Last of Us saison 2 : Quand Ellie n’est plus Ellie (bilan critique)

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2.5

Retour sur la saison 2 de The Last of Us, une saison en demi teinte qui avait pourtant démarré sur les chapeaux de roues, avec un épisode 6 d’exception, pour se terminer dans un final qui ne respecte pas son héroine, à l’image du reste de la saison.

A une semaine de la fin de la diffusion de la saison 2 de The Last of Us, le Cerveau vous propose son bilan d’une saison plus que mitigée, pour une adaptation de jeu qui n’est plus à la hauteur du culte et chef d’œuvre qui en est à l’origine.

La saison 1 a offert un exploit que peu de séries adaptées de jeux vidéo avaient réussi à faire jusque-là : respecter le matériel originel au plus près tout en essayant de l’élargir au possible, pour offrir autant aux néophytes qu’aux gamers une expérience aussi intense que n’a pu l’être le jeu il y a plus d’une dizaine d’années.

Des réinventions bien trouvées, avec des épisodes de grande émotion comme son troisième, centré sur Bill et Frank. Une adaptation équilibrée, qui ne dénaturait en rien l’essence de ce que le jeu racontait : une histoire d’amour familiale universelle, de deux êtres qui tentent de survivre ensemble dans un monde inhumain.

Une histoire de sens

Une histoire de sens, dans le chaos, que ce début de saison 2 de The Last of Us a su reprendre, que ce soit en introduisant Abby et ses enjeux brièvement ou dans l’épisode 2, avec l’assaut de Jackson, en miroir avec la mort brutale de Joel. Une réinvention bienvenue pour un grand épisode, à la hauteur de l’émotion générée par The Last of Us Part II.

Cependant, si les premiers épisodes mettant en place les enjeux et grands axes de l’intrigue de The Last of Us Part II étaient cohérents, la suite, jusqu’à l’épisode final, est bien en dessous de ce qu’on pouvait attendre d’une seconde saison d’une série aussi plébiscitée et saluée que The Last of Us.  Surtout avec moins d’épisodes que l’on n’aurait attendu pour raconter cette première partie de l’histoire aussi riche. Une histoire au rythme ici plus rapide, qui semble même expédié parfois.

Un jeu polémique

Pour ceux qui ne sont pas des joueurs, il est utile de rappeler le contexte et la réception de l’histoire de The Last of Us Part II. Une histoire complexe, plus noire, en contrepied avec ce qu’on aurait pu attendre de la licence. Un histoire qui n’a rien à voir avec celle du premier jeu, et donc, de la saison 1 de la série de HBO.

Le jeu, à sa sortie en 2020, a été majoritairement rejeté par les joueurs, tant en review-bombing qu’en critiques, bien que la presse l’ait salué. Si le gameplay ne change pas, au contraire s’enrichit, pour un jeu de survie similaire à son précédent opus, dans cette suite, on explore les bas-fonds de la nature humaine à travers la petite fille qu’on a tant aimé, devenue jeune femme. Une jeune femme surentrainée, qui a bien appris de son père de substitution.

Noirceur et animalité

On change de perspective et on oublie la poésie dans un chaos naturel. On oublie l’intrigue positive d’espoir de The last of us, pour faire une plongée dans ce que l’humain peut avoir de plus noir. Quand le premier parlait de la force de l’amour et son universalité, le second prend le contrepied pour raconter la haine et ce qu’elle a de plus universel.

Ici, on se concentre sur la descente aux enfers et le trauma de l’enfant que nous avons vu grandir. Mais aussi celui d’une autre jeune femme qui, elle aussi, a perdu son père auparavant.

Une histoire audacieuse avec des choix assumés – qu’on les comprenne, les accepte ou non lorsque l’on est joueur – qui cherche à générer chez ceux qui tiennent la manette non seulement des émotions, mais surtout de la réflexion.

Le cycle de la violence

Une réflexion sur la violence et son sempiternel cycle qui se répète. La vengeance, utile ou non, le deuil, le trauma, la quête de sens et les liens que l’on se crée avec les autres.

Des thèmes forts, avec des choix tout aussi forts, pour une expérience cathartique, qui, positive ou non pour le joueur, a eu un impact. Difficile de juger de cette adaptation à l’écran, sans prendre en compte la controverse que suscite le jeu, encore aujourd’hui, notamment pour ces choix narratifs incisifs.

Pour revenir à la série, cette dernière prend le contrepied de son matériel originel dès le début de saison. Que ce soit avec l’introduction dès la première scène d’Abby, personnage qui tue un héros aimé de tous que les joueurs s’attendaient à incarner, sans que l’on comprenne pourquoi avant de la jouer (de force) au moins 15h plus tard.

Personnages différents

Un personnage aux antipodes de ce qu’on aurait imaginé d’une femme, presque monstrueuse (dans tous les sens du terme) pour certains joueurs, que l’on va devoir incarner et comprendre dans cette histoire.

Ce que la série tente de faire, mais de manière plus lisse et moins franche avec le choix de Kaytlin Dever. Si le choix de l’actrice n’est pas le problème, bien qu’il détonne avec le design du personnage originel, cette dernière reste convaincante dans son rôle malgré son physique plus classique.

