceau à brosse large et un pigment rouge écarlate.
Parmi ces diverses problématiques, le Cerveau a été particulièrement touché par la virulente critique de la marginalisation et de la stigmatisation d’une minorité ethnique, surtout lorsqu’il s’agit d’une société soit disant « parfaite ». En effet, à bord de cette station spatiale où l’humanité vit recluse, des scientifiques ont trouvé le moyen de créer des êtres hybrides, mi-homme, mi-chien, chats, etc. Cette partie de la population, les animoïdes, est la cible de violences, verbales et physiques, de la part des être humains « normaux », certains considérant que l’Homme leur ayant octroyé l’accès à la civilisation et à une condition d’être social similaire à la leur, ces hybrides leur seraient inférieurs. Pire que ça, les animoïdes seraient à la base de tous les maux qui gangrènent la station.
Non seulement cette analogie est pertinente et, malheureusement, très proche de ce que peuvent vivre les personnes ou communautés minoritaires et marginalisées dans les pays occidentaux, mais, au-delà du constat, Mathieu Bablet a su concevoir une montée en puissance de ce thème tout au long de son récit, l’enrobant de discours fins et soignés. L’apothéose étant un passage d’une grande intensité dramatique dont le Cerveau ne vous parlera pas ici pour mieux vous laisser le découvrir.
Un véritable bijou graphique
Pour ceux qui n’aurait jamais eu l’occasion de parcourir les pages d’une Bande Dessinée de Mathieu Bablet, arrêtez de lire cet article immédiatement. Et, d’ailleurs, arrêtez tout ce que vous êtes en train de faire. Enfilez vos chaussures, descendez chez votre libraire, ou votre bibliothécaire, procurez-vous un ouvrage de cet auteur et prenez-vous une belle claque dans la figure. Conseil du Cerveau ; qui décline par ailleurs toute responsabilité en cas de joues douloureuses.
Car il suffit d’un coup d’œil, même succinct, à n’importe laquelle des planches de Shangri-la pour mesurer le talent et la virtuosité de Mathieu Bablet. La mise en scène sait se montrer grandiose lorsqu’elle sert des plans d’ensemble de la station ou du vide spatial, elle sait se faire introspective lorsqu’elle s’attarde en gros plan sur un personnage précis, mais elle sait aussi être dramatique et touchante lorsqu’un malheur survient. À cela s’ajoute un trait fin, tantôt clair et défini sur les décors, tantôt plus sensible lorsqu’il trace les visages de ses protagonistes et de leurs émotions. Et, parce qu’on n’est jamais mieux servi que par soi-même, la couleur est d’une pertinence de chaque instant : les environnements ont leur gamme colorée propre, donnant à ces lieux une identité à part entière ; la station orbitale, Titan, la Terre, l’espace sont autant de personnages que les héros de Shangri-la côtoient.
Avec Shangri-la, Mathieu Bablet nous propose, une fois de plus, non seulement une Bande Dessinée intelligente et bien menée, mais également une très belle perle de dessin qui ne démérite pas face à ses aînées. Aussi, le Cerveau ne vous conseille pas uniquement de lire Shangri-la, mais de vous pencher sur l’ensemble de l’œuvre de cet auteur.
Pour ceux qui souhaiteraient pouvoir se perdre dans les planches de cet excellent dessinateur, sachez que l’Oeil de Jack propose, à partir du 22 septembre 2016, une exposition-vente des œuvres originales de l’artiste qui durera jusqu’au 27 septembre, au 4 rue Ernest Renan, 75015 Paris (Metro Sèvres Lecourbe) . Cependant, si vous souhaitez apercevoir Mathieu Bablet en personne, il faudra être présent le jour du vernissage, à partir de 19h.
crédits photos : Ankama édition.
Connecte tes Neurones à Brain Damaged sur