Bear McCreary, entre science-fiction et rock épique : un compositeur à cœur ouvert

0

Le compositeur de Battlestar Galactica et God of War présente The Singularity, son premier album loin des musiques de films mais largement inspiré par ces dernières.

Le 29 avril 2025, le compositeur américain Bear McCreary, célèbre pour ses musiques iconiques de Battlestar Galactica, The Walking Dead, Outlander, God of War et Le Seigneur des Anneaux : Les Anneaux de pouvoir a enflammé la scène du Trianon à Paris.

À l’occasion de cette tournée exceptionnelle, il a présenté Themes & Variations, un concert unique mêlant ses plus grandes bandes originales et les morceaux de son premier album rock conceptuel, The Singularity.

Avec ce projet audacieux et hors de sa zone, Bear McCreary explore des thèmes de science-fiction, d’astrophysique et d’humanité, affirmant son talent de compositeur au-delà du cinéma, de la télévision et du jeu vidéo.

À l’occasion de son passage en France, nous avons pu poser nos questions à Bear McCreary pour parler de The Singularity, de son concert parisien et de cette nouvelle étape dans sa carrière musicale

Est-ce que Singularity a été pour vous un moyen d’exprimer vos sentiments, votre vie, votre parcours de musicien, plutôt que de simplement composer pour raconter les histoires des autres ?

J’ai commencé à écrire de la musique quand j’étais enfant, et vers 13 ans, c’est devenu le centre de ma vie. Je composais généralement dans deux registres : des musiques orchestrales épiques, proches du cinéma, ou des chansons rock émotionnelles, souvent un peu décalées. J’ai toujours cherché à créer une connexion émotionnelle et à raconter une histoire, quel que soit le style. Très jeune, je me suis dirigé vers la composition pour le cinéma et la télévision, et sans m’en rendre compte, en 2019, j’avais déjà passé une vingtaine d’années dans ce domaine. Oui, j’ai joué en live les musiques de Battlestar Galactica, ou sur scène avec mon frère Brendan McCreary ou ma femme Raya Yarbrough. Mais la grande majorité de mon temps, je l’ai passée en studio à écrire pour les histoires des autres.

Ça a changé en 2019, quand j’ai créé un album rock intitulé The Singularity. J’ai été porté par l’envie d’écrire une musique guidée uniquement par mes instincts dramatiques, libre des contraintes du récit imposé par un film ou une série. Mon imagination s’est emballée, au point que j’ai fini par collaborer avec des artistes et des scénaristes pour créer un roman graphique basé sur l’album, publié chez Image Comics.

En résumé, après vingt ans à écrire pour les histoires des autres, j’ai décidé d’écrire pour moi. Et dans ce processus, j’ai créé une musique avec une équipe d’artistes variés, et je me suis retrouvé plongé dans une nouvelle communauté musicale, celle du rock.

Dans cet album, on retrouve un mélange entre votre style de compositeur de musiques de film et les différents genres de métal. Etait-ce intentionnel de mêler orchestrations, riffs de guitare et mélodies propres au métal et au hard rock ? Pouvez-vous nous parler de la genèse et du processus de création ?

Quand j’ai écrit The Singularity, j’ai tout ramené à la table : tout ce que j’ai toujours aimé dans le rock, et tout ce que j’ai appris en vingt ans de composition pour le cinéma, la télévision et le jeu vidéo. Cet album, c’est un peu un voyage dans mon histoire musicale. J’ai revisité des sons, des collaborations que j’avais découverts en travaillant sur des projets spécifiques. D’un coup, les tambours taiko de Battlestar Galactica, les cornemuses et chants gaéliques de Outlander, les influences nordiques de God of War ou les solistes ambigus de 10 Cloverfield Lane ont pu s’intégrer à ces couleurs hard rock et metal que j’avais envie d’explorer. Cet album n’aurait pu être écrit que par quelqu’un avec mon parcours.

L’album semble très inspiré par la science-fiction, avec des thèmes comme la fin du monde, la rébellion ou les nouveaux départs. Pourquoi ce choix ?

