Le Cerveau enfile son gilet pare-balles et replonge dans le chaos des champs de bataille modernes où les explosions rivalisent avec Michael Bay. Le test

Battlefield 6. Un nom qui résonne comme une promesse de rédemption après les déboires de certains épisodes récents.

DICE, épaulé par Motive Studios et Ripple Effect Studios, promet un retour aux fondamentaux de la série : destructions massives, combats à 64 joueurs, et une ambiance de guerre totale qui a fait la réputation de Battlefield, notamment des opus 3 et 4.

Après des années d’expérimentations plus ou moins heureuses, EA joue la carte de la nostalgie et du classicisme. Fini les gadgets futuristes et les spécialistes controversés, place à un shooter moderne old school qui assume son héritage.

Mais ce retour aux sources suffit-il à redonner ses lettres de noblesse à la franchise ? La réponse après plus d’une trentaine d’heures sur les champs de bataille virtuels.

Le retour du savoir faire

Commençons par l’évidence : Battlefield 6 est magnifique. Le Frostbite Engine montre une fois de plus de quoi il est capable avec des environnements destructibles somptueux, des effets de lumière spectaculaires, et un level design qui rappelle les grandes heures de la série. Chaque carte fourmille de détails, des immeubles qui s’effondrent aux cratères qui se creusent sous les explosions d’obus.

La collaboration entre DICE, Motive Studios et Ripple Effect Studios porte ses fruits : on sent le savoir-faire cumulé des trois studios dans chaque aspect technique du jeu. Les animations sont fluides, la physique des véhicules convaincante et l’optimisation permet de maintenir un framerate stable même lors des affrontements les plus chaotiques.

Du Battlefield dans ce qu’il y a de mieux

C’est beau, c’est propre, c’est du Battlefield dans ce qu’il fait de mieux visuellement. Les maps reprennent intelligemment les recettes qui ont fait le succès de Battlefield 3 et 4 : grands espaces ouverts pour les combats véhiculés, zones urbaines denses pour l’infanterie, et des moments de destruction massive qui transforment radicalement le terrain de jeu en cours de partie. Voir des bâtiments s’effondrer et modifier toute la dynamique de la bataille reste un spectacle qui ne vieillit pas.

Une campagne solo qui explose… dans le vide

Autant le dire tout de suite : la campagne solo est le talon d’Achille du jeu. On s’ennuie, et c’est un euphémisme. L’écriture est aussi inspirée qu’un script de film de guerre bas de gamme, les personnages manquent cruellement de charisme, et le scénario enchaîne les clichés sans la moindre once d’originalité.

Pire encore, on a l’impression désagréable que DICE a repris les éléments de Battlefield 3 et 4, mais en version discount. Les séquences scriptées s’enchaînent de manière prévisible, les objectifs manquent de variété (détruire ceci, défendre cela, suivre le point lumineux), et le rythme peine à captiver au-delà des premières missions.

Michael Bay version Gaming

Les explosions sont omniprésentes au point qu’on se croirait dans un film de Michael Bay version bootleg. Tout explose, tout le temps, sans que cela serve vraiment l’immersion ou la tension narrative. C’est du spectacle gratuit qui cache mal le manque de profondeur du gameplay solo.

Difficile de comprendre pourquoi EA n’a pas investi davantage dans une campagne digne de ce nom, avec une vraie écriture, des personnages travaillés et des missions mémorables. Après tout, Battlefield 1 et Bad Company 2 avaient prouvé que la série pouvait proposer des aventures solos captivantes. Ici, on survole les six heures de campagne en pilote automatique, impatient de retrouver le vrai cœur du jeu : le multijoueur.

Le multijoueur qui fait le taf (avec quelques couacs)

Heureusement, là où Battlefield 6 reprend du poil de la bête, c’est en ligne. Le multijoueur reste efficace et classique, fidèle à la formule qui a fait le succès de la série.

Les modes Conquête et Percée offrent des batailles épiques à 64 joueurs où infanterie et véhicules s’affrontent sur des cartes gigantesques, tandis que les petits modes en 32 joueurs proposent des affrontements plus intenses et tactiques.

