Critique. James Gunn boucle sa série avec un épisode final qui privilégie l’émotion au spectacle. Entre réussite émotionnelle et frustrations narratives, décryptage d’une conclusion qui est à l’image de l’intégralité de la saison
Après huit épisodes Peacemaker tire sa révérence avec un final qui risque de laisser les spectateurs partagés. Pas de bataille épique, pas de cascades de caméos promis, juste un Christopher Smith face à lui-même et aux conséquences de ses actes.
James Gunn assume un choix audacieux qui ne fera peut-etre pas l’unanimité après une saison en demi-teinte : privilégier l’intime au spectaculaire. Pari réussi ou occasion manquée ? La réponse se situe quelque part entre les deux.
L’humain avant le super-héros
Soyons honnêtes, cette saison 2 avait une mission compliquée : connecter l’ancien DCEU au nouveau DCU qui se veut dans la veine de Marvel, c’est-à-dire un univers connecté entre chaque film ou série, de The Suicide Squad à Superman, en passant par Creature Commandos, au prochain Man of Tomorrow avec bien évidemment Peacemaker saison 1 et maintenant saison 2.
Une mission pas facile quand il s’agit de cette série, puisqu’il faut donner de la profondeur à un personnage créé comme faire-valoir comique dans The Suicide Squad, tout en conservant l’ADN déjanté de la première saison et connecter le reste à ce qui est mis en place dans les films de DC, tenus par Peter Safran et James Gunn en personne.
Ecrit en même temps que le film Superman, dans des temps limités, la saison 2 de Peacemaker réussi son pari sur le plan émotionnel, moins sur le narratif, notamment quand il s’agit de la grande intrigue en trame de fond, celle du DCU.
Un grand Cena
Le grand point fort de cette saison 2 est John Cena, sans conteste. L’acteur livre ce qui est probablement sa meilleure performance à l’écran. Fini le gros bourrin qui ne connaît que la violence, place à un Christopher Smith vulnérable, hanté par ses démons et cherchant désespérément à être aimé.

L’acteur se livre cette saison à l’image de ce final avec émotion et souvent de manière déchirante, à l’image de la scène de prison dans l’épisode final, persuadé d’être maudit et prêt à laisser derrière lui son groupe d’ami, pour les préserver de lui.
Multi-meh-verse : une occasion manquée
Introduits dans le film Superman, les univers parrallèles font leur grande arrivée dans le monde de Chris. Un concept de multivers qui va permettre de faire un lien direct avec Lex Luthor et ses aspirations, ainsi que les enjeux du film de James Gunn. Ici, Gunn s’amuse avec ces portes parrallèles jusque dans le final, pour forcer Chris à se confronter à ce qu’il aurait pu être, mais surtout ce qu’il est.
Le grand mystère de cette saison 2 de Peacemaker était donc bien évidemment autour de ce monde parrallèle qui ressemble au monde révé de Chris, après avoir tué son double malgré lui. L’homme, centré sur ses problèmes et son désespoir va passer à côté de tous les signes qui peuvent alerter sur ce monde sous le joug nazi, puisque Chris y trouve tout ce qu’il désire – un père aimant, une vie paisible, la reconnaissance. Un monde parfait, jusqu’à ce que la réalité le rattrappe grace à ses amis.
L’anticlimax assumé
Mais voilà, difficile d’ignorer l’impression d’anticlimax qui plane sur ce final. Après des semaines de teasing sur un « pétage de câble » avec « des caméos en cascade », on se retrouve avec… un épisode contemplatif qui résout l’essentiel de l’intrigue dans l’avant-dernier chapitre. Le final lui-même ressemble davantage à un épilogue qu’à un véritable climax.

