The Handmaid’s Tale saison 2 : De l’importance de la scène violente de l’épisode 10

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Retour sur l’importance d’une séquence très difficile à regarder, dans le dernier épisode de la saison 2 de The Handmaid’s Tale, diffusé hier sur OCS en France

Hier, tous les spectateurs de la série The Handmaid’s Tale, notamment de sa saison 2 en cours de diffusion, ont été choqué une fois de plus par une scène d’une violence insoutenable, bien au-delà de ce qu’on a pu déjà voir dans cette dystopie violente en série.

Une scène de viol qui se positionne à l’opposé des pratiques de Gilead, dans l’intimité de la demeure des Waterford, oppresseurs de l’héroine June/Defred, et loin des règles et us assez durs, très répressifs du gouvernement de Gilead. Une scène que l’actrice Elizabeth Moss avait elle même averti, tentant de préserver les âmes sensibles d’une séquence assez dure dans l’épisode diffusé.


Une scène dans laquelle on peut voir June, enceinte, être violée dans des circonstances violentes par ses geôliers, dans le but de déclencher son accouchement, après une journée de naissance annulée par de fausses contractions.

Violence inégalée

Une scène d’une violence inégalée à l’instar d’autres séquences difficiles de viols sur les femmes en robe écarlate dans la série. Une violence qui vient s’ajouter à d’autres cette saison, de la mort de femmes dans les colonies, au mariage forcé, en passant par brûlures, excision, amputation ou autres sévices corporels toujours sur ces mêmes femmes.

 

Une violence qui a suscité des réactions très vives auprès de certains spectateurs, qui ont réagi avec émotion sur les réseaux sociaux en déclarant ne plus vouloir regarder cette série, comme il a pu être le cas pour d’autres séries-TV. Souvenir d’un viol de Game of Thrones qui avait aussi déclenché les émules chez les spectateurs à son visionnage.

Baisse de qualité ?

Certains journalistes, comme Caroline Framke du magazine Variety online, dans l’effusion et le choc d’une montée d’émotions aussi vives devant leurs téléviseurs, se sont tout de suite exprimés sur une certaine sensation d’abus ou de surenchère de violence. Une surenchère qui rendrait la série terne et monotone selon eux, puisque cette surenchère n’existerait que dans le simple but de choquer le spectateur, baissant par la même occasion le niveau qualitatif de la série.

Mais pour le Cerveau, cette séquence de viol inédite dans une série où les femmes n’ont aucun droit sur leur corps, si ce n’est d’enfanter, n’est pas plus violente que d’autres. Elle est inattendue, surprenante, très émouvante, déclenchant des émotions fortes devant une série… mais pas inutile.

Pas inutile, ni monotone

Pas inutile, car elle présente une autre forme de violence : celle d’oppresseurs que l’on pensait connaître, de personnages eux-mêmes désespérés par l’état des choses, et le système de Gilead (le Cerveau est loin de défendre ces actes, mais les comprendre reste essentiel).

Car oui, si Serena est une femme détestable avec des vrais problèmes de frustration en tant que femme, en tant que mère stérile, en tant qu’épouse et en tant qu’écrivaine. Elle est un personnage elle-même oppressée et captive dans ce système qu’elle a pourtant imaginé. Un système qui, elle l’a montré à plusieurs reprises cette saison, ne lui convient pas, comme elle l’avait évoqué à June lors d’une période de trêve. Un système qui l’a de plus changé, changé son mari, mais aussi la dynamique de son couple, tout comme son quotidien.

Concernant Fred, celui à l’origine de cet acte impardonnable, cette séquence accentue l’évolution du personnage que l’on pensait docile et compréhensif, lui-même captif d’un système qui visiblement ne lui convient pas, vu ses fréquentations ou ses actes envers sa servante écarlate. Un homme qui – au final -n’hésite pas à lever la main sur son épouse quand il se sent bafoué dans sa masculinité, et qui, sous le conseil et complicité de sa compagne n’hésitera pas à violenter une autre pour arriver à ses fins, peu importe le niveau de violence.

L’expression du non-consentement

Ce qui rend cette scène de The Handmaid’s Tale particulièrement insoutenable et difficile à voir sont ses dialogues, tout comme la participation en violence de Serena. Les suppliques de June /DeFred, dans un état de douleur et de mal très élevé, avec ces cris très forts, tentant de convaincre ses agresseurs en exprimant son non-consentement, sont insoutenables pour nous à voir.

