Critique. Après le triomphe inattendu de la première saison, Mercredi revient dans une suite avec quatre épisode finaux qui prouvent une fois de plus que certains phénomènes auraient dû rester uniques
Ils l’ont fait. Netflix a réussi l’exploit de transformer l’un de ses plus gros succès déjà lui-même très lisse en son propre produit dérivé standardisé. Mercredi saison 2 débarque avec ses quatre nouveaux épisodes et cette impression tenace qu’on nous ressert du réchauffé dans de nouveaux emballages.
Après une première saison qui n’était pas des plus convaincantes mais qui proposait quand même une intrigue cohérente adaptée de l’univers mythique de la famille Addams : un teen show policier gothico-émo à l’image d’autre séries pour ados de ses studios, cette suite confirme malheureusement toutes nos pires hypothèses sur les stratégies de la plateforme Netflix.
Nevermore Academy 2.0 : la fabrique à clichés
Retour à Nevermore Academy, mais cette fois avec une intrigue qui sent bon la commande marketing. Une commande très largement inspirée des séries qui ont fait les beaux jours de Netflix, de Riverdale, la saga Winx ou Sabrina, mais sous l’égide de Tim Burton, l’artiste macabre par excellence.
Mercredi doit affronter de nouveaux mystères, de nouveaux ennemis, et surtout… de nouveaux personnages manifestement créés pour vendre des produits dérivés. Car oui, difficile de ne pas voir la main invisible du merchandising derrière ces nouvelles têtes calibrées pour plaire à tous les publics.

L’académie elle-même semble avoir perdu cette atmosphère gothique unique qui faisait tout son charme, peut être le seul sel de la série. Fini le mélange entre Harry Potter version dark et Teen Wolf sophistiqué avec la narration lisse d’un Riverdale.
Place à un décor qui ressemble d’avantage à un plateau de soap qu’à une véritable école pour marginaux surnaturels. Même les costumes semblent plus léchés, plus “propres”, plus jolis, modernes, pops et colorés… comme si Netflix avait peur que l’esthétique gothique fasse fuir les nouveaux abonnés. Pourtant Tim Burton produit et réalise plusieurs épisodes… On l’a connu bien plus rugueux dans ses mondes que dans ce qu’on a vu ici.
Famille Addams pour les nuls
La série, qui déjà en saison 1 oubliait par moment que l’œuvre originelle était une ode à l’anticonformisme américain, est devenu un pur produit capitaliste uniformisé, répondant aux codes des algorithmes non seulement de son producteur mais aussi ceux des réseaux sociaux, de TikTok en passant par Instagram.
Même en intégrant une plus grande place à Morticia, Gomez ou Pugsley, la série reste une œuvre conformiste sans réel impact narratif ou émotionnel. Une œuvre consensuelle dans sa manière de dépeindre l’univers gothique et macabre légendaire de la licence, tout en passant à côté de ce qu’une famille comme celle-ci peut raconter sur notre ère, notamment à l’heure de la Gen Z et son rapport à la superficialité des réseaux sociaux.

Une œuvre consensuelle imaginée par Netflix comme un produit plus qu’une série qui sert à raconter quelquechose tant narrativement que visuellement. Chaque séquence, entre son esthétique colorée au possible à coup de néons – un peu comme Stranger Things – ou son architecture, est pensée pour être découpée en reel et shorts, avec des apparitions fulgurantes et inutiles de guests comme Lady Gaga, afin que les créateurs de contenus online se le réapproprient pour promouvoir la série.
Jenna Ortega : seule contre tous
Heureusement, Jenna Ortega reste impeccable dans le rôle-titre. Sa Mercredi conserve cette acidité délicieuse et noire, qui avaient fait le succès de la première saison. Mais même la meilleure actrice du monde ne peut pas sauver un navire qui prend l’eau de toutes parts.
Le problème, c’est qu’Ortega semble parfois jouer toute seule. Entourée de nouveaux personnages insipides et d’intrigues convenues, elle donne l’impression de porter la série à bout de bras. Cette Mercredi qui évoluait et intriguait – peut être le seul point positif de la série à ses débuts – se retrouve figée dans ses tics, répétant les mêmes répliques cyniques sans que celles-ci trouvent un véritable écho dans l’intrigue. L’héroïne d’ailleurs semble plus subir les événements et l’intrigue qui se déroule que la tenir.
Une intrigue sans saveur qui tourne en rond
Parlons-en, de cette intrigue. Si la première saison nous avait habitués à un mystère central et à des révélations bien amenées, cette saison 2 multiplie les sous-intrigues sans jamais vraiment les développer. On passe d’un complot à l’autre sans logique apparente, comme si les scénaristes avaient lancé dix idées différentes sans jamais prendre le temps de les creuser.
Des idées qui vont être reglées aussi vite qu’elles ont été introduites, que ce soit vis à vis du proviseur ou de la guide de Mercredi, ainsi que sa grand-mère ou les liens des Addams avec la famille de Tyler.
Le fameux mystère familial des Addams, qui promettait pourtant de belles révélations, se résout de manière expéditive et franchement décevante. Les “grands secrets” annoncés à grand renfort de teasers s’avèrent être des révélations mineures qu’on voit venir dès le deuxième épisode. Cette impression de déjà-vu permanent transforme le visionnage en corvée plutôt qu’en plaisir.

