Un super-héros africain, des décors marocains qui deviennent des personnages à part entière, et une ambition claire : « raconter notre histoire nous-mêmes ». Dans Atoman, Anouar Moutassim réinvente le cinéma populaire en y inscrivant le patrimoine et les mythes du Maroc. Interview
Dans son film Atoman, le réalisateur Anouar Moutassim propose un regard inédit sur le Maroc et l’Afrique. Loin des clichés orientalistes ou folkloriques, il met en scène un super-héros ancré dans l’histoire des amazighs, le peuple autochtone du maghreb, ses mythes et son patrimoine.
À l’aube d’un renouveau cinématographique marocain, le réalisateur dévoile son tout premier super-héros issu de la mémoire amazighe. Dans cette fresque tournée dans des grottes ancestrales, kasbahs mythiques et centrales solaires futuristes comme la station Nour, un hacker éthique découvre ses origines extraordinaires pour devenir le défenseur des équilibres du monde.
Porté par l’énergie de Lartiste qui fait ses débuts au cinéma, avec une bande-son qui unit Soprano, DJ Van et traditions musicales, Atoman ne se contente pas de divertir : il affirme une vision audacieuse, enracinée, et prête à rayonner pour Anouar Mouatassim.
Rencontre avec son créateur qui se confie au Cerveau, sur sa quête d’un cinéma marocain qui ose et porte son identité vers l’international, qui repousse les stéréotypes et souhaite rassembler, avec son super héros 100% marocain mais surtout africain.
Vous avez souvent expliqué que votre démarche artistique est liée à la volonté de mettre en valeur la culture marocaine et africaine, au-delà des clichés, vous refusez que le Maroc soit réduit à des idées touristriques, pourquoi cette envie ?
Pour les gens, le Maroc souvent c’est le thé, le couscous, les images de cartes postales. Pour moi, il est essentiel que ce soit nous qui racontions qui nous sommes, à travers le cinéma et les séries. J’ai grandi en Belgique, puis je suis revenu au Maroc avec cette idée : on ne peut pas reprocher aux autres de mal nous représenter si nous-mêmes nous ne racontons pas notre histoire. Avec Atoman, j’ai voulu créer un divertissement accessible à tous, mais qui raconte aussi notre patrimoine. Quand j’ai travaillé avec le scénariste sur l’origine du héros, nous avons choisi l’Atlas. En creusant, je suis tombé sur des recherches qui faisaient le lien entre cette région et le mythe de l’Atlantide.

Cela m’a paru fascinant, parce que ça permettait d’ancrer notre héros dans un imaginaire universel, tout en valorisant la culture amazighe et ses valeurs, comme la protection de l’environnement et des animaux. L’écologie, ce n’est pas un concept moderne : nos ancêtres la pratiquaient déjà depuis des millénaires.
C’est aussi une manière de rappeler que le bassin méditerranéen est un carrefour de cultures et de mythes, pas seulement gréco-romain. Vous avez également choisi de tourner dans des lieux très différents, d’Agadir à Taza, de Casablanca aux montagnes enneigées. Pourquoi cette démarche ?
Chaque lieu est un personnage du film. On n’a pas choisi des décors pour leur beauté, mais parce qu’ils racontaient une partie de notre histoire. Le Maroc, au cinéma, se résume souvent à Marrakech ou Casablanca. Mais en une journée, vous pouvez traverser le désert et grimper sur des sommets enneigés. Cette diversité, nous voulions la montrer au monde. Et les spectateurs sont souvent surpris : beaucoup ne s’imaginent pas qu’il existe au Maroc une telle variété de paysages. Comme par exemple les montagnes enneigées lors de l’iniatiation de Atoman, beaucoup étaient étonnés de découvrir que ces environnement étaient bien marocains.