Car oui, cette scène de viol propose pour la première fois dans The Handmaid’s Tale, l’expression d’un « NON » clair, depuis les multiples séquences de viols rituels  que nous avons pu voir, au coeur du fonctionnement de cette dictature religieuse. On assiste pour la première à une résistance visible et personnelle, un viol en dehors des pratiques « coutumières » de cet état religieux violent, loin des viols qui se faisaient en intimité et dans un cadre précis de culte.

Résistance et douleur exprimée

C’est la première fois qu’un refus et résistance de la part d’une servante – et de l’héroïne de surcroît – est exprimé. C’est la première qu’un viol est partagé par la voix. Loin de dire que les autres scènes de viols passifs n’étaient pas violentes, ce qui détonne ici est cette expression de non-consenti, d’agression physique, de soumission à des agresseurs sans passivité ou connaissance de cause.

Alors que les « cérémonies » existent dans cet univers dans un but précis, ce viol est un acte purement égoïste de la part de Serena et Fred. Un acte détestable et difficile qui rend ce moment encore plus fort en émotions partagées avec June.

Douleur partagée

Car oui, si l’on a eu aussi mal, c’est parce que la série est calculée – dans sa réalisation, esthétique, photographie et mouvement de caméra – pour créer un lien visuel très fort avec le spectateur. Un lien avec l’héroïne amplifié par le jeu de couleurs oppressantes, de lumières, de plans fixes, en plongée ou contre-plongées ou rapprochés sur le visage de DeFred, au plus proche de ses états et expressions. Une réalisation qui amplifie chaque émotion véhiculée par l’actrice pour son personnage, dans une image elle-même oppressante et angoissante.

Une image oppressante, typique d’une réalisation inspirée par le genre de l’horreur au cinéma, calculée pour créer un mal-être instantané avec le spectateur. Un mal-être omniprésent, qui a nécessairement amplifié cette scène, pour des sensations fortes et inégalées, mais surtout désagréables dans une série-télévisée.

Accommodation émotionnelle

Des sensations déstabilisantes aux antipodes de ce que qu’on a vu dès le premier épisode de The Handmaid’s Tale. Car ces sensations violentes, deviennent au fil des épisodes nécessairement habituelles pour le spectateur, peut-être moins sensible ou moins à fleur de peau après un premier choc.

Surtout après avoir déjà vu ou ressenti ces sensations dans les précédents épisodes. Car, à l’instar de June qui s’est accommodée des horreurs de son monde pour survivre, le spectateur est tout aussi capable de s’accommoder de la violence qu’on lui propose, même si les sensations restent aussi fortes.

Désagréables mais essentielles

Des sensations souvent désagréables, mais importantes qui pourraient ne plus étonner jusqu’au choc inattendu, comme l’a pu l’être cette séquence de l’épisode 10 de The Handmaid’s Tale saison 2.  Car à l’heure de MeToo, du scandale Weinstein et de la parole qui se libère sur les agressions sexuelles ou le harcèlement des femmes dans notre société, voir ces viols peuvent sensibiliser à moindre échelle, marquer et habiter certains spectateurs à tout jamais.

Expérience à travers l’autre

C’est toujours désagréable, violent et dérangeant de vivre une émotion douloureuse aussi forte en télévision. Mais n’est-ce pas la raison pour laquelle nous nous posons devant notre téléviseur ?

Pour vivre des choses que nous ne pourrions, ni ne souhaitions vivre dans notre vie quotidienne. Expérimenter à travers des personnages la vie dans toutes ses formes diverses et variées, qu’elle soit heureuse ou malheureuse.

Elever et ouvrir son esprit à des choses inattendues, au monde qui nous entoure, ou certains faits d’actualités qui peuvent nous mener vers le pire. Cette scène exécute clairement cela et reste à l’image d’une série qui choque, mais sans être gratuite. Car ce viol va avoir des incidences bien plus grandes que le simple fait de l’avoir brièvement réunie avec sa fille, récompense inspirée par une certaine culpabilité de son oppresseur. Si elle avait été purement gratuite dans un but de divertissement, l’esprit de la série aurait été instantanément dénaturé.

Accepter de voir l’inacceptable

Or, avec ce cliffhanger de fin d’épisode, le showrunner, Bruce Miller, prouve que les scénaristes savent où ils vont, et que chaque violence, aussi dure puisse-t-elle être, a son importance dans le fil narratif de The Handmaid’s Tale.

Encore faut-il accepter que continuer de regarder une série aussi importante dans son fond et sa forme, implique qu’une douleur sera ressentie, à échelle plus ou moins forte, à chaque épisode. C’est le contrat qu’on a signé, nous spectateurs, au visionnage du premier épisode et témoignage de June dans cet enfer. Pour le meilleur, mais malheureusement… surtout le pire.

Crédit photos : ©Hulu/MGM

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