Le gameplay tire légèrement vers l’arcade, se rapprochant parfois dangereusement de ce qu’on retrouve dans Call of Duty. Les gunfights sont nerveux, le time-to-kill relativement court, et l’action constante.

Le tactical au centre du jeu

Certains puristes regretteront cette orientation moins simulation, mais compensé en sélectionnant des serveurs « Hardcore » pour ceux qui cherchent plus de challenge et de réalisme. Pas de carte indiquant la position des ennemis, pas de régénération automatique, dégâts réalistes : le Hardcore remet le tactical au centre du jeu.

Le cross-play constitue une excellente addition qui fluidifie le matchmaking et garantit des parties pleines à toute heure. Toutefois, on constate un léger déséquilibre : les joueurs à la manette bénéficient d’une réduction de recul lors des rafales, ce qui leur confère un avantage non négligeable dans les duels à moyenne portée. Pas de quoi crier au scandale, mais suffisamment notable pour frustrer les puristes clavier-souris.

Un poil d’individualisme dans les escouades collaboratives

Le système de classes revient aux fondamentaux avec Assaut, Médecin, Soutien et Sentinelle. Chacune possède ses gadgets spécifiques et son rôle bien défini, encourageant en théorie le teamplay et la coopération. En théorie seulement, car dans la pratique, c’est une autre histoire.

Le système de réanimation illustre parfaitement ce problème : vous êtes au sol, à l’agonie, et vous demandez une réanimation à votre escouade. Votre coéquipier Assaut passe à côté de vous… et vous ignore royalement pour courir vers le prochain point de capture. Cette situation se répète tellement souvent qu’on finit par abandonner tout espoir de coordination, transformant les escouades en simple regroupement de joueurs solitaires. Dommage, car Battlefield a toujours brillé par son aspect coopératif et tactique. Ici, l’individualisme prime trop souvent sur l’entraide.

Du ciel vient la rage

Les véhicules terrestres : tanks, blindés légers, jeeps – offrent heureusement un gameplay solide et équilibré qui demande coordination et stratégie. Mais voilà où le bât blesse vraiment : les véhicules aériens. Hélicoptères d’attaque et jets dominent complètement les parties lorsqu’ils sont pilotés par des joueurs compétents. L’infanterie au sol peine à riposter efficacement, les lance-missiles ne suffisent pas à dissuader un bon pilote, et certaines parties se transforment en calvaire où l’on passe son temps à courir d’un abri à l’autre.

Ce déséquilibre peut rendre l’expérience pénible, surtout sur les cartes ouvertes où les options de couverture sont limitées. DICE devra impérativement revoir cet aspect via un patch d’équilibrage, car actuellement, un bon duo hélico ou jet peut littéralement verrouiller une partie entière.

Le système de progression adopte une approche classique mais efficace. Chaque arme se débloque via l’expérience accumulée avec sa classe respective, et les accessoires (lunettes, poignées, chargeurs) s’obtiennent en utilisant l’arme concernée. Rien de révolutionnaire, mais ça fonctionne et donne envie de continuer à jouer pour débloquer ce nouveau fusil d’assaut ou cette lunette thermique.

Un retour aux sources qui manque d’audace

Battlefield 6 accomplit sa mission : proposer un shooter multijoueur solide qui rappelle les grandes heures de la série. Le savoir-faire technique de DICE est indéniable, le multijoueur reste captivant malgré quelques déséquilibres, et ce retour aux fondamentaux plaira aux nostalgiques de Battlefield 3 et 4.

Mais voilà, on reste sur notre faim. La campagne solo est un ratage complet qui aurait mérité infiniment plus d’ambition, le gameplay tire un peu trop vers l’arcade au détriment de l’identité tactique de la série, et certains problèmes d’équilibrage (véhicules aériens, avantage manette) entachent l’expérience en ligne.

Battlefield 6 n’est ni une révolution ni une catastrophe : c’est un bon shooter multijoueur classique qui joue la sécurité plutôt que l’innovation. Pour redécouvrir les sensations des anciens Battlefield, c’est mission accomplie. Pour ceux qui espéraient que la série repousse ses limites et propose quelque chose de vraiment nouveau, il faudra attendre le prochain épisode.

En attendant, rendez-vous sur le champ de bataille. Et évitez les hélicos.

Crédit photos : © Electronic Arts