Les quatre premiers épisodes de Stranger Things saison 5 ont été dévoilés jeudi avec tous les symptômes d’une série vidée de substance. La critique du Cerveau, dépité et déçu.
Neuf ans après son premier lancement en 2016 et le ras de marée qu’elle a généré auprès des abonnés Netflix,Stranger Things tire sa révérence avec les quatre premiers épisodes de la saison finale arrivés ce jeudi avec la promesse d’une conclusion épique à la saga de Hawkins.
Une promesse annoncée en grande pompes à coup de marketing outrancier, avec une dernière saison divisée en trois, histoire de maximiser la diffusion, coutume habituelle de son diffuseur. Mais en réalité, ce que nous propose Netflix et les créateurs de Stranger Things est une saison finale qui semble avoir oublié pourquoi on regardait cette série au départ.
La même histoire encore et encore….
Les quatre premiers épisodes se contentent de nous ramener exactement où on nous a laissés. Les personnages tournent en rond dans les mêmes schémas narratifs que depuis trois saisons.
Tous les personnages sont fidèles à eux-mêmes comme au premier jour. Nancy par exemple veut piéger Vecna avec son fusil comme elle le fait depuis toujours. Et même si cette dernière a des enjeux un peu plus complexes avec la disparition de sa petite sœur Holly enlevée et ses parents entre la vie et la mort, le personnage reste qui elle est…
Un peu comme tous. Ils ont grandi, sont quasiment adultes mais chacun reste dans la dynamique et les caractères qui leurs ont été attribués, ni plus ni moins. Pareil pour Mike, pour Lucas, Jonathan et Steve.

Le seul peut être qui a un semblant de nouveauté et d’évolution est Dustin, touché par la mort de son pote Eddie. L’enfant joyeux n’est plus. Il est en deuil et très affecté par sa disparition. Une évolution logique, mais un peu en marge, puisqu’il est le seul personnage qui subit les conséquences de ses traumas.
On reprend les mêmes…
Et des traumas à Hawkins il y en a eu, pas qu’un peu. Pourtant chaque enfant devenu grand n’est que la copie de lui-même 10 ans plus tôt. Tous errent dans les même dynamiques. Certains ont améliorés leur jeu, à l’image de celui qui incarne Dustin, d’autres reproduisent parfois en pire le même jeu d’acteur enfant. Par manque de talent ou à cause d’une écriture et mise en scène fainéante ? On ne le saura pas.
Quant à Eleven, on la retrouve en plein entrainement après son arc auprès de Brennan pour retrouver ses pouvoirs. La superhéroïne attitrée n’a elle aussi pas du tout évolué. Elle reste monolithique et laconique comme quand elle était enfant, avec un jeu peu subtil de Millie Bobby Brown, voire encore moins bon qu’avant.

Accompagnée de Hopper, elle ne montre dans ces quatre épisodes aucune réflexion sur le fait que ses pouvoirs, ainsi que tout ce qu’elle a vécu dans le laboratoire et depuis l’ont détruite psychologiquement après tout ce temps. Eleven entre simplement en action parce que c’est son rôle. Elle s’entraîne parce que c’est elle qui doit affronter Vecna et c’est tout. Elle écoute (ou obéit au choix) à Hopper et semble juste plus déterminée à terminer ce qu’elle a causé.
… et on recommence sans enjeux, ni évolution !
Ce qui manque cruellement dans cette première partie c’est une véritable évolution. Cet acte 1 de la saison finale de Stranger Things nous montre des ados qui sont presques adultes, mais qui se comportent exactement comme leurs versions de douze ou seize ans.
La saison finale doit être la saison du bilan et des explications. Les réponses à toutes les questions que l’on se pose, la résolution de tous les enjeux de la série. On aurait pu nous montrer des personnages transformés par le trauma. Des enfants devenus grands, avec tout ce que cela implique.
Au lieu de ça, on les retrouve dans les mêmes dynamiques : Dustin fait toujours des explications scientifiques maladroites, Mike est toujours le maitre du jeu qui explique tout, et Jonathan est juste… absent de la plupart des épisodes, comme si le scénario l’avait oublié. Il n’y a aucune maturation, aucune profondeur nouvelle apportée à ces personnages. Et c’est terriblement ennuyeux.
Une Intrigue vide
L’intrigue elle-même est un exercice de remplissage déguisé en narration. On sait que Vecna est le méchant. On sait qu’il faut le combattre. On le savait déjà à la fin de la saison 4. Et ces quatre épisodes ne nous offrent absolument rien de nouveau sur ce front. A part nous expliquer que Vecna a une nouvelle forme et un nouveau but, ainsi que de nouveaux quartiers dans le monde à l’envers (derrière un Mur à la Game of Thrones, mais Upside Down style). Vraiment ? N’était-ce pas déjà assez clair à la fin de la saison 4 quand il s’est échappé en flammes ?