Un final qui bazarde l’élément majeur qui va bien évidemment relancer l’intrigue du second opus dédié à Superman et peut être d’autres œuvres du DCU, frustrant la conclusion de la série. On sent Gunn obligé de caser des éléments de world-building pour les futurs projets (Waller, Superman, etc.) au détriment de la narration propre de Peacemaker. A l’image de cette saison, entre gain de temps, blagues salaces et vulgaires parfois gratuites souvent inutiles.
Rythme bancal
Résultat : certaines intrigues semblent bâclées (Adebayo consultante ? Sasha Bordeaux sous-utilisée ?), d’autres ouvertes sans conclusion satisfaisant, à l’image d’une saison au rythme bancal qui plombe l’intrigue narrative.
Les cinq premiers épisodes tournent en rond sur la découverte de la dimension parallèle, puis tout s’accélère brutalement dans les épisodes 6-7, avant de retomber dans la lenteur contemplative pour le final. Une impression de temps morts renforcée par des scènes qui s’étirent comme les séquences avec membres de l’ARGUS explorant les différents mondes de la Chambre… amusantes mais dispensables.
Le problème de l’équilibre Gunn
Ce final cristallise le principal défi de cette saison 2 : James Gunn a voulu tout faire en même temps. Réalisateur et scénariste de Superman, showrunner de Peacemaker, architecte en chef du DCU… L’homme n’a réalisé que trois épisodes cette saison (1, 6 et 8) contre l’intégralité de la première. Et ça se ressent dans l’homogénéité globale.

Là où la saison 1 avait une vision claire et un narration maitrisée atour du complot alien et le parcours de rédemption de Chris, cette saison 2 hésite constamment entre plusieurs ambitions : série intime sur le traumatisme, les liens nécessaire entre le groupe de personnages surtout quand ils sont des « misfits », la construction de l’univers DC, la satire politique.
La Terre -X nazie, aussi brillante soit-elle, arrive tard et occupe peu d’espace. On passe à côté d’une réelle réflexion sur un monde comme ce dernier, à l’heure du radicalisme et de l’Amérique de Trump, avec ses raids ICE. A la fin de l’épisode 7, plus court, un sentiment de » tout ça pour ça » se fait ressentir. Le final, quant à lui, paie le prix de ces hésitations narratives, tout comme l’intégralité de la saison, qui n’arrive pas à être à la hauteur de la première.
Les 11th Street Kids : l’atout majeur
Si quelque chose sauve vraiment cette saison 2 de Peacemaker, ce sont les 11th Street Kids. Le développement des personnages secondaires autour de Chris compense largement les faiblesses narratives. Danielle Brooks (Leota) gagne en complexité, Jennifer Holland (Harcourt) révèle des facettes insoupçonnées, et même Vigilante (Freddie Stroma) trouve sa place au-delà du simple comique de situation.
L’alchimie du groupe reste intacte et c’est finalement ça qui donne envie de les revoir dans d’autres projets du DCU. Car soyons clairs : ce final ressemble davantage à un adieu de série qu’à une ouverture vers une saison 3. Gunn l’a implicitement confirmé en teasant le retour des personnages ailleurs et annonçant qu’il n’y aurait pas de saison 3 pour la série.
Verdict : une ambition louable, une exécution inégale
Peacemaker saison 2 aura été une saison frustrante dans son ambition démesurée. James Gunn visait haut – trop haut peut-être – en voulant à la fois conclure l’arc de Chris, poser les bases du DCU et explorer des thèmes profonds via le concept de dimensions parallèles.
Le résultat est inégal : des sommets émotionnels indéniables portés par des performances d’acteurs et une belle alchimie des 11th street kids, mais un ensemble bancal qui manque de la cohérence narrative.

Ce final de la saison 2, intitulé Full Nelson, en hommage au groupe de rock qui apparait dans ce dernier incarne parfaitement ces contradictions : intimiste et touchant dans ses meilleurs moments, frustrant et incomplet dans sa gestion des intrigues. On applaudit cependant le courage de Gunn d’avoir privilégié l’émotion au spectacle, tout en regrettant qu’il n’ait pas trouvé l’équilibre parfait entre les deux.
Reste que malgré ses défauts, cette saison confirme une chose : John Cena a une vraie carrière d’acteur dramatique devant lui, et les 11th Street Kids méritent amplement de poursuivre leurs aventures dans le DCU. Pour ça, et pour ces moments de grâce émotionnelle, on pardonnera les maladresses narratives. Presque.
Crédit photos : © Warner Bros/HBO Max
























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