Le Cerveau replonge dans les complots médiévaux de Final Fantasy Tactics: The Ivalice Chronicles pour une guerre de succession où trahisons et chevalerie s’entremêlent enfin en français. Le test

Final Fantasy Tactics. Un nom mythique qui fait briller les yeux des vétérans du tactical-RPG depuis près de trente ans. Ce chef-d’œuvre de la PlayStation 1, sorti au Japon en 1997, n’avait jamais eu droit à une vraie édition européenne. Les francophones devaient se contenter de versions anglaises, que ce soit sur PSP en 2007 avec The War of the Lions ou via les portages mobiles ultérieurs.

Square Enix corrige enfin cette injustice historique avec  Final Fantasy Tactics : The Ivalice Chronicles, avec une traduction française inédite, des doublages en anglais et japonais, et un lifting graphique respectueux de l’œuvre originale. Après nous avoir régalés avec Triangle Strategy et ses débats démocratiques récemment, Square Enix nous rappelle d’où vient toute cette passion pour les tactical-RPG narratifs avec cette réedition qui arrive sur les consoles en cette fin d’année 2025.

Mais trente ans après, ce classique mérite-t-il vraiment qu’on lui consacre une cinquantaine d’heures ? Spoiler : ABSOLUMENT.

Ramza : le Jon Snow du tactical-RPG (mais en moins dépressif)

L’intrigue de Final Fantasy Tactics : The Ivalice Chronicles reste d’une modernité déconcertante. Dans le royaume d’Ivalice, la mort du roi déclenche une guerre de succession sanglante.

Au cœur de ce chaos politique : Ramza Beoulve, cadet d’une famille noble prestigieuse qui incarne parfaitement ce que Jon Snow représentait dans Game of Thrones : Un héros honorable coincé entre son éducation aristocratique et son statut de paria.

Yasumi Matsuno, le scénariste derrière cette épopée, s’est largement inspiré de la Guerre des Deux-Roses, ce conflit anglais du XVe siècle qui a également nourri l’imagination de George R.R. Martin. Ramza commence comme simple écuyer plein d’idéaux chevaleresques, avant de découvrir la corruption qui gangrène son royaume, les manipulations de l’Église Glabados, et les ambitions démesurées de son propre frère. Une descente progressive dans les méandres de la politique ivalicienne  qui arrache peu à peu le voile d’innocence du héros, jusqu’à en faire un hérétique banni et traqué pour avoir voulu chercher la vérité.

Tragédie en RPG

Le scénario ne fait aucun cadeau : trahisons familiales, massacres, purges religieuses, manipulation des masses… Une véritable tragédie digne de Shakespeare ou des mythes grecques, mais en jeu-vidéo.

Matsuno livre une réflexion politique mature qui tranche avec l’habituelle légèreté des Final Fantasy. Mention spéciale pour la localisation française qui rend enfin justice à ces dialogues ciselés, avec un vocabulaire médiéval savoureux.

Un gameplay tactique d’une profondeur abyssale

Final Fantasy Tactics mise tout sur la profondeur stratégique et la customisation. Chaque personnage peut embrasser une multitude de classes : Écuyer et Apothicaire pour débuter, puis Chevalier, Archer, Mage Blanc, Voleur… avant de déverrouiller les prestigieuses classes avancées comme Samouraï, Ninja, Géomancien ou Arithméticien.

Le génie du système réside dans sa flexibilité totale : Ramza peut commencer un combat en Chevalier avec des compétences de Mage Blanc en soutien, puis se reconvertir en Samouraï équipé de techniques de Moine pour le chapitre suivant.

Partie d’échecs mortelle

Les combats de Final Fantasy Tactics : The Ivalice Chronicles exploitent intelligemment le relief des grilles isométriques : attaquer depuis une position surélevée augmente les dégâts, tandis qu’une attaque dans le dos garantit pratiquement un coup critique. Le système de tours basé sur la vitesse transforme chaque affrontement en partie d’échecs mortelle où la patience prime sur la force brute. Les boss fights atteignent des sommets d’ingéniosité : Gaffgarion et ses coups critiques ravageurs, Wiegraf dans son duel épique en un contre un, ou encore les affrontements contre les Lucavi, ces démons qui incarnent les Gemmes du Zodiaque.