J’ai toujours été passionné par la science et la science-fiction, ces idées m’ont toujours stimulé. À l’origine, ce concept album n’était pas pensé comme une narration, mais comme une réflexion sur l’astrophysique. Je voulais parler du contraste entre le temps à l’échelle galactique ou universelle, et la brièveté de nos vies humaines. Quelques indices de cette inspiration restent visibles dans certains titres comme « Redshift », « Type III », « Event at the Horizon », « Syzygy » ou « Midnight Sun ». Et le scénario final du roman graphique The Singularity s’est aussi nourri de ces idées, en les développant dans un récit de science-fiction raconté du point de vue d’un protagoniste vivant sur ces deux échelles de temps.

 

Vous êtes connu pour vos mélodies iconiques dans vos musiques de film. Étiez-vous nerveux ou excité de partager cette facette plus personnelle avec le public ?

Je dois avouer que j’étais un peu nerveux à l’idée de partager ces chansons. Pas tant avec le public, mais surtout avec mes amis proches. Les premiers à entendre mes maquettes ont été mon frère Brendan, le batteur légendaire Gene Hoglan, Brendon Small (créateur de Metalocalypse) et Serj Tankian de System of a Down. J’étais vraiment stressé de leur montrer, car je savais qu’ils seraient francs avec moi. J’ai été soulagé et boosté quand ils ont tous réagi positivement et qu’ils ont voulu s’impliquer dans le projet. Ce premier cap passé, ça a été plus simple de présenter l’album au public, avec la confiance qu’au moins quelques personnes aimeraient. 

Vous aimez beaucoup utiliser la vielle à roue, qu’on entend de God of War à Outlander et sur cet album. Qu’est-ce qui vous attire dans cet instrument méconnu du grand public ?

Difficile à dire. J’ai grandi en tant que claviériste, alors tout instrument à cordes où on peut faire des bends, des vibratos, modifier la hauteur des notes, ça me paraît magique. Mais cet instrument m’a particulièrement parlé. C’est en écrivant la musique de Black Sails que j’ai découvert ce qu’il pouvait vraiment apporter. Il s’est avéré être le son parfait pour cette série, au point d’en devenir la signature. Depuis, je suis tombé amoureux de cet instrument et je l’ai utilisé dans de nombreuses partitions. Mon moment préféré reste sans doute quand j’ai pu en jouer pour accompagner Hozier aux Game Awards 2022, sur notre chanson « Blood Upon the Snow » qu’on a écrite ensemble pour God of War Ragnarok.

Vous avez commencé la tournée ce mois-ci. Quelles sont vos sensations sur scène ? Est-ce une nouvelle expérience pour vous ? Comment réagit le public ? Peut-on s’attendre à des interactions ?

Les publics européens ont été incroyablement chaleureux et enthousiastes. Je parle au nom de tout le groupe en disant qu’on adore votre énergie et vos voix. Continuez à danser, à crier : c’est une fête.

Vous imaginez-vous prolonger cette expérience au-delà de la tournée et explorer d’autres projets similaires en dehors du cinéma, de la télé ou du jeu vidéo ?

Absolument. Si j’ai écrit The Singularity, c’est justement parce que je voulais revenir sur scène. Ce sentiment est électrisant. J’en ai envie de plus en plus chaque jour.

Vous avez travaillé sur tant de genres : science-fiction pour la télé et les jeux vidéo, fantasy avec Le Seigneur des Anneaux : Les Anneaux de Pouvoir, drame… Y a-t-il un genre que vous n’avez pas encore exploré et que vous aimeriez aborder ?

J’aimerais vraiment faire plus de drames historiques. Bien sûr, j’ai eu Outlander, mais il y a une forte dimension fantastique. J’ai adoré travailler sur le film The Professor and the Madman, sur la création de l’Oxford English Dictionary. C’est le genre de drame qu’Elmer Bernstein, mon mentor, aurait pu composer dans les années 90. J’aimerais beaucoup refaire ce type de projet. Mais en même temps, je suis ravi qu’on m’appelle quand il est question de vaisseaux spatiaux, de zombies ou de dragons !

Crédit photos : Droits réservés / ©BearMcCreary Facebook

Partager