Pas de révélation intéressante, pas de twist narratif qui vaut la peine avant la fin de l’épisode 4 de cette saison 5 de Stranger Things… Même s’il était assez devinable que Will serait le pendant positif de Vecna.
Pas même une bonne question existentielle posée chemin faisant. On regarde juste, lentement les mêmes personnages qui refont les mêmes choses qu’avant, en parlant davantage de leurs sentiments sans jamais les explorer. Le seul avec qui on prend le temps de penser sans le faire évoluer, c’est Will, en plein questionnement sur sa sexualité, avec une morale simpliste et superficielle : « accepte qui tu es pour débloquer ton potentiel ». Chouette.
Anesthésie locale
Des longueurs qui se font sentir dès le premier épisode. Les Duffers semblent avoir oublié que la saison finale d’une série doit servir à quelque chose.
Au lieu de ça, on navigue péniblement dans des scènes de vie quotidienne et préparatifs avant qu’il ne se passe quelque chose. A la maison, au lycée, à l’hôpital auprès de Max…. L’épisode 1 passe des séquences entières sur des retrouvailles au lycée avec les harceleurs de Dustin. Les mêmes que la saison précédente. 20 minutes où rien ne progresse, où aucune information n’est donnée, où aucun conflit n’est établi.
Des retrouvailles sans surprises, des dialogues qui s’éternisent sans jamais dire grand-chose. Tout est balisé et lent, avant que de réels évènements ne se passent dans l’épisode 3 et 4, nécessaires à l’avancée de l’intrigue… et encore.

Stranger Things saison 5 manque cruellement de tension narrative. Où est l’urgence d’une saison finale ? Où est cette sensation que chaque minute compte ? Elle s’est perdu quelque part entre le budget des effets spéciaux et l’attachement sentimental des créateurs à leurs mystères.
Ou peut-être les dérives marketings de la série, qui a poussé le vice jusqu’à scinder une saison de 8 épisodes en trois diffusions distinctes (cherchant à s’éloigner le plus du binge watching et capitaliser sur les abonnements), alors qu’il n’y avait surement pas matière pour faire plus de deux épisodes finaux. 8 épisodes, dont certains avoisinent la durée d’un film ou téléfilm. Avec autant de lenteurs, on peut se demander ce qui va être proposé dans la suite.
Les 80s toujours les 80s
La nostalgie. Le cœur battant de Stranger Things depuis ses débuts. Si la saison 1 proposait une pure nostalgie des années 80, celle qui a bercé les créateurs de la série et beaucoup d‘entre nous, 9 ans plus tard, la nostalgie n’est plus la même.
Au début elle était honnête et passionnée. Elle voulait célébrer le genre et les films qui ont marqué toute une génération. Une époque glorieuse de tous les possibles, que beaucoup ont eu la chance de vivre pendant leur enfance. La nostalgie était là car elle était subtile et inspirée. Mais en saison 5, rien n’est pareil.
Cette nostalgie est devenue un outil. Un outil sans âme dopé par les partenariats marketing des marques de l’époque et souvent toujours actuelles. Elle est devenue un moyen de créer et générer plus de profits à travers pop-ups et autres masses de produits dérivés.
La série étant devenu un phénomène de société, avec une esthétique marquée et marquante inspirée par une époque, il faut en jouer. Pas d’originalité, on offre de la nostalgie, pure et simple, comme substitut à une véritable narration.
Trop de nostalgie tue la nostalgie
On passe ces quatre épisodes à nous rappeler comment c’était cool, mais cette fois en 1987. On nous montre des jeux vidéo oubliés comme Ghost n’Goblin, des t-shirts d’époque à l’effigie de Star Trek, des références à Retour Vers Le Futur ou d’autres films dont cette saison s’inspire (ou calque c’est comme on veut).
Regardez les looks, les objets, les radios, regardez les cheveux, regardez les costumes, regardez comment on filme les années 80 ! C’est tout. Un catalogue nostalgique des années 80 plus qu’une série qui raconte réellement quelque chose sur ses personnages.