On passe facilement des heures à théoriser la composition parfaite, à farmer quelques batailles pour perfectionner une build, ou à tester des synergies improbables… qui finissent souvent par fonctionner !

Une interface modernisée avec quelques oublis

Square Enix a compris que moderniser un classique ne signifie pas le dénaturer. L’interface bénéficie d’un sérieux rafraîchissement : menus plus lisibles, navigation simplifiée, possibilité de sauvegarder à tout moment pour éviter les frustrations légendaires de la version PSX et système d’accélération des combats bienvenu.

Toutefois, quelques choix ergonomiques laissent perplexe, surtout après avoir gouté à Triangle Strategy. Impossible de revenir en arrière pour relire un dialogue qu’on a malencontreusement zappé en appuyant trop vite. Cette absence de log de conversation devient frustrante lors des longues cinématiques politiques où chaque mot compte. Rien de rédhibitoire, mais ces petits accrocs rappellent que même les remasters les plus soignés peuvent oublier des fonctionnalités devenues standards.

Une direction artistique… qui aurait pu oser davantage

Autant le dire tout de suite : visuellement, The Ivalice Chronicles fait le job sans vraiment impressionner. Le character design d’Akihiko Yoshida traverse les époques sans prendre une ride, c’est indéniable. Les sprites HD ont été retravaillés avec soin et les environnements bénéficient d’une cure de jouvence bienvenue.

Mais voilà, on reste face à un rendu PS1 lissée en 4K avec une interface modernisée. Square Enix a choisi la voie de la préservation plutôt que celle de la modernisation audacieuse. Résultat : il manque ce petit quelque chose qui aurait fait basculer le jeu dans la vraie modernité visuelle. Pas de retravail majeur des textures, pas de réinvention artistique à la sauce HD-2D comme sur Triangle Strategy, juste un lifting… correct.

On s’y fait après quelques heures de jeu, certes, et les effets de sorts conservent leur impact sans tomber dans la surenchère. Le tout tourne avec une stabilité exemplaire, mais difficile de ne pas imaginer ce qu’aurait pu donner Ivalice avec un vrai traitement graphique ambitieux.

Cinquante heures de complots, minimum

Comptez entre quarante et cinquante heures pour voir le générique de fin, mais les complétionnistes y trouveront facilement le double. Débloquer toutes les classes, recruter les personnages secrets comme Cloud Strife, affronter les boss optionnels du Donjon sans fonds… le contenu ne manque pas.

La rejouabilité s’appuie sur la liberté de composition : refaire une partie avec des builds totalement différentes renouvelle considérablement l’expérience, le système de braconnage pour récupérer de l’équipement rare ou à moindre prix.

Le tactical-RPG qui a tout inventé, enfin accessible

Final Fantasy Tactics: The Ivalice Chronicles prouve qu’un grand jeu reste un grand jeu, peu importe son âge. Square Enix offre enfin aux francophones l’opportunité de découvrir ce monument dans des conditions optimales, avec une traduction soignée qui rend justice à la complexité narrative de Matsuno.

Certes, quelques choix ergonomiques auraient mérité plus d’audace et certaines mécaniques accusent leur âge, mais l’essentiel demeure intact : une histoire politique mature qui rivalise avec les meilleures séries, un système de combat d’une profondeur abyssale, et cette atmosphère médiévale unique qui continue d’inspirer le genre aujourd’hui.

Pour les néophytes curieux de comprendre d’où viennent les Triangle Strategy et autres Tactics Ogre, c’est LA porte d’entrée idéale. Pour les nostalgiques qui ont usé leur manette PSX à l’époque, c’est l’occasion de revivre cette aventure avec le confort moderne.

Pour les curieux de découvrir ou redécouvrir ce classique, c’est aujourd’hui la version de référence. Ivalice vous attend, et cette fois, en français dans le texte. À vos classes !

Final Fantasy Tactics The Ivalice Chronicles : bande Annonce

Crédit photos : © Square Enix