Le Cerveau se plonge dans les intrigues politiques de Norzélia où chaque vote compte et chaque décision peut changer le cours de l’histoire. Le test

Triangle Strategy. Un nom qui sonne comme un théorème de géométrie, mais qui cache en réalité l’un des tactical-RPG les plus ambitieux de ces dernières années.

Après le succès d’Octopath Traveler et sa technologie HD-2D, l’équipe Asano remet le couvert avec Triangle Strategy, un jeu qui mélange habilement pixel art nostalgique et effets 3D modernes. Mais cette fois, exit les héros solitaires : ici, on gouverne en conseil démocratique.

Bienvenue à Westeros… pardon, Norzélia

L’aventure de Triangle Strategy nous embarque dans les méandres géopolitiques du continent de Norzélia, théâtre d’une alliance fragile entre trois royaumes aux intérêts divergents.

D’un côté, le royaume de Glenbrook et son commerce naval prospère, de l’autre le duché d’Aesfrost avec ses mines de fer et sa maîtrise de la sidérurgie, et enfin les terres sacrées de Hyzante qui contrôlent les précieuses mines de sel depuis leur désert.

Dans la peau de Serenor Wolffort, héritier d’une noble maison aux traditions guerrières, on navigue entre trahisons, mariages arrangés et complots dignes des plus belles heures de Game of Thrones.

Les premières heures peuvent dérouter tant les personnages et les enjeux politiques s’enchaînent à un rythme effréné, mais c’est justement cette complexité narrative qui fait le sel du jeu.

Car Triangle Strategy ne fait pas dans la dentelle : guerre, esclavage, complots politiques, tout y passe avec une maturité qui tranche radicalement avec la naïveté habituelle des JRPG. On est bien loin des « amitiés qui sauvent le monde, ici, chaque décision a un prix et les héros d’hier peuvent devenir les tyrans de demain.

Reflexion philosophique et débats enflammés

Le cœur battant du jeu et sa grande originalité vient de la maison Wolffort qui fonctionne en démocratie. Quand vient l’heure des choix cruciaux, pas question de décider seul dans son coin comme un monarque éclairé. Non, on sort la Balance des Convictions et tout le monde vote.

L’expérience est saisissante : Serenor présente la situation, chaque compagnon donne son avis selon ses convictions personnelles et c’est la majorité qui l’emporte. Vous pouvez bien sûr tenter d’influencer vos alliés pendant une phase de persuasion, mais gare à celui qui croit pouvoir manipuler Roland le chevaleresque ou Benedict le pragmatique sans arguments solides

Une mécanique narrative qui transforme chaque embranchement narratif en véritable débat de société. Faut-il livrer un ami pour sauver son peuple ? Accepter l’esclavage pour préserver la paix ? Les dilemmes moraux s’enchaînent avec une cruauté qui rappelle les heures les plus sombres des Stark et des Lannister.

Un tactical loquace mais jamais ennuyeux

Autant le dire tout de suite : Triangle Strategy, est très narratif, voir bavard, mais de manière complétement assumé. On peut même dire que la grande force du jeu réside dans ces joutes et autres tirades narratives qui donne du cœur et de la force à son histoire.

Par contre, les séquences de dialogues et de combat s’éternisent parfois, ponctuées d’investigations où l’on glane des informations cruciales auprès des PNJ. Les allergiques aux visuals novels passeront certainement leur chemin vu que le jeu utilise tous les ressorts du genre, mais les autres découvriront une écriture soignée qui donne chair et émotion à chaque protagoniste.

Un gameplay solide

Le gameplay tactique n’en reste pas moins solide. Sur des grilles isométriques magnifiquement détaillées, on déplace ses unités au tour par tour selon les règles classiques du genre : attaques dans le dos critiques, bonus de hauteur, attaques en tenaille… Chaque personnage possède ses spécificités et évolue selon un arbre de compétences linéaire mais efficace.

Les champs de bataille regorgent d’éléments interactifs qui pimentent les affrontements : brasiers à allumer pour contrôler les déplacements, plateformes mobiles à pousser vers les ennemis, positions défensives à exploiter… De quoi renouveler constamment l’approche stratégique et éviter la routine.

HD-2D : quand le pixel art rencontre Unreal Engine 4

Visuellement, Triangle Strategy est un régal pour les yeux. La technologie HD-2D développée par Square Enix fait des merveilles : sprites en pixel art détaillés sur des décors 3D somptueux, effets de lumière spectaculaires, animations fluides… Le tout tourne sous Unreal Engine 4 avec une fluidité exemplaire.

Les environnements fourmillent de détails savoureux et la direction artistique sait parfaitement alterner entre moments d’intimité et grandes batailles épiques. Seul petit bémol : les sprites peuvent parfois paraître figés lors des longues séquences dialoguées, mais le doublage anglais de qualité compense largement ce léger défaut.

Trente heures de complots et de trahisons

Triangle Strategy offre une durée de vie conséquente : comptez une bonne trentaine d’heures pour voir le bout de l’aventure principale. Mais c’est surtout la rejouabilité qui impressionne avec ses quatre fins différentes selon les choix effectués et un système de New Game+ qui conserve une partie de votre progression. Les plus curieux pourront recruter l’intégralité des 30 personnages jouables, débloquer toutes les ramifications scénaristiques et tester différentes approches stratégiques.

Si Triangle Strategy brille sur de nombreux aspects, il faut reconnaître que son approche n’est pas pour tout le monde. Les longues phases narratives peuvent rebuter les joueurs pressés et la complexité géopolitique demande une attention soutenue pour ne pas perdre le fil des nombreuses intrigues.

Certains regretteront aussi l’évolution limitée des personnages, chacun étant cantonné à une classe fixe sans possibilité de multiclassage à la Final Fantasy Tactics. Mais c’est un choix assumé qui privilégie la cohérence narrative à la liberté de customisation.

Un digne héritier de Final Fantasy Tactics

Triangle Strategy réussit le pari difficile de moderniser la formule du tactical-RPG sans trahir son héritage. Entre Final Fantasy Tactics et Tactics Ogre, Artdink signe avec son Triangle Strategy une œuvre mature qui n’a pas peur de poser les vraies questions sur le pouvoir et ses compromissions.

Cette version multiplateforme révèle enfin tout le potentiel de ce bijou stratégique, offrant aux nouveaux venus l’expérience optimale avec des graphismes sublimés et une fluidité exemplaire. Pour découvrir ou redécouvrir ce chef-d’œuvre de la stratégie narrative, c’est le moment ou jamais.

Triangle Strategy prouve que la démocratie, même virtuelle, reste un exercice complexe et passionnant. Vivement le prochain conseil !

Crédit photos : © : Square Enix