Le problème, c’est que la nostalgie est un outil narratif qui a une date d’expiration. On l’a utilisée en saison 1 parce que c’était frais, parce que c’était le point central de la série. Maintenant, en saison 5, s’accrocher à la nostalgie c’est admettre qu’on n’a rien à dire. C’est un peu comme dire : on ne sait pas comment terminer cette histoire de manière satisfaisante qu’on a commencé à imaginer en saison 2 avec le succès de la série… alors on va juste vous faire sentir bien en vous rappelant les bonnes vieilles années.
Le sempiternel hommage au cinéma
Et c’est d’autant plus apparent quand on regarde ce que Stranger Things emprunte systématiquement au cinéma sans jamais vraiment le réinventer. Ces quatre épisodes sont un collage de références empruntées à Freddie, les évadès, Rocky, Retour vers le futur, Alien, Maman j’ai raté l’avion… Et on en passe, avec toutes les ficelles et tropes des films de Spielberg. Mais contrairement aux maîtres, Stranger Things ne les transforme pas, ne les pousse pas. On reproduit avec nostalgie, c’est tout.
La série a toujours fonctionné sur ce modèle, certes, mais au moins dans les premières saisons, il y avait une certaine cohérence. On avait l’impression que les showrunners comprenaient pourquoi ces références marchaient et tentaient de les adapter à leur univers dans le but de servir leur histoire. Une histoire qui avait une âme.
Une histoire qu’on avait adorée. Maintenant ? On a plus l’impression de regarder un jeu de piste de références qu’une intrigue en série. Un musée de Cinéma des années 80, non une création originale inspirée par ces films. On reconnaît chaque scène ou inspiration avant qu’elle ne se produise et c’est bien dommage.
Les personnages eux-mêmes sont devenus des archétypes empruntés à ces films plutôt que des êtres vivants. Eleven c’est la jeune fille avec des pouvoirs surhumains de chaque film de science-fiction des années 80. Nancy c’est la femme qui se bat au fusil d’une douzaine de films d’action. Joyce c’est la mère désespérée de Poltergeist. Hopper est littéralement le flic dur de n’importe quel thriller des années 80. Et le pire ? Il n’y a aucune tentative de transcender ces archétypes, de les compliquer, de les problématiser. Ils restent juste… des personnages stéréotypés et identiques.
Hopper / Eleven : une relation figée
Quant à la relation centrale et émotionnelle de Stranger Things : celle entre Hopper et Eleven qui était le cœur de la série, celle qui était supposée évoluer, mûrir, se transformer. Et bien pareil. Ces quatre premiers épisodes nous offrent exactement la même dynamique qu’avant.
Hopper continue de surprotéger Eleven, et celle-ci continue d’être l’enfant qui a besoin d’être sauvée. On revoit les même flashbacks pour justifier le comportement protecteurs de Hopper avec sa fille, et Eleven continue de râler parce qu’elle veut elle aussi agir.

Aucune renégociation de cette relation après tout ce qu’elle a vécu. Aucune discussion sur le fait qu’elle ait des traumatismes après tout ce qu’elle a vécu. Aucune exploration entre un père et sa fille adulte qui se reconstruisent après des décennies d’enfer. C’est… la même relation, rejouée avec des visages plus vieux. Pire, des acteurs qui ont même perdu leur alchimie, puisqu’on ne ressent rien en les regardant. On se demande même si ces derniers appréciaient de jouer ensemble.
On aurait pu explorer la culpabilité d’Hopper d’avoir été absent. On aurait pu examiner comment Eleven gère d’être une jeune adulte qui a passé son adolescence à combattre des créatures interdimensionnelles enfermée dans un laboratoire et sans famille. On aurait pu avoir une vraie conversation parent-enfant sur le trauma, la responsabilité et la rédemption.
Linda Hamilton : le gaspillage
Et puis il y a Linda Hamilton. Oui, elle. L’actrice légendaire de Terminator 2, celle qui a défini l’archétype de la femme d’action badass des années 80-90, fait une apparition dans la saison 5 en tant que Cheffe militaire, peut-être même celle à l’origine des expérimentations dans le laboratoire. Et vous savez quoi ? Elle ne sert quasiment à rien. Oui, à rien.
Elle apparaît brièvement dans les épisodes jusqu’au quatrième pour donner des ordres et avoir une confrontation rapide avec Hopper et Eleven. Juste assez longtemps pour confirmer qu’on l’a vue, puis elle disparaît. Un casting à gros budget pour générer du buzz mais sans aucune substance narrative. Elle n’a peut-être que trois ou quatre scènes totales dans les quatre premiers épisodes, et aucune d’entre elles n’ajoute quelque chose de significatif à l’histoire.
Son rôle aurait pu être exploré et son talent célébré, elle, l’icône des années 80. L’outil nostalgie par excellence. Elle qui a inspiré le personnage de Nancy sans aucun doute. Au lieu de ça, Linda Hamilton incarne un rôle tierce avec un visage reconnaissable. Elle sort ses répliques de manière compétente mais avec l’expression de quelqu’un qui sait qu’elle est présente juste pour ajouter du prestige au casting.

