Angoulême 2016 : La Cérémonie des FAUXves.

0

Le 30 Janvier 2016 a eu lieu à Angoulême, en clôture du Festival International de la Bande Dessinée, la cérémonie de remise des différents prix, les « Fauves » pour l’année 2015, marquée par le malaise suite à la remise de « faux prix » avant l’annonce des véritables lauréats.

Dans la salle du Théâtre d’Angoulême, la remise des prix en Bande Dessinée pour l’année 2015 est débutée depuis une dizaine de minutes, mais déjà un froid traverse la salle de part en part : le maître de Cérémonie, Richard Gaitet, qui vient d’annoncer une série de lauréats pour les différents prix pour la 43ème édition du FIBD, revient sur ses propos en expliquant qu’il ne s’agissait pas des « véritables » lauréats.

Une farce cruelle et déplacée qui suscite depuis une vague d’indignation chez une grande partie de la profession. Retour sur une cérémonie controversée.

Une blague de (très) mauvais goût

À ce moment précis de la Cérémonie, le Cerveau, interloqué, se tourne vers son voisin de siège dont la même incompréhension, un peu gênée, illumine le visage.

Une « mascarade » d’autant plus irritante que, parmi les « faux prix », se trouvaient de véritables nommés pour lesdits titres. Un « trait d’humour » à l’initiative du maître de cérémonie qui n’est visiblement pas du goût des membres de la profession présents, dont l’agacement passe rapidement des marches du Théâtre aux statuts des réseaux sociaux. Parmi eux, on trouve notamment Boulet, célèbre pour son travail sur Bouletcorp, son blog, et pour ses Notes, parues chez Delcourt, qui n’hésite pas à parler de « Fausses joie humiliante » ou Benoit Peeters qui n’hésite pas à partager son indignation sur Twitter.

Face à une nouvelle polémique naissante, Frank Bondoux s’attelle une fois de plus à un exercice qu’il doit désormais bien connaître : celui des excuses et explications. Cependant, comme pour le cas de sa grande sœur sur l’absence de femmes parmi les nommés pour le Grand Prix, les explications du délégué général du Festival d’Angoulême ont de quoi laisser pantois. En effet, ce dernier invoque, pour la défense de l’organisation de la Cérémonie, la « grande capacité à l’autodérision » du milieu de la Bande Dessinée.

COUV1

Les réactions ne se font pas attendre, puisque Killoffer, le patron de l’Association et auteur notamment de Tel qu’en lui même Enfin, paru en août dernier, lui répond que « l’humour, c’est super quand c’est drôle. ». Une manière simple et efficace de résumer la proportion de la « bourde » qui vient d’avoir lieu. Sans manquer, à cette occasion, de rappeler qu’il s’agit de la « l’erreur » de trop après la polémique précédente, soulignant le « vrai problème d’amateurisme » qui frappe le Festival.

Comme s’il gardait le meilleur pour la fin, Richard Gaitet se permet au terme de la cérémonie d’inviter les grands gagnants à monter sur scène pour une dernière séance photo, et les « grands perdants » à quitter la salle. Une touche finale non seulement consternante, mais extrêmement blessante pour les « faux » lauréats, parmi lesquels le directeur éditorial de Komikku, Sam Souib­gui, qui rappelle la « cruauté infâme » d’une telle intervention.

De l’art d’en remettre une couche

Il ne semble pas inutile de mentionner ici les diverses petites allusions qui ont eu lieu, à l’occasion des différentes remises de prix au cours du week end, quant à la grande sœur de cette actuelle polémique. Si, dans les autres cérémonies, elles avaient su se montrer assez subtiles pour que l’autodérision de la profession, visiblement cher à Frank Bondoux, fonctionne correctement, ce ne fut pas le cas en ce soir du samedi 30 janvier 2016.

Outre la présence sur scène de « deux potiches avec des perruques », selon Killoffer, on notera donc des petites piques régulières tout du long de la soirée. Les voies de l’humour sont, selon toutes vraisemblances, parfois impénétrables.

À l’ombre de l’encre

Finalement, que retiendra-t-on de cette cérémonie de remise des Fauves du Festival d’Angoulême 2016 ? Qu’elle aura clos cette 43ème édition du FIBD comme ce dernier avait débuté : par une polémique venant ternir l’image d’un événement normalement placé sous le signe de la passion pour la Bande Dessinée et de la découverte. Qu’elle aura su faire preuve d’une élégance tout particulière du début à la fin, mariant avec plus ou moins de bon goût, blagues « beaufs », « potiches [à] perruques », et cognac, une boisson pourtant fort sympathique d’ordinaire (bien qu’à consommer avec modération). Qu’elle aura eu le tact d’humilier publiquement des auteurs qui, comme le rappelaient la veille les États Généraux de la BD, vivent pour 36% d’entre eux sous le seuil de pauvreté.

_CARNET DE SANTÉ FOIREUSE - C1C4 OK AUTEUR.inddEnfin, qu’elle aura presque réussi à nous faire oublier les « vrais » gagnants de cette soirée. Des personnalités comme Pozla, très ému de recevoir le prix du jury pour son magnifique ouvrage Carnets de Santé Foireuse, s’excusant d’être proche des larmes, expliquant qu’il espère bien ne plus avoir à remonter sur scène pour recevoir un prix récompensant une œuvre forte, mais narrant son réel combat contre la maladie de Crohn.

En effet, le second drame de cette nouvelle affaire, c’est celui qui nous conduirait presque à oublier un ensemble de personnes talentueuses et d’éditeurs qui ont su croire et encourager de beaux projets au court de l’année passée. Aussi, le Cerveau vous propose de découvrir, ci-dessous le palmarès 2016 des prix du Festival International de la Bande Dessinée d’Angoulême. Car la créativité et le talent ne doivent pas rester cachés derrière une « maladresse » incroyable, inexcusable.

 Festival International de la Bande Dessinée d’Angoulême 2016 : Palmarès

Prix de la BD Alternative : Laurence 666, une œuvre graphique et collective de Mauvaise Foi Editions.

Prix du Patrimoine : Père et fils – Vater und Sohn, de Erich Ohser et E.O. Plauen, aux éditions Warum.
Prix révélation : Une étoile Tranquille, de Pietro Scarnera, aux éditions Rackham.
Prix du Polar SNCF : Tungstène, de Marcello Quintanilha, aux éditions çà et Là.
Prix du Public Cultura : Cher Pays de Notre Enfance – Enquêtes sur les années de plomb de la Vème République, de Étienne Davodeau et Benoît Collombat, aux éditions Futuropolis.
Prix de la Série : Miss Marvel, de G. Willow Wilson, Adrian Alphona et Ian Herring, aux éditions Panini Comics.
Prix du Jury : Carnet de Santé Foireuse, de Pozla, aux éditions Delcourt.
Prix Jeunesse : Le Grand Méchant Renard, de Benjamin Renner, aux éditions Delcourt.
Fauve d’Or, Prix du Meilleur Album : Ici, de Richard McGuire, aux éditions Gallimard.

Crédit photos : Droits réservés

Partager