A l’occasion de la Japan Expo 2016, le Cerveau est allé à la rencontre de Liane Cho Han, directeur de l’animation sur le film Tout en Haut du Monde.
Avec une édition 2016 de la Japan Expo consacrée à la French Touch, le Cerveau a été fureter du côté des productions animées réalisées dans l’hexagone. Et quoi de mieux pour cela qu’un film aux graphismes originaux, présentant une héroïne forte au cœur d’une histoire d’aventure et d’exploration palpitante, et récompensé du prix du public au Festival d’Annecy 2015 ?
Tout en Haut du Monde relate l’histoire de Sacha, une jeune fille issue de l’aristocratie russe, partant à la recherche de son grand père disparu lors d’une expédition scientifique au Pôle Nord. Déterminée et courageuse, Sacha n’hésitera pas à affronter les glaces et le froid mordant du Grand Nord pour retrouver son aïeul qu’elle admire tant.
Au delà d’un scénario bien construit présentant des personnages attachants et variés, concoctés par Fabrice de Costil, le film de Rémi Chayé, que l’on retrouve sur des productions telles que Brendan et le Secret de Kells, réalisé par Tomm Moore, se démarque tout particulièrement du reste des films d’animation français grâce à un graphisme épuré, libéré de ses lignes, donnant la part belle aux aplats de couleurs et de textures. Une animation fluide et originale dirigée par le talentueux Liane Cho Han, que le Cerveau a eu le plaisir de rencontrer afin de parler de son expérience au cœur de l’aventure Tout en Haut du Monde.
Qu’est-ce qui vous a séduit dans cette aventure que fut Tout en Haut du Monde ?
Pour comprendre cela, je pense qu’il est important de revenir un moment sur le parcours de Rémi Chayé. Après avoir quitté son travail et repris ses études à la Poudrière, il se lance sur le film Brandon et le Secret de Kells. Inspiré par le travail de Tomm Moore, il continue de faire évoluer son style de son côté. D’ailleurs, Rémi ne se qualifie pas lui même de caracter designer. Il fait partie de ces personnes passionnées qui ne reculent pas devant la charge de travail.
Le projet s’est développé sur 10 ans, ce qui est particulièrement long pour une première réalisation. On peut donc vraiment parler d’une « aventure » à ce stade ! Rémi avait commencé un premier storyboard entièrement seul lorsque Fabrice de Costil a remarqué des problèmes de scénario. On a donc dû refaire le board en seulement trois mois ! Sans être dans l’urgence, ce délai très court nous a tout de même aidé à trouver de bonnes idées, le plus souvent simples et très efficaces, idéales pour un film court. Notamment lorsque Rémy a proposé de retirer tout simplement les lignes de contour, pour voir ce que cela donnerait : tout le monde a adoré !
Tout en Haut du Monde, c’est donc une aventure collective, où chacun s’est donné à fond. C’est vraiment ça qui m’a plu dans ce projet qui reste aujourd’hui ma meilleure expérience professionnelle !
Tout en Haut du Monde dresse le portrait d’une jeune héroïne exploratrice, Sacha. Ces dernières années, on voit de plus en plus de créations animées mettre en avant des personnages féminins forts et déterminés. Comment expliquez-vous ce passage du statut de princesse à aventurière ?
Rémi est profondément féministe. D’ailleurs, lorsqu’on a proposé d’inclure dans l’histoire un petit baiser impliquant Sacha, Rémi n’a jamais voulu ! Aujourd’hui encore, il travaille sur un projet mettant en avant une héroïne au caractère bien trempé. Et pas des moindres, puisqu’il s’agit de Calamity Jane, une femme qui porte les bottes et les armes des hommes.
Je crois qu’aujourd’hui les gens ont envie de voir des personnages féminins forts, de quitter le stéréotype habituel du jeune garçon intrépide à qui il arrive plein d’histoires incroyables. L’un des précurseurs en la matière, selon moi, c’est Hayao Miyasaki. Il a su mettre en avant des personnages de femmes très variées, chacune étant forte à sa manière ; que ce soit la rebelle San dans Princesse Mononoke, ou la jeune et courageuse Chihiro dans le Voyage de Chihiro. Les enfants, qu’ils soient des petits garçons comme des petites filles, peuvent allez voir Tout en Haut du Monde et se reconnaître dans le personnage de Sacha, qu’importe son sexe. C’est avant tout un récit d’aventure qui peut plaire à tout le monde !
Tout en Haut du Monde a reçu un accueil très chaleureux de la part du public. Sur quels projets aimeriez-vous travailler après ce film ?
Je me souviens qu’après Tout en Haut du Monde, Rémi voulait arrêter l’animation. Mais il a vu une émission sur Calamity Jane, et l’envie de reprendre un nouveau projet est revenue ! Cependant, il était important de garder ce noyau dur de création autour de Rémi. Et là, plusieurs problèmes surviennent lorsqu’on est en France et que l’on veut faire de l’animation.
Un de ces problèmes, c’est que ce sont ceux qui ont de l’argent qui décident. C’est pour cela qu’on a eu l’idée de créer un studio, un peu dans l’esprit du Studio Ghibli, même si chaque film mettait en péril la structure elle-même.
L’autre soucis, très important pour le coup, c’est la communication. On doit sans cesse faire face à des producteurs qui jugent un film trop « arty » et refusent donc d’investir dans la communication sur ces derniers pour cette raison. Du coup, le film ne bénéficient pas d’une comm nécessaire et font un flop à leur sortie, en grande partie à cause de ça. Ensuite, les producteurs refusent de mettre de l’argent sur la table pour la comm des films d’animation. C’est le serpent qui se mord la queue ! Sur Tout en Haut du Monde, on a surtout pu bénéficier d’une excellente diffusion de la part de petits cinémas indépendants ! C’est extrêmement frustrant de voir qu’on s’est donné à fond sur un film mais qu’aucun effort n’est fait pour le vendre en retour. Simplement parce qu’il est jugé « trop arty ». D’où, une fois de plus, la nécessité selon nous de créer notre propre studio.
Dans le monde de l’animation, c’est la com qui fait tout. J’ai vraiment prit conscience de ça en travaillant sur Tout en Haut du Monde.
Y a-t-il un manga ou un animé qui vous a marqué ou que vous suivez récemment ?
J’ai été très fan de manga et d’animé japonais quand j’étais plus jeune. Evangelion, Cowboy Bebob, Kenshin, Paranoïa Agent, Full Métal Alchemist … Cependant, je ne parviens pas à retrouver le même émerveillement que j’avais adolescent. Je trouve qu’il y a souvent beaucoup trop de fan service et trop peu d’histoire. Mais j’avoue aussi que je manque de temps pour me plonger vraiment dans un animé ou dans un manga en ce moment.
J’ai cependant très envie de lire One Punch Man ! J’ai trouvé l’animation vraiment bien réalisé et très agréable à regarder.
Crédit photo : Cartoon Brew
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