Symptôme parfait d’une saison finale qui ne sait pas ce qu’elle veut faire. D’une série qui a inventé sa mythologie sur un one-shot qui n’était censé qu’être une mini-série avant que Netflix ne commande une suite. Stranger Things méritait d’avoir un scénario assez fort pour utiliser son casting de manière significative.
L’incarnation parfaite de ce que cette saison finale représente : une tentative de compenser l’absence de vraie narration par des noms célèbres, les enfants que nous connaissons et avec qui un lien s’est créé et de la nostalgie.
Une réalisation sans surprise
Quant à la réalisation et les effets spéciaux, ils sont techniquement compétents, mais c’est à peu près tout. Certaines créatures sont bien rendues, d’autres moins, l’ambiance générale est correcte mais souvent mal exécutée, notamment dans le monde à l’envers, quand les décors réels et effets spéciaux se mêlent.
Rien de mémorable si ce n’est de fonds bleus souvent très visibles. Les batailles manquent de spectaculaire, les scènes d’horreur manquent de peur, et les moments censés être grandioses tombent à plat.
La réalisation suit la même logique de compétence sans inspiration. Aucune prise de risque visuelle, aucune nouvelle approche pour cette dernière danse. Du travail de fan de cinéma, pas de cinéaste. Les cadrages sont sûrs, les transitions sont efficaces, mais tout cela manque désespérément de fraîcheur et ressemble trop aux films qui ont influencés les créateurs de Stranger Things.
Une conclusion loin d’être épique
Ce qui rend l’expérience vraiment frustrante, c’est de réaliser qu’on aurait pu avoir bien mieux. Une saison finale devrait apporter une perspective nouvelle. Transformer ce qu’on pensait connaître. Nous laisser avec quelque chose à ruminer. Nous surprendre.
Les quatre premiers épisodes de la saison 5 font l’inverse complet : ils nous confirment ce qu’on sait déjà et nous gardent prisonniers du même cycle narratif depuis quatre saisons presque anesthésiés et dépités devant son téléviseur. Le tout enrobé dans une couverture de nostalgie cheap et d’emprunts cinématographiques non digérés.

Stranger Things a toujours eu un problème structural en s’allongeant, mais la saison 5 explose ce problème. Une série qui n’a jamais su prendre de risques thématiques mais qui tentait au moins de compenser par des rebondissements et une atmosphère captivante. Cette saison abandonne même cette prétention. Elle est confiante, plate, lente et profondément satisfaite de simplement exister plutôt que de dire quelque chose.
On aurait voulu que Stranger Things se termine en se réinventant, en nous surprenant, en proposant une réflexion sérieuse sur ces années d’enfer que ces personnages ont vécues. Au lieu de ça, on nous propose un adieu lisse, balisé et sans intérêt.
Cette première partie de la saison 5 de Stranger Things ne promet rien de bon pour la suite. Elle nous confirme ce qu’on craignait depuis la saison 3. Un adieu sans gloire pour une série autrefois innovante qui se termine en jouant la sécurité totale.
Mais le vrai problème c’est qu’on le sent. On sent que personne n’y croit plus. On sent que cette énième saison est juste une obligation, un contrat qu’on remplit. Et ça, c’est pire que n’importe quelle mauvaise saison. Stranger Things est devenue une série zombifiée qui se maintient en vie par la grâce de son diffuseur. Reste à voir comment se fera son dernier souffle.
Crédit photos : © Netflix





















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