Abby est désormais plus basique, mais surtout moins dérangeante puisque l’on sait dès les premiers instants les raisons de son acte barbare. Une révélation directe, comme pour la rendre plus acceptable. Si l’actrice qui l’incarne joue parfaitement son rôle et les émotions de son personnage, il est clair que son choix est le symbole d’un rétropédalage que l’on voit bien cette saison, sur les éléments les plus controversés du jeu.

Un changement marquant, mais qu’il est difficile de juger puisqu’on ne voit le personnage que très peu. Il faudra attendre la suite, comme le tease la séquence de fin du final de cette saison 2 de The Last of Us, pour voir si Abby aura le même traitement qu’Ellie cette saison, à savoir une réinvention du personnage aux antipodes de ce qu’on lui connait.

Ellie et Dina : the Seattle Honeymoon

Une adaptation, à l’image de beaucoup d’autres, qui réinvente les états d’Ellie lors de ses pérégrinations avec Dina dans Seattle, plus légers et axés sur son amour naissant que sur son envie de vengeance et le traumatisme d’avoir vu le seul homme qu’elle pouvait considérer comme un parent être brutalement assassiné sous ses yeux.

Si leur relation est importante dans le jeu, puisqu’elle incarne une faible note d’espoir pour Ellie – peut-être la dernière – une raison de ne pas sombrer dans son instinct vindicatif, elle prend beaucoup de place ici. Dans la série, leur rapport est touchant mais consensuel et presque détaché de leur mission. Ellie semble se laisser porter par l’autre femme, comme elle le faisait avec Joel, comme si Dina avait plus d’expérience qu’elle en survie, oubliant tout ce qu’elle a vécu pourtant lors de sa traversée dans la saison 1.

Dans cette saison 2 de The Last of Us, Ellie est plus légère, semblable à celle qu’elle était 5 ans auparavant. bien qu’on l’ait introduit cette saison en plein combat avec un homme qui faisait deux fois sa taille, les scénaristes ont choisi de ne pas faire d’elle une machine à tuer, notamment aux côté de sa petite amie.

Cette dernière passe au second plan très souvent, pour suivre peut-être le seul personnage le plus respecté cette saison : Dina. Incarnée par une Isabela Merced solaire, qui mène le voyage, à contre-pied du jeu où Ellie est bien plus proactive. Ici, la jeune femme subit plus qu’elle n’agit, elle qui a des traits d’assassins d’élite dans le matériel originel. Elle apparait même parfois moins investie que Dina (qui ne connait Joel que de Jackson) dans sa propre quête de justice et rétribution.

Absence de trauma et humanité

La descente aux enfers de l’héroïne dans la violence et son égoïsme ne sont dépeint que dans les derniers épisodes et succinctement, comme si cette rage ne sommeillait pas en elle à chaque instant et arrivait d’un coup. Une rage qui pourtant nous accompagne dans le matériel originel, à travers toutes les tueries de Ellie, en route pour retrouver sa Némésis. Une Ellie qui n’est pas passive ou sauvée in-extremis par Jessie par exemple, mais bien une femme determinée à aller au bout de son objectif, peu importe le prix à payer.

Comme si les scénaristes tentaient de corriger leur choix ou ne souhaitait pas changer la Ellie que nous connaissions jeune. Celle qui nous avait touché par sa facétie, son humeur et son côté intrépide. Celle qui a fait changer Joel.

Peut-être la peur de montrer une femme en tueuse méthodique, sans foi, ni loi ? Ellie, dans l’intrigue originelle, ne prête aucun intérêt aux gens qu’elle croise (à l’image de cette vidéo du jeu), qu’ils soient WLF ou séraphite. Elle ne cherche pas à défendre l’injustice comme dans la scène avec Jessie dans le final, ni regrette de tuer les amis d’Abby, comme à l’aquarium. Elle est noire, aigrie, presque inhumaine, focalisée par son envie de vengeance et rien de plus.

Flashback fidèle et novateur

Si la majorité des épisodes, à l’exception du sixième sont signé de la plume de Craig Mazin, le seul qui reste cohérent et émotionnellement chargé est celui signé du créateur originel de l’histoire : Neil Druckman. Le flashback avec Joel est l’épisode le plus intéressant que ce soit vis-à-vis des personnages et leur choix, psychologie et enjeux. Il explore même Joel dans son enfance, expliquant ainsi son complexe de sauveur et besoin de protéger ceux qu’il aime, quitte à faire l’inacceptable.

Un flashback qui remet en perspective tout ce qu’on a vu précédemment, face au jeu. Les choix originels de cette intrigue à contrepied de ce qu’on aurait pu attendre d’une suite semblent dans cette saison moins assumés par Mazin : que ce soit vis-à-vis de Ellie, en plein flirt avec sa copine, qui agit comme si elle n’avait pas perdu la seule figure parentale et protectrice de sa vie, comme on le comprend dans le flashback avec Joel, où le choix de ne pas montrer comment cette dernière souffre réellement et s’enferme, pour ne répondre qu’à son intinct primal.