Mais le pire reste peut-être cette obsession de Netflix à transformer sa Mercredi en héroïne de teen drama lambda. Les triangles amoureux et amicaux se multiplient avec un manque de subtilité abyssal, les rapports avec les autres élèves pittoresques, transformant cette anti-héroïne rafraîchissante en adolescente tourmentée comme les autres.
L’épisode de body swap est plus affligeant qu’interessant puisqu’il ne developpe pas la relation entre les deux amies Enid et Mercredi. Même le comique qui aurait pu être généré par une intrigue à la Freaky Friday est abonné absent. A l’image de toutes les idées scénaristiques de la série, rien n’est abouti ou creusé pour donner de la substance à chaque épisode de cette saison 2 de Mercredi.
Production paresseuse et algorithme-friendly
Techniquement, cette saison 2 sent la production à la chaîne. Les décors recyclent les mêmes angles, les effets spéciaux semblent bâclés (les loups-garous et les hydes en CGI font pitié), et même la bande-son reprend les mêmes thèmes sans innovation. On sent que Netflix a misé sur le minimum syndical, persuadé que le nom “Mercredi” suffirait à attirer les spectateurs.
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Mais le plus agaçant, reste la construction d’épisodes pensée pour l’algorithme TikTok plutôt que pour la cohérence narrative. Chaque épisode multiplie les séquences de 30 secondes calibrées pour devenir virales : Enid qui danse, Mercredi qui balance des punchlines assassines devant un miroir, Mercredi qui fait des grimaces expressives, Mercredi qui se prend pour Enid… Autant de moments détachables, “memeables” à souhait, mais qui n’apportent rien à l’intrigue.
Sans ambition, purement mercantile
Les scénaristes semblent avoir abandonné toute ambition narrative au profit de séquences pour les réseaux. Résultat : des dialogues qui sonnent comme des tweets, des situations forcées pour créer du buzz et cette impression permanente que chaque scène a été conçue pour générer des vues sur les réseaux sociaux, vendre des vêtements chez Primark et autres produits dérivés chez MacDo, plutôt que pour raconter une histoire. Même l’idée des origines de la Chose sont aussi anecdoctiques que celles autour de la jeunesse du couple de parents macabres que nous connaissons tous.
Les scènes d’action manquent cruellement de punch, les dialogues tombent souvent à plat et cette impression générale de fainéantise créative plombe l’ensemble. Là où la première saison prenait le temps de construire son atmosphère, sans trop plonger malgré tout dans le potentiel d’une série estampillée Addams, cette suite enchaîne les séquences sans âme ni rythme, pourvu qu’elles soient “partageables”.
Le syndrome Netflix de la suite
Mercredi saison 2 illustre parfaitement le problème de Netflix avec ses suites : transformer un ovni créatif en produit marketing standardisé. Cette manie de lisser les aspérités, de rassurer le grand public et de multiplier les clins d’œil fan-service transforme systématiquement l’exception en règle.
Cela a été fait déjà avec Stranger Things, qui était à l’origine un one-shot sans interet pour la firme, jusqu’à ce que la série génère un engouement sans pareille avec son intrigue hors norme. Une mini-série d’exception qui s’est transformée en produit Netflix, pensé pour être mis en ligne en plusieurs parties et générer son taux de reels et autres videos onlines.

Une obsession de créer du contenu “viral-ready” qui transforme chaque épisode en campagne publicitaire déguisée. Netflix ne produit plus une série, mais un outil de communication pour sa propre plateforme. Chaque séquence semble pensée pour alimenter les comptes officiels, générer des memes et maintenir l’attention sur les réseaux sociaux entre deux saisons, voire en plein visionnage. Désormais, tout est calculé pour nourrir la machine à buzz plutôt que pour servir une vision artistique.
Franken-show
Au final, cette saison 2 de Mercredi confirme nos pires craintes sur les stratégies Netflix. Quand la plateforme tient un succès, elle le formate, le standardise et le vide de sa substance pour en extraire le maximum de rentabilité médiatique. Résultat : une suite qui fonctionne sur l’acquis sans jamais prendre de risques créatifs, mais qui excelle à produire du contenu taillé sur mesure pour sa plateforme.
Cette transformation d’une œuvre sérielle en outil marketing déguisé révèle la dérive d’une industrie qui privilégie désormais l’engagement sur les réseaux sociaux à la qualité narrative. Netflix ne cherche plus à créer des histoires mémorables, mais des moments “instagrammables” qui maintiennent l’attention entre deux productions.

On passe d’une œuvre à une autre qui se ressemblent puisque dénuées de substance narrative, mais qui arrivent à générer le buzz nécessaire pour le FOMO chez les abonnés (« fear of missing out », peur de passer à côté), qui finissent anesthésiés devant leurs écrans.
Jenna Ortega méritait mieux que cette coquille vide. Tim Burton était capable de bien mieux. Les fans de la licence Addams, méritaient bien mieux que cette resucée industrielle calibrée. Et surtout, le personnage de Mercredi Addams méritait qu’on respecte son héritage plutôt que de le transformer en produit dérivé consommable.
Netflix vient de tuer son propre monstre. Et contrairement aux Addams, il ne ressuscitera pas. Tout du moins, on l’espère.
Mercredi saison 2 est disponible en intégralité depuis le 3 septembre sur Netflix.
Crédit photos : © Netflix






























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