Vous avez d’ailleurs choisi de mettre la tradition au cœur de la modernité marocaine, le Maroc c’est aussi une tradition artisanale qu’on retrouve cette attention dans les costumes. Dans la citadelle de la Kasbah Tizourgane par exemple, ils rappellent directement le Moyen Âge et portent des symboles que peu de gens connaissent, vous avez du surement faire appel à des artisans marocains pour leur création ?
Nous avons collaboré avec la styliste Kenzan Nafi et un activiste passionné, mais aussi avec des artisans locaux. Chaque région a ses matières et ses savoir-faire. Dans l’Anti-Atlas, les capes sont épaisses, adaptées au froid. Dans d’autres régions, ce sont des tissus plus légers. Les artisans nous guidaient en disant : « Voilà la matière qu’on utilise ici depuis toujours. » Cela donne une authenticité qu’on ne peut pas inventer. En plus, chaque costume raconte une histoire. Nous avons intégré des motifs amazighs, inspirés des tatouages. La cape d’Atoman, par exemple, symbolise le vent et la protection de l’environnement. Les vêtements participent au récit, ils traduisent les valeurs du personnage.
Un autre choix marquant est que vous avez mis en avant la culture et l’histoire, plutôt que la religion ?
C’était volontaire. Je suis croyant, musulman, mais la religion, c’est quelque chose de personnel. Ici, je voulais qu’on se concentre sur notre identité culturelle et historique. Nos ancêtres n’étaient pas de simples nomades. Ils commerçaient, protégeaient leurs richesses dans des greniers collectifs, bâtissaient des structures solides. Il fallait le montrer, pour sortir des clichés.
Le casting traduit aussi cette vision. Vous avez choisi des acteurs marocains, mais aussi d’autres Africains, comme Doudou Masta qui vient de l’Afrique de l’ouest, ou Sami Naceri qui est d’origine algérienne, il était important pour vous de montrer que le Maghreb est riche en diversité ?
Oui. Le Maroc fait partie de l’Afrique, mais on nous a trop souvent séparés en parlant de « Maghreb » ou « Afrique du Nord ». Historiquement, nous avons toujours été liés au Sahel, au Mali, au Niger, à la Mauritanie. Il y avait il y avait d’autres personnages qui existaient initialement dans les 1ʳᵉˢ versions. Après pour des questions de budget et scénaristiques, j’ai réduit un peu les personnages, mais vraiment l’objectif a toujours été de dire les comédiens du film seront essentiellementyafricains on va on va je vais choisir des des comédiens africains parce que je raconte l’africanité.
Et aussi essayer d’oublier Les frontières actuelles qui sont en quelques artificielles. Je voulais que ce film exprime cette africanité et que le casting la reflète. C’est pour ça que j’ai voulu des acteurs africains, qu’ils soient marocains ou non.
Un projet de cette ampleur a dû poser de gros défis financiers, parlez nous de cela.
Oui, énormément. Le film a coûté 1,4 million d’euros, pas 3 millions comme certains l’ont cru. Je me suis produit moi-même, parce qu’aucun producteur n’y croyait. J’ai dû convaincre des techniciens, des comédiens, des artisans de travailler avec peu de moyens. Ce film là Il n’aurait jamais pu se faire si les gens n’y croyaient pas, toutes ces personnes qui vont t’accompagner dans cette aventure. J’avoue l’aide des techniciens, les comédiens, toutes ces personnes ont compris que ce projet dépassait un simple film. Pour la distribution, c’était pareil. En France ou en Belgique, l’idée d’un super-héros africain paraissait presque risible. Certains me disaient : « Un super-héros arabe ? » comme si c’était impossible. Mais ce sont des Américains qui ont cru en nous et qui nous ont aidés à sortir le film à l’international.
L’avant-première du film a Paris s’est déroulée la veille de la mise en ligne du film sur Amazon, comment le public a accueilli le film ?
C’était incroyable. La salle était pleine, avec des artistes, des musiciens, des personnalités engagées, de toutes origines. Il y avait une vraie énergie collective. Des rappeurs, des acteurs, un message de Soprano, des membres du groupe Arsenik étaient là pour nous donner de la force. Vraiment beaucoup de gens se sont déplacés pour célébrer ce premier super-héros marocain mais surtout africain. Une représentation dont on a besoin.

On a eu des représentants de communautés différentes, juives et musulmanes, tous réunis autour du film, de ses valeur et nos aspiration pour la paix, notamment en Palestine. Cette diversité dans le public m’a confirmé qu’Atoman est plus qu’un film. C’est une œuvre qui rassemble, qui redonne de la fierté et qui ouvre la voie à la création de super-héros africains enracinés dans nos histoires. D’ailleurs, mon prochain film sera aussi un film de super-héros, mais cette fois elle sera malienne. Histoire de continuer à célébrer l’africanité et nos valeurs universelles en les montrant au monde au monde.
Atoman est à voir dès le 29 Août sur Amazon Prime Video
Crédit photos : Condor / droits réservés































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