Comme si elle ne se perdait pas dans la douleur qu’elle ressent animée par ses envies de vengeance. La mise en scène des rapports entre ce couple naissant détonne avec le ton originel de cette relation, dont les joueurs connaissent déjà l’issue.

Ellie’s drama

Ellie est en plein trauma normalement. Si l’amour naissant de cette dernière pour sa comparse de route est rafraichissant, ici, il prend toute la place, avec une jeune femme presque effacée, naïve, et compatissante alors qu’elle devrait être en perte de conscience de soi, animée par ses désirs de violence afin d’assouvir la douleur de la perte de Joel.

Ellie est reste cette jeune fille que nous avons connue, facétieuse, blagueuse. Étonnant après la tragédie qu’elle a subie. Comme si cette saison 2 avait été écrite pour corriger ce qui ne plaisait pas aux raleurs du second jeu, ceux qui n’aiment pas ce qu’Ellie devient, avec tout le backslash sur internet vis à vis d’elle, que ce soit sur sa structure ou son fond. Tout est plus edulcoré, comme pour s’excuser d’avoir choqué – à juste titre – avec cette suite.

Des décors fidèles et époustouflants, mais sans âme

Le grand point fort de The Last of Us par contre, encore cette saison, reste la transposition quasi plan pour plan des décors marquants et iconiques des jeux, ainsi que ses séquences émotionnelles cultes, comme la mort de Sarah. Des décors si particuliers, notamment dans des séquences narratives importantes de l’intrigue, comme la scène des girafes en saison 1, ou même celle de la tuerie de l’hôpital, au service d’une intrigue.

Si les décors sont toujours proposés dans un respect profond du travail des créateurs du jeu, le fond reste plus superficiel et moins impactant. Parfois même peu cohérent avec les règles établies par la série. Seattle reste grandiose et macabre, les séquences dans le métro sont d’un effroi aussi fort que lorsqu’on le découvre manette à la main. Mais c’est tout.

Comme c’est le cas pour la séquence de torture de Nora. Une séquence similaire à celle du jeu, tant dans son execution que son esthétique, avec une infection aux spores et une Ellie qui s’adonne à la torture violente, animée par son besoin de retrouver son ennemie.

Si l’on comprend que cette scène est très importante dans le début de la folie meurtrière de Ellie, l’introduction des spores se fait en contradiction avec les choix originels de Neil et Craig Mazin, vis-à-vis de l’infection pour la série.

Des spores introduits ici, dans une séquence magnifique d’ailleurs, mais dont on ne parlera plus. Dans ce monde où Ellie n’a jamais entendu parler des spores, comment peut-elle ne pas partager une information aussi capitale sur l’avenir de l’humanité – elle qui regrette de ne pas pouvoir partager son immunité – alors qu’une nouvelle forme de contagion vient d’être découverte ?

Des spores qu’on oubliera aussi vite qu’on les aura découvert, tout comme le réseau de vrilles, ou les stalkers, qu’on ne recroisera plus depuis l’arrivée de Jessie. Ce qui est bien dommage, car ces nouveaux dangers exterieurs, au delà de ceux bien humain, quelqu’ils soient, auraient pu proposer une véritable tension omniprésente au fil de l’intrigue, à défaut de servir ou justifier des séquences narratives.

Pourquoi ?

Le plus regrettable avec The Last of Us saison 2, est d’oublier ce qu’elle raconte de nous. De notre attachement à l’autre, de notre animalité, de notre besoin de connexion ou la perte de repères à la suite de la perte d’une figure parentale. Cette saison oublie de montrer que la violence peut vite prendre le dessus, notamment en pleine douleur.

Ce qui est bien dommage. Ici, l’écriture des intrigues passé l’épisode 2 illustre presque une peur de choquer le spectateur, tout comme un besoin de justifier des actes barbares, choquants, afin de ne pas bousculer là où la saison 1 avait fait le choix justement de ne pas être timide avec ce qu’elle racontait, notamment la tuerie de l’hopital.

Comme si Mazin avait une méconnaissance du sujet, et que Druckman n’assumait plus ses choix narratifs tranchés. Ce qui est regrettable, car tout l’intérêt de The Last of Us Part II et de cette saison 2, est d’explorer deux femmes, si similaires et si différentes, dans leur recherche de vengeance et justice, afin de réussir à vivre sans ceux qu’elles aimaient le plus au monde, dans un monde qui n’a plus de sens.

En somme, The Last of Us nous aura déçu, non pas pour sa qualité de production, d’une perfection inégalée, mais pour son manque de respect pour les personnages, ainsi que la superficialité des thèmes de cette histoire. Une saison plus lisse, plus conventionnelle malgré des idées originellement audacieuses et complexes.

On espère que la saison 3 de The Last of Us rendra à Ellie son caractère determiné et bad-ass, qu’elle respectera Abby dans sa quête  de redemption et l’acceptation de ses actes. Pour le savoir, il faudra attendre.

La saison 1 et 2 de The Last of Us est à voir sur Max en France, où via les abonnements chaines de Canal + et Amazon Prime Video.

Crédit photos : ©HBO Max/Warner

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